Hidalgo, EELV, Mélenchon : à gauche, maigres forces, grandes faiblesses<!-- --> | Atlantico.fr
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Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, participent à l'université d'été du parti, huit mois avant l'élection présidentielle, à Blois, le 28 août, 2021.
Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, et la maire de Paris, Anne Hidalgo, participent à l'université d'été du parti, huit mois avant l'élection présidentielle, à Blois, le 28 août, 2021.
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Rentrée politique

Le Parti Socialiste et La France Insoumise organisaient leur université d'été ce week-end. Anne Hidalgo, la maire de Paris, est la favorite pour représenter le PS à la présidentielle. Jean-Luc Mélenchon, dans son discours, a notamment dénoncé la stratégie sanitaire du gouvernement. Quel bilan tirer de ces rassemblements en cette rentrée politique et sur la stratégie déployée à gauche dans le cadre de la campagne pour 2022 ?

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : L'université d'été du Parti socialiste était organisée ce week-end à Blois dans le Loir-et-Cher. Alors que les candidats à gauche se dévoilent dans la course à l’élection présidentielle, Anne Hidalgo est venue tester sa popularité avant les primaires de la gauche. Qu’est-ce que la candidature d’Anne Hidalgo représente comme proposition politique ? Quel est son axe idéologique ? Qu’est-ce qui la différencie réellement des autres forces de gauche comme Yannick Jadot ?

Bruno Cautrès : Anne Hidalgo va sans doute développer un triptyque « social-écologie-démocratie ». L’enjeu pour elle est double : trouver de nouvelles orientations à partir de ce triptyque (par exemple la question du salaire des « premiers de corvée » de la crise Covid ; la protection sociale des nouveaux métiers, la question des nouvelles formes de salariat etc..), mais plus encore montrer ce qui la différencie des écologistes. Le résultat de la primaire écologiste sera important pour son positionnement : si Yannick Jadot ne gagne pas, elle aura plus d’espace pour développer ce triptyque ; s’il gagne sa primaire, alors Anne Hidalgo devra faire la différence sur sa capacité décisionnaire, son expérience des dossiers complexes, son statut de maire de Paris. La question de l’incarnation de la fonction présidentielle sera essentielle de toute façon pour qu’Anne Hidalgo balise sa différence avec le ou la candidate écologiste. Du côté des écologistes, cette incarnation n’est pas leur pente naturelle, le rôle de chef de l’Etat des institutions de la Vème République est un rôle dans lequel ils ne se sentent pas naturellement à l’aise et c’est une contradiction à surmonter pour leur candidat à chaque élection présidentielle.

Anne Hidalgo pourrait tenter de prendre appui sur les élus locaux ou les maires de grandes villes PS. Ces personnalités politiques, qui ne sont pas encore sous le feu de l’actualité mais qui sont appelées à jouer un grand rôle dans la campagne d’Anne Hidalgo, sont-elles son atout majeur dans la campagne ? Comment Anne Hidalgo peut-elle se transmuter en candidate à la présidentielle grâce  à son expertise locale ?

C’est effectivement l’un des éléments importants qu’Anne Hidalgo va mettre en avant. Il ne faut pas oublier que le PS a bien réussi les dernières élections locales et a montré une bonne capacité à conserver ses positions dans les territoires. C’est même à partir des résultats des dernières municipales, puis départementales et régionales, que le PS a commencé à mettre de côté l’idée de départ d’Olivier Faure d’une candidature unique PS-EELV, portée éventuellement par Yannick Jadot.

Pour sa campagne, Anne Hidalgo  va clairement vouloir capitaliser sur son statut de maire de Paris. L’immense majorité des français n’est ni au courant, ni ne prête attention, aux controverses qui concernent les travaux et les rues de Paris. La maire de Paris voudra fortement se positionner en contre-point de la gouvernance d’Emmanuel Macron ; pour cela, elle peut compter sur un important réseau d’élus locaux socialistes et notamment des maires de grandes métropoles (par exemple les maires de Montpellier, Rouen, Nantes, Nancy) ou des présidents de régions (Carole Delga par exemple) ou de départements qui se sont déjà bien mobilisés pour préparer sa campagne. Il s’agit non seulement de faire passer le message d’une équipe collective qui veut gouverner autrement que de manière « jupitérienne » mais aussi, et c’est sans doute plus important, de prendre appui sur les savoir-faire et les expériences accumulés par tous ces élus locaux, au premier rang la maire de Paris. C’est toute la thématique du modèle de la décision politique et de son renouvellement mais aussi du développement territorial, de l’écologie; la maire de Paris a également fait de nombreuses déclarations sur le thème de faire baisser la violence politique, de consulter et concerter, expérimenter, avant des décisions définitives.

Qu’est-ce que nous dit l’aspect du mode de désignation sur la question de la primaire, un mécanisme qui n’arrive pas bien à prendre en France et sur l’état du Parti Socialiste dans le système politique français ?

Les primaires « à la française » reposent sur un problème majeur de notre système politique : les partis politiques sont à la fois « faibles » (par leurs nombres d’adhérents) et incontournables ! Les primaires sont à l’image de cette situation : le modèle de leur organisation n’arrive pas très bien à se stabiliser, on hésite en permanence sur le périmètre électoral de la primaire (les adhérents ou un cercle plus large avec les sympathisants ?), sur ses modalités d’organisation et dans le même temps ces primaires chaotiques s’installent progressivement dans plusieurs partis politiques. Il est devenu difficile de ne pas organiser de primaire ou de ne pas poser le problème sur la table et dans le même temps cela n’enchante personne ou peu.

En l’occurrence, le PS a soumis à l’approbation de ses militants une motion d’Olivier Faure pour être reconduit à la tête du PS, tout en proposant une désignation « interne », mini-primaire réservée aux seuls adhérents et en explicitant son soutien à la candidature d’Anne Hidalgo. Il y aura un autre candidat, Stéphane Le Foll, l’ancien ministre de l’agriculture et toujours proche de François Hollande. Je trouve cette décision davantage stratégique et mieux vue qu’une primaire « ouverte » car le PS n’est pas encore totalement remis de 2017. Le risque d’une primaire « ouverte » c’est de ne pas rencontrer le succès populaire ; on verra bien avec la primaire des écologistes mais qui plafonne pour le moment autour de 20.000 inscrits…un chiffre très bas (0.04% des électeurs inscrits !) et qui ne donnera pas au gagnant ou à la gagnante l’onction populaire tant recherchée. Il se pourrait même que le primaire « ouverte » des écologistes ait seulement autant (voire moins…) d’électeurs que la primaire « fermée » des socialistes... Symboliquement ces deux chiffres seront à surveiller de près ! Nous verrons également si une primaire à droite est organisée, et si elle peut entraîner à nouveau 4 millions d’électeurs comme en 2016, rien n’est moins sûr...

Jean-Luc Mélenchon a effectué son meeting de rentrée, ce dimanche, aux « Amfis », les journées d’été de La France insoumise (LFI), dans la Drôme. Le candidat déclaré de La France insoumise à l’élection présidentielle de 2022 a annoncé avoir d’ores et déjà récolté 240 signatures de maires sur les 500 nécessaires pour officialiser sa candidature. Il a également répété son opposition au passe sanitaire le jugeant « attentatoire à la liberté dans le monde du travail », tout en fustigeant « l’extrême droite et les antisémites » présents aux manifestations. Jean-Luc Mélenchon va-t-il pouvoir capitaliser sur le mouvement contre le passe sanitaire et sur la rentrée politique et sociale pour remobiliser son électorat ?

Pour le moment, on voit que ce qui différencie les sympathisants LFI de ceux du RN sur cette question, c’est que les sympathisants LFI, davantage que les sympathisants RN, sont « anti-passe mais pas anti-vax ». La corrélation est néanmoins forte dans l’ensemble des électorats entre « anti-passe » et « anti-vax » même s’il faut distinguer les deux. Il n’est donc pas évident que Jean-Luc Mélenchon puisse capitaliser car il y a aussi le RN sur ce créneau malgré la différence que j’indique. Par ailleurs, tout dépendra de la dynamique de l’épidémie : si la menace s’éloigne et qu’Emmanuel Macron peut revendiquer une vraie victoire sur le Covid grâce au passe qui aura obligé des français réticents ou hésitants à se faire vacciner, alors il sera très compliqué pour Jean-Luc Mélenchon de capitaliser. En revanche, si les contraintes liées au passe ne montrent pas qu’elles ont eu comme effet d’éradiquer le Covid (en tout cas pour les mois qui arrivent), alors il pourra sans doute bien davantage capitaliser et mettre en difficulté Emmanuel Macron sur ce point. Quoi qu’il en soit, l’opposition au passe permet à Jean-Luc Mélenchon de décliner l’un de ses thèmes mobilisateurs : « Macron, l’ennemi du peuple » ou « Macron l’arrogant » qui décide de tout et tout seul.  Cela mobilise ses électeurs potentiels et à quelques mois d’une élection, c’est important.

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