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Hausse des inégalités : l'Europe que la crise a mise à terre, celle qui s'est débrouillée et celle qui n'a rien senti
©Reuters

Disparités

Les pays de l'Union européenne n'ont pas tous été égaux face à la crise durant la période 2007-2011. Certains s'en sont mieux tirés que d'autres, comme plusieurs pays de l'est, tandis que l'Europe méridionale a essuyé un sérieux décrochage (Espagne, Italie, Grèce).

Atlantico : Le géographe britannique Danny Dorling a récemment publié sur son site une carte relative à l'impact de la crise économique de 2007-2008 sur les différents Etats européens (voir ici). Les évolutions présentes sur cette carte montrent-elles une augmentation des inégalités entre les pays européens ou au contraire une réduction ?

Laurent Chalard : S’il se constate de fortes différences dans l’évolution des revenus disponibles par ménage entre 2007 et 2011 entre les pays européens, on ne peut en déduire une augmentation des inégalités entre eux du fait d’évolutions paradoxales. En effet, nous ne sommes pas dans une situation où le revenu disponible des ménages aurait progressé uniquement dans les pays déjà les plus riches de l’Union alors qu’il aurait diminué dans ceux déjà les plus pauvres. Il n’y a pas de corrélation entre le niveau de richesse au moment de la crise économique et l’évolution des revenus suite à la crise.

Parmi les pays les plus pauvres, les évolutions sont fortement contrastées selon les pays. D’un côté, il se constate un décrochage certain des quatre pays d’Europe méridionale (Espagne, Grèce, Italie, Portugal), qui ont vu brutalement prendre fin plusieurs décennies de rattrapage de leur niveau de vie par rapport à l’Europe du nord-ouest. Le revenu disponible des ménages y diminue entre 2007 et 2011, du fait d’une mauvaise utilisation des fonds structurels européens, qui ont été concentrés sur la construction d’infrastructures plutôt que sur l’amélioration de la compétitivité des systèmes productifs nationaux. Par contre, d’un autre côté, le revenu disponible des ménages a plutôt progressé dans les pays d'Europe de l'est (Pologne, Slovaquie, Hongrie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie), aux revenus moindres que l’Europe méridionale, qui ont eu tendance à mieux supporter la crise, bénéficiant pleinement de l’afflux financier récent des fonds structurels de l’Union et s’engageant dans une politique de ré-industrialisation. Le principal symbole de ce décalage entre Europe méridionale et orientale est le phénomène de transfert partiel de l’industrie automobile de l’Espagne vers l’Europe centrale (République Tchèque, Slovaquie et Hongrie).

Parmi les pays les plus riches, les évolutions apparaissent aussi fortement contrastées. D’un côté, il se constate une forte baisse des revenus au Royaume-Uni, qui a beaucoup plus souffert que les autres pays européens de la crise financière, du fait de la surreprésentation de la finance dans son économie, et de l’Irlande, très endettée, ainsi qu’aux Pays-Bas, pays très lié aux fluctuations du commerce international. D’un autre côté, les pays de la Scandinavie, à l’économie créative florissante, s’en sortent très bien, comme l’Allemagne, dont l’économie a redémarré rapidement, grâce à son industrie exportatrice reposant sur un coût de main-d’œuvre fortement abaissé, et l’Autriche.

Au sein des pays, comment les inégalités ont-elles évolué pendant la période 2007-2011 ? Les disparités au sein des pays se sont-elles accrues ?

La première constatation qui saute aux yeux à la lecture de cette carte est la relative homogénéité des revenus à l’échelle nationale, témoignant du fait que les tendances nationales pendant la crise ont été plus fortes que les différenciations régionales. En effet, on ne constate aucune région avec une baisse considérable du revenu disponible dans un pays où le revenu progresse, et inversement aucune région n’a vu son revenu augmenter sensiblement dans un Etat où le revenu a diminué. Il se constate cependant des variations d’évolution interne entre les pays, mais suivant des logiques très différenciées.

En Europe orientale, la croissance du revenu disponible est tirée par les grandes métropoles, qui bénéficient le plus de la nouvelle division du travail au sein du continent, en particulier les régions urbaines de Varsovie et de Katowice, les deux plus importantes de Pologne, et la région de Bratislava en Slovaquie. On retrouve le même phénomène en Finlande avec la plus forte hausse du revenu disponible à Helsinki.

A contrario, dans d’autres pays, la situation semble inverse, puisque les régions les plus riches qui correspondent aux grandes métropoles voient leurs revenus diminuer plus fortement que les autres régions : c’est le cas de la région londonienne au Royaume-Uni, la plus touchée par la baisse des revenus, liée à la crise financière, ou de l’Italie du Nord, cœur économique du pays, plus touché que le sud, le modèle industriel familial italien traversant une crise certaine. Cette évolution témoigne du fait qu’au moment de la crise, les régions les plus riches n’ont pas forcément toujours mieux résisté que les autres, les métropoles n’ayant pas été épargnées.

Les inégalités entre les régions ont-elles eu tendance à s’accroître ou au contraire à baisser ?

On ne peut pas vraiment dire que les inégalités de revenus entre les régions de l’Union européenne aient réellement augmenté car le revenu disponible par ménage a le plus baissé dans la région londonienne, l’une des deux villes globales de l’Union, avec Paris, alors qu’il a progressé dans des régions rurales très pauvres de Pologne, de Bulgarie et de Roumanie. Cependant, comme les revenus ont baissé dans les régions pauvres d’Europe méridionale, le phénomène a tendance à se compenser. Pour résumer, si une partie des régions les plus pauvres voient leurs revenus progresser, ce qui est un élément positif qui témoigne de l’impact des fonds structurels en Europe orientale, d’autres régions, en Europe méridionale, ont tendance à voir leurs revenus diminuer, se rapprochant dangereusement des niveaux d’Europe de l’Est. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, la situation apparaît très variable selon les pays, puisque les logiques de différenciations régionales ne semblent pas être les mêmes.

Depuis 2011, à partir des données dont nous disposons, les tendances des années 2007-2011 se confirment-elles ? Que peut-on envisager pour les années à venir ?

Nous ne disposons, bien évidemment, pas des mêmes données comparables depuis 2011 à la même échelle, mais nous avons des informations sur les tendances nationales, qui rappelons-le, expliquent plus la croissance des revenus régionaux que les différenciations infranationales.

Selon ces données, depuis 2011, les tendances se confirment partiellement. Le décrochage de l’Europe méridionale se poursuit, même si l’Espagne semble commencer à sortir la tête de l’eau. En revanche, l’Europe de l’Est semble poursuivre son rattrapage, la décentralisation industrielle depuis l’Europe occidentale continuant. Par exemple, la production automobile dans l’ex-Tchécoslovaquie est supérieure à la production automobile française ! De même, l’Europe du Nord se caractérise toujours par ses bonnes performances économiques.

Les différences concernent essentiellement les îles britanniques, qui avaient le plus souffert de la crise, et qui semblent désormais rebondir, aussi bien le Royaume-Uni, jusqu’au Brexit néanmoins, que la République d’Irlande.

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