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Guerre ouverte entre Valls et Macron : François Hollande marionnettiste en chef de la République ou simple témoin résigné de la nullité de son gouvernement ?
©Reuters

mi-homme mi-molette

Interrogé peu de temps avant le premier meeting politique du mouvement d’Emmanuel Macron, Manuel Valls a montré son irritation mardi dernier : "Il est temps que tout cela s’arrête" et ce , avant d'accuser son ministre de "céder aux sirènes du populisme" ce mercredi 13 juillet.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Interrogé peu de temps avant le premier meeting politique du mouvement d’Emmanuel Macron, Manuel Valls a montré son irritation mardi dernier : "Il est temps que tout cela s’arrête" et ce , avant d'accuser son ministre de "céder aux sirènes du populisme" ce mercredi 13 juillet. Est-il réellement possible de considérer que cette cacophonie, ce "bal" autodestructeur de la majorité, serait consciemment organisée par le chef de l'Etat afin de se renforcer ? 

Christophe de Voogd : Depuis des années, et avant même les primaires de 2011, je souligne les qualités politiques et rhétoriques de F. Hollande, gravement sous-estimées d’abord par les siens, ensuite par ses adversaires. Je peux donc me permettre de dire aujourd’hui qu’il ne faut pas davantage les surestimer. Certes, on ne prête qu’aux riches mais n’exagérons pas la part du calcul politique du Président en cette affaire, sous peine de tomber dans la « théorie du complot ». F. Hollande n’a guère besoin de souffler sur les braises de la rivalité incandescente entre E. Macron et M. Valls : il suffit de laisser parler les ambitions concurrentes ! Mais la « cacophonie » qui en résulte, comme vous le dites justement, est d’abord une faiblesse structurelle du hollandisme. C’est le revers de la « synthèse » (de la carpe et du lapin) et d’un manque d’autorité : ou, plus exactement, d’un refus de choisir.
Que cette gestion soit calculée ou non, elle lui est reprochée par l’opinion et nuit gravement au Président. Le traitement du « cas Macron » dans l’interview présidentielle de ce 14 juillet donnera la réponse à votre question. Soit le Président noie une fois de plus le poisson ; soit il tape sur la table. Mais au risque de provoquer la démission de Macron, ce qui est le scénario rêvé pour ce dernier. Partie d’échecs très serrée entre le « père » et le « fils », dont le vainqueur n’est pas donné d’avance.  


Si François Hollande est régulièrement présenté comme un fin tacticien politique, est-il également possible de considérer que cette position est aussi la conséquence d'une absence de concurrence "crédible" dans son camp ? L'oeuvre "tactique" de François Hollande n'est elle pas la simple conséquence de l'absence d'opposant "crédible »?  Comment faire la part des choses entre ces deux approches ? François Hollande organise-t-il cette faiblesse, ou en est il simplement spectateur, et bénéficiaire?

Sur sa gauche, au PS, il est en effet clair qu’il n’a pas d’opposant crédible. Ni Martine Aubry ni Montebourg ne le sont car ils représentent tous les deux une gauche déclinante. La première vit encore dans l’univers mental de « l’Etat-stratège » et de « l’Etat-providence » des années 1970 ; le second propose la « démondialisation », retour au parchemin après l’invention de l’imprimerie. Mélenchon est le mieux placé, par son talent oratoire, pour rassembler l’essentiel de cette gauche archaïque. Mais il n’est pas dans le camp de F. Hollande et encore moins un opposant « crédible ». La situation apocalyptique de son cher Venezuela suffit à le discréditer. Contrairement à ce qu’on nous serine tous les jours, il n’y a pas de « demande de gauche » dans le pays, et encore moins « de la gauche de la gauche » : non seulement les sondages sont clairs, mais tous les résultats depuis 2012 : la gauche pèse autour de 30% des voix, toutes forces comptées. C’est ce qu’ont compris Valls, avec son profil à la fois pragmatique et autoritaire qui peut séduire à droite, et surtout Macron avec le dépassement revendiqué du clivage gauche-droite, puisque se reposer sur la gauche seule est aujourd’hui garantie d’échec.
Mais les deux (et surtout le premier) ont du mal à franchir le Rubicon de la démission pour trois raisons : l’une, tactique, impose de ne jamais apparaître comme « celui par qui le scandale arrive » ; la seconde, stratégique, est l’hypothèse qui n’a rien d’invraisemblable d’un renoncement de F. Hollande. J’y reviendrai. La dernière, psychologique, sans doute la plus décisive selon moi, est la très grande difficulté à quitter le pouvoir et ce qu’il représente pour l’ego. L’histoire des démissions volontaires sous la Vème république est une histoire avec bien peu de héros : Chirac, Chevènement et Rocard, en tout et pour tout. Ce sont pourtant eux qui ont eu raison car ils sont tous revenus dans le jeu et encore plus forts qu’auparavant. 

Quelles sont les véritables menaces qui peuvent encore peser sur François Hollande ? Peut on d'ores et déjà affirmer que le terrain de sa candidature est d'ores et déjà déminé ? Quels sont ceux qui pourraient encore prétendre à une déstabilisation du chef de l'Etat dans cet objetcif ?

François Hollande est avant tout aidé par la force considérable des institutions de la Vème république et, ne l’oublions jamais, par des forces de l’ordre qui sont d’abord faites en France pour protéger l’Etat et ses représentants. Les événements du printemps l’ont assez démontré, mais on a peu relevé le fait suivant : les « casseurs » (quand osera-t-on dire « l’ultragauche » ?) ont cassé à peu près n’importe quoi, de Paris à Nantes en passant par Rennes, mais dès qu’ils ont fait mine de se diriger vers l’Elysée en mai dernier, bien court fut leur trajet ! 
Demeure l’échéance incontournable de 2017 : d’ici là bien des choses peuvent arriver dans un monde où tout, et surtout le pire, arrive. La candidature Hollande n’est donc nullement « déminée ». Quelles seront les conséquences du Brexit ? Et, plus encore, d’un nouvel attentat ? Adieu « l’inflexion de la courbe du chômage » ; adieu sans doute aussi « l’unité nationale ». C’est pourquoi je pense, en me plaçant du seul point de vue possible à ce jour, c’est-à-dire « dans la tête de François Hollande », que l’homme, qui encore une fois déteste choisir, a mis deux fers au feu. La primaire du PS n’est pas un stratagème « diabolique », comme on le lit partout. C’est un moyen, dans la situation de faiblesse politique extrême où se trouve le Président - c’est tout de même le fait fondamental - de se garder, encore et toujours, deux possibilités : soit une relégitimation ultime à gauche, soit une voie élégante de sortie, si tout va mal. Evidemment, F. Hollande préfère la première solution. Mais dans le deuxième cas, Emmanuel Macron et Manuel Valls se préparent. Voilà pourquoi ils hésitent tant à démissionner maintenant. Encore une fois à tort à mon sens, car 2017 ne sera pas, quel que soit le candidat, l’année de la gauche. Et rester jusqu’au bout, c’est s’associer à un très mauvais bilan que l’on vous rappellera longtemps. C’est d’autant plus vrai pour le premier Ministre. Mais il est trop tard pour lui. Pas pour Emmanuel Macron.  

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