Grèves du 17 septembre : tout pour les entreprises, rien pour les salariés... vraiment?<!-- --> | Atlantico.fr
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manifestations syndicats 17 septembre retraites
manifestations syndicats 17 septembre retraites
©CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Mobilisation syndicale

Suite à l’appel d’une intersyndicale composée notamment de la CGT, FSU et Solidaires, des manifestations sont prévues à travers le pays, ce jeudi 17 septembre. La France n'est-elle pas l'Etat ayant le plus aidé les entreprises mais aussi les Français à titre individuel ces derniers mois ?

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico.fr : Cette journée de grève et de manifestation, lancée il y a deux mois, c'est à dire avant le plan de relance, évoque l'aggravation de la situation des salariés. Partagez-vous ce sentiment?

Pierre Bentata : Si on regarde uniquement les perspectives de croissance que l'on a aujourd'hui et l'aggravation de la situation économique alors oui je partage ce sentiment. Il y a une aggravation d'abord et avant tout de la situation des entreprises. Mais il est toujours surprenant de voir une grève maintenue pour des raisons qui n'ont plus lieu d'être aujourd'hui. C'est une grève dont les motifs sont complètement transformés justement du fait de la crise. Et on peut être étonné de voir les syndicats changer d'objectif. Les motifs ne sont plus les mêmes, la situation n'est plus du tout la même et pour autant, on a les mêmês revendications ce qui pour le coup ne tient absolument pas compte des actions du gouvernement.

Concrètement, la France n'est-elle pas l'Etat ayant le plus aidé les entreprises mais aussi les Français à titre individuel?

Oui c'est indéniable. La France est-elle le pays qui a "fait le plus" ? C'est difficile à dire mais ce qui est certain c'est que la France est dans le peloton de tête! Dés le début du confinement on a eu un accompagnement quasiment inimaginable et cela va d'ailleurs nous coûter très cher. Mais quand vous avez des politiques mises en place pour faciliter la trésorerie des entreprises, que vous avez en partie une prise en charge des salaires par l'Etat (ce qui d'un point de vue économique revient à une nationalisation des salaires) c'est très difficile de soutenir que les salariés sont les laissés pour compte. De la même manière lorsque vous avez des politiques qui incitent à éviter les licenciements et qui essayent de faciliter toutes les reprises d'entreprises, on peut difficilement accuser l'Etat de ne pas soutenir les Français directement. Ce qu'oublient les syndicats (mais c'est dans leur ADN…), c'est que soutenir l'entreprise c'est soutenir l'activité…et donc les Français! On peut comme moi ne pas être d'accord avec la stratégie qui a été mise en place mais considérer qu'ils n'ont pas essayé de soutenir les Français et plus particulièrement les salariés, c'est ubuesque et de la pure démagogie.

Cette grève n'est-elle pas le symptôme d'un ras-le-bol plus général de la politique du gouvernement?

C'est tout à fait possible. Si l'on veut prêter un peu de crédit aux grévistes, on peut considérer que c'est une forme de méfiance vis-à-vis de la façon dont le plan de relance va être appliqué. Parce que lorsqu'on regarde le plan de relance on peut se dire que sur les 100 milliards, en réalité il y en avait déjà qui étaient provisionnés, que le reste est conditionné par des négociations avec l'Europe et que donc on n'est pas complètement sûr de la quantité d'argent qui sera injectée sur ces fameux 100 milliards. Donc on peut considérer qu'il y a une forme de méfiance. Maintenant si l'on essaye d'être plus pragmatique, ça m'étonnerait que ce soit pour cette raison que les syndicats se mobilisent  (je n'ai du moins pas vu de recherche qui exprime leur méfiance sur ces points précis).

En revanche oui, c'est très certainement l'expression d'un ras-le-bol de la part des syndicats (pour savoir l'impact global, attendons d'analyser la journée). En revanche, les syndicats sont tout de même dans leur rôle lorsqu'ils expriment un malaise face aux défaillances qu'on a eu dans les stratégies publiques, aussi bien dans l'application des solutions que (et c'est là le pire à mon avis) dans la communication qui en a été faite par le gouvernement. Il y a en ce moment trop d'injonctions contradictoires ce qui peut amener à soit une incompréhension des stratégies qui sont menées, soit tout simplement parce que ça donne le sentiment qu'on a un pilotage à vue. On ne sait pas où en est l'activité, ni quand elle va complètement être libérée. Il y a une sorte de continuité dans les injonctions contradictoires.

Depuis les premiers cafouillages sur le port ou non du masque où les Français sentaient qu'on ne leur disait pas la vérité (ce qui est la chose la pire qui puisse arriver à un gouvernement d'avouer qu'il a menti en situation de crise), et bien c'est ce même sentiment que l'on peut avoir avec un président qui dit par exemple "on va tout mettre sur la 5G et le lendemain un ministre qui parle de faire un moratoire sur la 5G pour préserver l'environnement (en gros : l'activité économique ce n'est pas ce qui prime). Evidemment avec ce genre de communication vous aboutissez à une défiance totale vis-à-vis des actions du gouvernement. A mon avis le ras-le-bol vient davantage de là. On a pas une population particulièrement pro-entreprises donc le ras-le-bol ne vient pas d'un manque d'accompagnement des entreprises, notre population n'a pas été laissée pour compte (loin s'en faut) par rapport aux autres pays. En revanche, on a un gouvernement qui communique très mal sur ce qu'il veut faire, qui ne communique pas sur ces stratégies. Là-dessus c'est normal que les syndicats relayent ce mécontentement et incarne cette incompréhension totale de ce que veut faire l'Etat.   

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