Grève à la mairie de Paris sur le temps de travail de ses agents : petite comparaison chiffrée entre fonctionnaires français, salariés du privé et indépendants<!-- --> | Atlantico.fr
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mairie de Paris fonctionnaires nouveau régime légale temps de travail
mairie de Paris fonctionnaires nouveau régime légale temps de travail
©THOMAS COEX / AFP

Mobilisation

Le nouveau régime légal des collectivités locales pourrait faire perdre au moins huit jours de congé par an aux agents de la ville de Paris. Les syndicats ont lancé un appel à la grève pour ce jeudi 4 février. Au regard des chiffres de l’INSEE, les rémunérations au taux horaire sont-elles plus avantageuses pour le privé, pour le public ou pour les cadres ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico.fr : À la mairie de Paris, une grève a lieu à propos du nouveau régime légal des collectivités locales qui pourrait faire perdre aux fonctionnaires au moins huit jours de congé par an. Pourquoi une telle grogne sociale chez les fonctionnaires de la mairie ?

Michel Ruimy : Ce mécontentement vient de la prochaine mise en application de la loi de Transformation de la fonction publique d’août 2019, qui met fin aux régimes dérogatoires à la durée légale du temps de travail dans les collectivités locales. La Mairie de Paris doit, d’ici au plus tard le 1er janvier 2022, s’aligner sur le régime légal des 1 607 heures de travail annuelles.

Or, dans un rapport de 2017, la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France avait estimé que le temps de travail annuel de ces agents était de 1 552 heures. La question est de savoir s’il faut supprimer 8 jours de congé (équivalent aux 55 heures manquantes) ou s’il faut allonger la durée journalière de travail ?

Les enjeux sont considérables. En effet, selon la CRC, le maintien de ses jours de congé coûte à la Ville de Paris l’équivalent de plus 2 100 emplois et selon les syndicats, la suppression de 8 jours de congé permettrait à la Ville de Paris de récupérer entre 1 800 et 2 000 équivalents temps plein.

Y-a-t-il une différence de temps de travail entre les catégories de fonctionnaires ?

De manière générale, le temps de travail des agents de la fonction publique était, en 2018, supérieur à la durée légale (1 640 h contre 1 607 h). Il était inférieur à celui des salariés du secteur privé (1 708 h).

La principale explication tient au fait que les fonctionnaires sont plus soumis que les salariés du privé à des horaires atypiques. Ces horaires variables et longs, alternants, des policiers, douaniers, pompiers, médecins, infirmiers… donnent lieu à l’attribution de jours RTT de compensation qui viennent en déduction de la durée annuelle du temps de travail. Les agents de la fonction publique (hors enseignants) déclarent, en moyenne, avoir pris, en 2018, 37 jours de congés ordinaires (y compris jours de RTT), soit plus que dans le secteur privé (27 jours en moyenne).

Par ailleurs, comme dans le secteur privé, les cadres et les professions intellectuelles supérieures à temps complet déclarent, en moyenne, des durées supérieures à celles des employés et ouvriers, et des professions intermédiaires qui affichent des durées proches.

Certains salariés de la fonction publique relèvent d’un forfait annuel en jours de travail. En 2018, 8% des agents étaient concernés par ce dispositif contre 12% dans le secteur privé. Quels que soient le secteur, cette organisation du temps de travail est plus répandue parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures et concerne plus souvent les hommes.

La question du salaire, souvent évoquée pour justifier la différence de temps de travail entre public, privé et indépendants est-elle valable ?

Grosso modo, le salaire médian des fonctionnaires est de l’ordre de 2 300 euros, celui du secteur privé d’environ 2 400 euros et celui des indépendants, proche de 2 500 euros. Cependant, il faut éviter de faire de situations particulières, des généralités et d’en tirer des conclusions hâtives.

Malgré le développement de l’économie de plateformes et des initiatives pour développer l’entrepreneuriat, le salariat reste largement majoritaire dans la population active. 1 personne en emploi sur 10 relève du non salariat (auto-entrepreneur, entrepreneur individuel, gérant de société…).

En outre, n’oublions pas que la fonction publique reste le premier employeur de France. Sans être un choix cornélien, on l’intègre pour diverses raisons. Celle-ci est souvent associée à la sécurité de l’emploi. Du fait de la diversité de l’offre, elle peut être aussi un choix de carrière ambitieux et/ou assouplir les choix futurs de vie (mutation, reconversion professionnelle via les concours…). Le statut de fonctionnaire comporte différents avantages, difficiles à trouver dans le secteur privé. Bien que cela ne soit pas la principale motivation des personnes s’y engageant, ce statut reste un élément important dans la réflexion professionnelle.

Il ne faut donc pas nécessairement justifier des durées de travail différentes par les écarts de salaires.

Au regard des chiffres de l’INSEE, la rémunération au taux horaire est-elle plus avantageuse pour le privé ou pour le public, pour les cadres ?

En 2018, selon l’INSEE, le salaire brut moyen mensuel des salariés du privé est de l’ordre 3 150 euros, avec des disparités toujours importantes hommes-femmes (un écart salarial femmes-hommes se réduisant alors que la rémunération des femmes est, en moyenne, inférieure de près de 17%) et selon les professions ou les secteurs d'activité.

Ainsi, la moitié des salariés du secteur privé perçoit moins de 1 870 euros nets par mois en équivalent temps plein. Aux extrêmes : 1 salarié sur 10 gagne moins de 1 300 euros tandis qu’1 sur 10 perçoit près 3 800 euros et 1 salarié sur 100 gagne plus de 9 200 euros nets, soit près de 8 fois le SMIC.

Par profession, il est plus élevé dans les secteurs où les cadres, mieux rémunérés que les autres salariés, sont surreprésentés, comme les services financiers (3 600 euros) ou l’information-communication (3 400 euros). Il est, en revanche, plus faible dans l’hébergement-restauration (1 700 euros), qui concentre une forte population d’employés.

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