Grande Bretagne : Le silence coupable des « Brexiters » face au chaos<!-- --> | Atlantico.fr
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Liz Truss et Rishi Sunak lors d'un rassemblement politique
Liz Truss et Rishi Sunak lors d'un rassemblement politique
©Jacob King / POOL / AFP

Atlantico Business

Coupable silence parce que tous les Brexiters et les leaders populistes nous ont donné tellement de leçons d’exigences démocratiques, que devant le fiasco Britannique ils pourraient donner quelques explications mais ils se cachent. Leurs responsabilités débordent les frontières du Royaume-Uni.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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L'ex ministre des finances Rishi Sunak qui sera donc le prochain premier ministre de la grande bretagne aura peut-être plus de chance , plus  de moyens politiques que ses prédécesseurs, plus d’expertise et d’habileté que ses prédécesseurs .

Après le désastre économique, monétaire, la grande bretagne est tombée dans le chaos politique. Cameron exit, Theresa May exit, Boris Johnson évincé, Liz Truss humiliée et exfiltrée …  Et demain, la majorité déchirée va se battre pour choisir celui qui la conduira dans le mur. Parce que c’est inéluctable. 

Ceux qui prédisaient une telle hécatombe au moment du Brexit navaient pas droit à la parole. Le Brexit était un pur produit de lexpression populaire. Le concept était intouchable. Le peuple l’avait décidé. Le peuple ne pouvait ni se tromper, ni être la victime dune manipulation. Le Brexit a bousculé la Grande Bretagne dans tous les sens et la plongé dans le chaos.

 David Cameron, le Premier ministre qui avait cédé aux courants les plus populistes de son parti, a disparu.

Theresa May sest épuisée à négocier un contrat de rupture acceptable par Michel Barnier, le négociateur européen. Elle a essayé de ménager les intérêts mais ses amis voulaient tout ce que lEurope pouvait apporter à la Grande Bretagne, sans contribuer à son fonctionnement. « Le beurre et largent du beurre. » Le divorce a été prononcé dans une joie triste à Londres et Theresa May a jeté l’éponge, écœurée. Écœurée de voir son pays ainsi glisser vers labime.

Boris Johnson, le plus cynique de tous, voulait faire croire que la Grande Bretagne finirait par profiter de sa liberté retrouvée. Mais même la City, qui rêvait de devenir une Singapour sur la Tamise, ne la pas cru. Boris Johnson est parti couvert de honte sans abandonner lidée de revenir au pouvoir un jour prochain, parce que tout est possible. 

Liz Truss lui a succédé en pariant quun régime à la Tatcher pouvait sauver son pays. Elle na pas compris que son peuple était à genoux, dans un pays en quasi faillite. Cest la banque dAngleterre qui a sauvé le Royaume-Uni de la banqueroute. Les taux dintérêt ont flambé, la monnaie sest effondrée et les fonds de pension (qui soccupent des retraites) ont été mis sous tutelle. Liz Truss a tout tenté, y compris de changer son ministre de l’économie. Elle a tenu un mois.

Il faut maintenant tout reconstruire, le système économique, une politique de redressement, la monnaie, la croissance, la capacité demplois dans une conjoncture extérieure que la Grande Bretagne se retrouve seule à affronter.

Très seule, parce que la classe politique est en miette avec une majorité conservatrice qui devrait découvrir un nouveau chef pour conduire une politique a priori inapplicable parce que le pays est en ruine. Il ny a rien de pire dans une démocratie, que de ne pas trouver de solution politique pour échapper à la ruine. 

Le plus grave est que tous ceux qui ont conduit la Grande Bretagne dans cet état, ont disparu des radars. 

Mais où sont-ils passés, tous ceux qui avaient promis aux Anglais, victimes de la mondialisation, un avenir de prospérité, de liberté et de paix. Une force, une dynamique, une possibilité de nouer des accords aux quatre coins du monde et qui remplaceront avec beaucoup davantages des liens avec lEurope dont on nous disait quelle partait dans tous les sens sous des montagnes de contraintes technocratiques.

Le diagnostic de la situation britannique aujourd’hui est accablant : pas de croissance, pas demploi, un chômage record, une inflation supérieure à 10 %, des inégalités de richesses et de revenus croissantes, une misère pour plus dun tiers d’Anglais inimaginables dans un pays européen.

Mais un diagnostic qui mériterait des remèdes de cheval pour redresser la situation mais que la majorité politique ne peut pas tolérer.

Donc Liz Truss a été obligée de partir parce que son programme était inapplicable, et infinançable. Ce programme conduisait tout droit à la ruine. Cest dailleurs ce que les institutions financières, la banque dAngleterre en tête, ont conclu en condamnant les « Trussonomics ».  Trop de dépenses publiques et sociales, trop de baisses dimpôts.La Banque dAngleterre a été obligée de réagir pour éviter la faillite de fonds de pension qui se retrouvaient en cessation de liquidité, coincés par la hausse des taux dintérêt. Le marché obligataire, qui gère la dette publique, ne pouvait pas accepter une dérive financière majeure sans se mettre à labri, ce quils ont fait pour éviter, selon le New-York Times, un nouveau Lehman Brothers. 

Quelle humiliation ! Pour la presse britannique, le Royaume-Uni est retombé en plein chaos.  Les conservateurs lui cherchent désespérément un remplaçant : son ministre de l’économie est sur les rangs, et Boris Johnson est revenu en coulisse. Nimporte quoi ! même sous la 4e république en France, on naurait pas imaginé un tel bazar. 

Cette situation cataclysmique de la Grande Bretagne est liée à un enchainement de de facteurs défavorables.

La gestion du Brexit sest avérée de plus en plus compliquée, parce que les couts de logistique et de procédures se sont alourdis. Toutes ces difficultés se sont ajoutées à linflation importée par l’énergie, les matières premières et les produits alimentaires. 

Contrairement aux promesses qui avaient été faites par les Brexiters, la Grande Bretagne na pas réussi à trouver dans le monde des partenaires alternatifs à ceux que le Royaume-Uni a perdu en Europe. Les États-Unis ne se sont pas précipités pour venir en aide à lAngleterre qui, en plus, a perdu une partie de la puissance de lindustrie financière.

Ajoutons que ces dernières années, la gestion du Covid a été calamiteuse dans les campagnes et la pandémie a beaucoup désorganisé le système dautant que, faute de moyens, le Trésor britannique a été beaucoup moins généreux pour financer « un quoi quil en coute » comme en Allemagne ou en France. Doù les grosses difficultés en sortie de covid pour profiter du rebond mondial. Les Anglais ont dû, sur leurs deniers propres, payer la gestion du covid et laugmentation des prix de l’énergie, du gaz et de l’électricité. Pas de carte vitale, ni de chèque carburant ou prix plafond. A larrivée, peu de croissance, beaucoup de chômage et dinégalités.

Ce qui est désolant, pour les Anglais, cest quils paient les erreurs du populisme alors que ceux qui les ont entrainés sur ce chemin se font de plus en plus discrets. Et ce nest pas Steve Banon, le lobbyiste américain qui viendra coacher les dirigeants occidentaux comme il a fait pendant presque dix ans, il risque daller en prison aux États Unis.

La situation britannique est certes très particulière par rapport à celle des autres pays occidentaux, sauf que, dans beaucoup de démocraties, on commence à avoir de sérieux soucis au niveau des finances publiques. LAllemagne peut vivre sur les excédents, mais lItalie, lEspagne et surtout la France ont du mal à redresser l’équilibre. Les ambitions de maitrise sont très souvent insuffisantes surtout dans un climat inflationniste. La France doit à la fois soutenir son économie, juguler des problèmes dapprovisionnement en énergie tout en finançant par linvestissement, la conversion vers une économie verte. Dautant plus compliqué que la gouvernance na pas de majorité absolue.

Les pays européens viennent de recevoir les avertissements très sérieux du FMI et des banquiers centraux, parce que la panique britannique a rappelé assez brutalement que la volatilité très forte sur les marchés ne se limitait pas à sanctionner les « trussonomics » de Londres, mais aussi pouvait très bien toucher les plus dissipés de la classe européenne. Le seul atout de lEurope, cest quelle existe et quelle a appris la solidarité européenne. Quon le veuille ou non, tout le monde se tient et tout le monde bénéficie de cette garantie mutuelle. Les marchés nont pas aimé « les Trussonomics » anglais, ils ne supporteront pas un nouveau « quoi quil en coute » français ou italien.  Cest la raison pour laquelle les marchés sont aussi attentifs à la force des courants populistes en Europe. Ils existent dans tous les pays.

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