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Grand débat national : les trois raisons pour lesquelles cela peut marcher
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico business

Les critiques et les sarcasmes fusent de toute part, mais si cette idée d’un grand débat réussissait à débloquer la société française ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Ne rêvons pas, il y a beaucoup plus de raisons de penser que ce grand débat s’apparente à une opération politique destinée à gagner du temps plutôt qu'à trouver des solutions à cette crise incroyablement confuse qui fracture la société française dans tous les sens. 
A priori, une majorité des Gilets jaunes refusent d’imaginer que le dialogue puisse se nouer ; a priori aussi, l’opposition politique, de l’extrême droite à l’extrême gauche, considère que cette opération sera plus toxique qu’utile, les maires, dans leur majorité, ne veulent pas jouer les Samu d’une société en lambeaux, a priori encore, les syndicats et les associations diverses ne digèrent  pas d’avoir été laissés à l’écart et auront du mal à jouer le jeu. A priori enfin, les ministres du gouvernement ne sont guère enthousiastes et les députés de la majorité (LREM) ne savent plus où ils habitent. 
Sauf qu’il existe quand même des raisons d’y croire, pourvu qu’on sorte du débat manichéen où s’oppose les pour et les contre, et qu’on sache regarder la réalité. 
La publication de cette lettre fleuve longue de 5 pages d’explications et de 35 questions auxquelles le président de la République propose aux Français de répondre a peut-être changé le climat. Le nombre de manifestants est encore important certes, mais le ton a bougé un peu sur les manifs la semaine dernière. Plus de calme et de raison.
A partir de là, il y a trois raisons qui pourraient laisser penser que ça peut marcher. 

1er raison, ce projet de grand débat répond dans l’opinion à un besoin de prendre la parole et la forme de cette lettre laisse penser que cette parole sera libre. Comment peut-il en être autrement ? Mais l’intérêt, c’est que la prise de parole est la première étape d’une opération de pédagogie. La prise de parole entraine une prise de responsabilité et suscite le débat. Donc une recherche de compromis ou de cohérence. Qu’on le veuille ou non, le débat sur l’excès de fiscalité enfante forcément un débat sur le poids et la qualité de services publics. Qui paie l’impôt, à quoi sert-il ? La discussion nous sort de la caricature, du totem, de la simplification réductrice. 
Sur l’ISF, qui a semblé cristalliser beaucoup de colère, la question est de savoir si sa suppression a permis de stimuler l’activité et l’emploi. 
Sur le service public, la question n’est pas de savoir s’ils sont publics ou privés, la question est de savoir s’ils sont efficaces et équitables. Qui sait que plus de la moitié des services de santé sont assurés par des organisations publiques et privées qui sont en concurrence ? Même situation dans l’éducation, les cantines scolaires, l’entretien des parcs et jardins... Et qui pourrait regretter que le téléphone, l’internet et même La Poste soient tombés dans le grand bain de l’économie de marché ? 

La deuxième raison pour laquelle il faut s’y intéresser (au delà de l’outil pédagogique), c’est que ce type de grand débat va permettre, d’une part de savoir exactement ce que veulent les Gilets jaunes et d’autre part, de frotter ces doléances au reste de la population. Le mouvement des Gilets jaunes ne représente ni la totalité, ni la diversité du peuple. La lettre du président de la République va donner la parole à tous ceux qui ne sont pas allés sur les ronds points ou dans les manifs. Et au final, il faudra bien que tout ce monde là se parle et dégage des lignes résultantes. 
Très important aussi que cette invitation au grand débat soit adressée aux maires, aux corps intermédiaires, aux différents partis politiques ou syndicaux 
Et la résultante doit apporter la matière à redéfinir un projet pour le pays. 
La raison pour laquelle ça peut marcher, c’est que ça va être très difficile pour qui que ce soit de refuser de participer à ce grand débat. Après avoir réclamé un dialogue sur tous les tons et tous les jours, personne ne pourra renoncer à sauter dans le bain. 

La troisième raison va porter sur l’interprétation, la synthèse, et l’utilité de tout ce qui ressortira de ce grand débat. D’où l’importance de la mobilisation, l’importance de l’organisation et des conclusions qui seront retenues. 
Le grand débat est une opération à grand risque. La principale difficulté va être de dégager des cohérences entre ce qui est souhaitable, voulu, rêvé et ce qui est possible, réalisable et réaliste. 
Le risque pour Emmanuel Macon porte sur la nécessité de maintenir un cap de réformes génératrices de meilleurs resultats économiques, parce que la puissance économique est, qu’on le veuille ou non, le nerf de la guerre, tout en apportant des réponses aux dysfonctionnements les plus injustes ou vécus comme tels.
Le scénario pour ce grand débat reprend d’une certaine façon le programme de la présidentielle. Le diagnostic est le même. La France a besoin de compétitivité, les Français ont besoin de toucher le résultat de leurs efforts ou de leur travail. La question pour Emmanuel Macron n’est pas de réduire son projet à la réduction d’un déficit ou au respect scrupuleux des objectifs de Maastricht. La question pour Emmanuel Macron est de resituer l’action politique dans un projet ambitieux. Lorsqu’avant la présidentielle, Emmanuel Macron avait lancé le mouvement des marcheurs, c’était pour les entrainer dans un projet de rénovation totale de la société française. 
S’il retrouve ce souffle-là, ça peut se gagner. Sinon, on risque bien de retomber dans le blocage politique le plus total. 

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