"Avec Google, Apple et Facebook, l'industrie musicale reconstruit un nouvel oligopole via Internet "<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les dernières études, notamment celle de e-marketeur, montre que les utilisateurs préfèrent et utilisent encore, en majorité, de la musique téléchargée à la musique « streamée »."
"Les dernières études, notamment celle de e-marketeur, montre que les utilisateurs préfèrent et utilisent encore, en majorité, de la musique téléchargée à la musique « streamée »."
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C'est la même chanson

Google music a ouvert au public cette semaine. Un nouveau concurrent pour l'iTunes d'Apple. Le secteur de la musique en ligne laisse décidément peu de place aux indépendants.

Atlantico : Bien qu'elle ne soit pas encore disponible en France, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la nouvelle plateforme Google Music qui a été rendu accessible au public cette semaine ?

Virginie Berger : C’est une plate-forme de streaming, accessible pour l'instant aux seuls Américains. Le partage fonctionne par « cloud » : l’internaute stocke des fichiers dans un espace dédié disponible via Internet. Il pourra ainsi écouter en streaming la musique depuis n’importe quel ordinateur, tablette numérique ou smartphone. Pour les connaisseurs, en résumé, disons qu’il s’agit d’un mélange de Dropbox et Spotify.

Reste une question : si on peut stocker toute la musique de son ordinateur, quid des fichiers piratés ?

En quoi ce service de musique peut-il changer les modes de consommation à venir de la musique ?

Il faut savoir que la propriété de la musique est encore supérieure à l'écoute en streaming. Les dernières études, notamment celle de e-marketeur, montre que les utilisateurs préfèrent et utilisent encore, en majorité, de la musique téléchargée à la musique « streamée ». Donc l’envolée du streaming ne correspond pas à ce qui avait été annoncé, bien qu'elle affiche des statistiques intéressantes (près de 40% de la consommation de musique sur Internet).

Et puis, le streaming pose le même problème vis-à-vis des ayant-droits. Il ne faut pas oublier que derrière une maison de disque il y a un artiste. La musique constitue son gagne-pain et il doit être justement rémunéré pour cela. Pour le moment le streaming ne répond pas du tout à cette question. Le business n’est malheureusement pas centré autour de l’artiste. Le vrai problème est là. Les artistes ne touchent presque rien sur la vente de musique en ligne.

Les artistes ont toujours été peu récompensés de leur production, mais la situation actuelle est devenue délirante. Tout le monde veut sa part du gâteau. On voit même des tourneurs,  des agences de communication demander des points d’édition...

Les artistes gagnent moins d’argent sur leurs ventes de disques, mais parallèlement le prix des concerts a augmenté… Est-ce la meilleur alternative ?

Bullshit ! Le prix des concerts n’a pas augmenté pour les artistes « de moyenne classe ». Seuls les artistes réputés gagnent de l’argent sur leurs tournées. La plupart ne gagne rien et peine même à trouver un tourneur. Un artiste en développement peut même se voir offrir ses concerts en bière !

La crise de la musique concerne tous les artistes, mais les « gros » en pâtissent beaucoup moins que les moyens et petits artistes. Cette crise implique une baisse globale du chiffre d’affaires, des rentrées d’argent, donc des subventions, donc de la publicité… Cela génère une couverture médiatique bien moindre : c’est un cercle vicieux qui touche davantage les artistes moins connus.

En quoi l’arrivée de Google sur le marché de la musique en ligne change-t-il la donne ?

On est en train de reconstituer sur Internet l’équivalent des majors qui dominaient l’industrie musicale. On n’a pasencore réussi à construire sur Internet quelque chose de suffisamment fort pour permettre l’indépendance des artistes.

Des sites comme Pitchfork, les blogs musicaux agrégés via The Hype Machine, ou d’autres sites web sont de bonnes initiatives, mais elles jouent avant tout le rôle de médias. Leur présence est bien-sûr indispensable, car les médias offline ne laissent aucune place aux artistes méconnus ou indépendants. Mais pour vendre leur musique dans le secteur digital, les artistes doivent obligatoirement être présents sur les très grosses plateformes, telles qu’iTunes. Avec iTunes, Apple possède 70% du marché de la musique en ligne.

Internet est porteur d’espoir, parce que l’on peut tout partager et avoir accès à des contenus que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Mais finalement on s’aperçoit que ce n’est pas réellement le caspour le moment. Itunes, Google et Facebook forment un oligopole de la visibilité et de la commercialisation de la musique on-line.

Heureusement, de nombreux artistes, labels,  producteurs, structures indépendantes, montrent qu’une alternative est possible, en produisant, promotionnant et vendant différemment la musique. MySpace avait ouvert la voie, des sites comme Bandcamp, Soundcloud, Bandzoogle oeuvrent vers et pour une véritable indépendance de l’artiste. Donc nous nous trouvons également face aussi à une multitude de possibilités, en plein développement. 2011 est vraiment une année charnière.

Internet est aussi un média à double tranchant : les possibilités sont presque illimitées, mais pour beaucoup d’artistes cela est aussi très compliqué d’émerger au milieu de milliards de pages web.

Par ailleurs, on observe, progressivement, un transfert du gratuit vers le payant. C’est inéluctable, la musique n’aurait jamais dû être gratuite ! C’est un vrai travail d’en faire, avec des coûts de production importants…

La situation sur Internet devient encore plus difficileà gérérqu’auparavant. Quid de la création et de la juste rémunération des artistes ? Quel est le business modèle pour les artistes ? On est d’accord sur la nécessité de faire évoluer le droit de la propriété intellectuelle et artistique, l’utilisation de la musique… Mais la vraie question doit demeurer la création. Si l’on décide de mettre le streaming gratuit, le téléchargement à 0,99$, comment rémunère-t-on l’artiste ? Et derrière, si l’on estime que la création est gratuite, alors quelle est la place du créateur, et même de la culture, dans la société ?

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