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Comment George Lucas a été vaincu par ses propres fans et par Hollywood
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Que la force soit avec lui

Le nouveau film de George Lucas, "Red Tails", est sorti ce vendredi aux Etats-Unis. Le réalisateur de Star Wars a dû dépenser des millions de sa poche pour que son film puisse être distribué. Il a annoncé qu'il prenait sa retraite.

Rafik Djoumi

Rafik Djoumi

Rafik Djoumi est l’auteur du livre George Lucas, l’homme derrière le mythe (Absolum – 2004). Il a été rédacteur aux mensuels Le Cinéphage , Cinemag , Videotheque , DVDvision , Impact, Mad Movies et collaborateur à Plus, PCFun, Libération, Excessif, Toutlecine, etc. Il est actuellement chroniqueur cinéma pour Arrêt sur image.

 

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Au détour d’une interview donnée au New York Times, durant la promotion de sa dernière production Red Tails (1), George Lucas a dégoupillé une belle grenade médiatique en déclarant : «Je prends ma retraite. Je me retire des affaires, de ma société, de tous ces trucs-là.» À quelques jours de la sortie de Star Wars Episode 1 en version « 3Disée », et alors que son nom nourrit régulièrement les foires d’empoigne des communautés geek sur Internet, Lucas savait que cette déclaration serait immédiatement clonée sur toutes les plateformes et les réseaux sociaux.

En l’espace de quinze ans, le cinéaste et producteur indépendant (2) a troqué son statut de génie visionnaire pour celui du démon infanticide. Qu’il s’agisse des épisodes I, II et III de Star Wars, qui ont d’abord interloqués nombre de fans avant de devenir l’objet de toutes leurs moqueries ; qu’il s’agisse de la disparition programmée des Star Wars originaux, remplacés en DVD, en Blu-ray et à la télévision par des versions retouchées à 100% (3) ; qu’il s’agisse du désolant épisode IV d’Indiana Jones et son désormais célèbre frigo antiatomique, le ressentiment d’une partie du public à l’égard de Lucas a atteint des pics phénoménaux, justifiant la sortie d’un documentaire à charge, The People versus George Lucas, un épisode terriblement agressif de la série South Park (4) ainsi que des milliers de vidéos internautes allant de la parodie la plus agressive au soliloque de fan déçu. «Pourquoi en faire toujours plus quand tout le monde vous crie dessus tout le temps et vous dit à quel point vous êtes une personne épouvantable ? ».

De prime abord, la déclaration cible explicitement les fans, le public et la critique, qui se sentiront soudain responsables d’avoir poussé l’artiste à bout. Mais derrière l’artiste il y a aussi l’homme d’affaires et Lucas insiste assez peu sur d’autres facteurs, plus terre-à-terre, qui ont pu précipiter sa décision. Car si l’immense fortune générée par Star Wars et ses produits dérivés a permis à Lucasfilm de garder son indépendance sur trois décennies, les rapports de la compagnie avec les majors hollywoodiennes ne sont pas forcément au beau fixe. Les épisodes I, II et III de Star Wars ont été des succès internationaux mais ils demeurent loin, très loin, du nombre d’entrées cosmique générées autrefois par les épisodes IV, V et VI.

Affligé d’une série d’échecs commerciaux et de déceptions oubliées du public mais pas des professionnels (Howard the Duck, Willow, Labyrinthe, Radioland Murders) le label « Lucas producteur » n’impressionne plus Hollywood depuis longtemps et ceci a eu des conséquences dommageables sur le projet Red Tails dont Lucasfilm devra payer l’essentiel des frais de distribution.

Finalement, Lucas se range à l’opinion de son vieil ami Francis Ford Coppola, qui a toujours déclaré que « le succès de Star Wars a d’une certaine façon privé le monde d’un excellent cinéaste », celui qui, à la fin des années 60, rêvait de road-movies en 16mm et noir et blanc montés au jour le jour à l’arrière d’une camionnette. Cinéaste autrefois très expérimental (voir ses courts métrages Look at Life, Herbie, ou son premier long THX 1138) devenu presque malgré lui l’empereur du cinéma populaire, Lucas affirme aux journalistes qu’il retourne maintenant à ses premiers amours, petits budgets et Art et essai, en espérant que personne dans l’assistance ne lui rappelle qu’il déclarait la même chose en 1979… et que c’est précisément pour produire ces « petits films expérimentaux » qu’il avait autrefois fondé Lucasfilm.


(1)film de guerre sur la compagnie d’aviation des Tuskegee Airmen, premier régiment aérien composé d’afro-américains

(2)Depuis L’Empire contre-attaque en 1980, la société Lucasfilm gère la production complète des films et des séries Star Wars, sous l’égide d’un contrat de distribution avec la 20th Century Fox.

(3)Lucasfilm interdit la diffusion de copies originales de Star Wars (soit les versions sorties entre 1977 et 1983) et refuse même d’en fournir pour archivage à La Librairie du Congrès américain. Voir ce lien : http://savestarwars.com/lucas-nfr.html 

(4)Dans Le Ploblème chinois (saison 12, épisode 8) les enfants de South Park assistent au viol à répétition d'Indiana Jones par George Lucas et Steven Spielberg. La police finit par arrêter George Lucas chez lui, alors qu'il violait un stormtrooper.

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