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Génération égoïste ? Les femmes regardent de plus en plus de porno et deviennent des hommes addicts au plaisir solitaire comme les autres
©Mashable ; capture d'écran

L'égalité dans le porno

Le site pornographique "Pornhub" a publié son étude statistique annuelle pour 2017. Parmi les nombreux enseignements de cette dernière, on peut relever que la consommation de contenus pornographiques par les femmes en France a bondi de 25% par rapport à 2016.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Les statistiques du site internet pornographique Pornhub pour l'année 2017 sont sorties et l'on note une nette progression de la consommation de films pornographiques par les femmes en France (+25% par rapport à l'année dernière).  Désormais une visite sur 4 dans le monde sur le site internet Pornhub est faite par une femme (26%). Comment expliquer cette hausse manifeste de la consommation de pornographie par les femmes en France ? 

Michelle Boiron : Les chiffres sont peut-être à prendre avec précaution puisque l’étude statistique vient du site Pornhub. Si cela se confirmait on peut penser que  les femmes par un mouvement de société soient enclines à modifier les comportements sexuels qu’on leur connaissait jusqu’alors. Ces chiffres nous montrent que la femme va juste devenir un homme comme un autre ! En plaise aux féministes ! Si la sexualité féminine passe de contextuelle à visuelle alors oui les femmes peuvent trouver leur excitation comme les hommes en regardant des films pornos. 

Le changement de paradigme de la sexualité humaine tend vers une recherche d’autonomie, de plaisir solitaire qu’offre le virtuel. Le plaisir solitaire tant décrié tend à devenir la norme dans la sexualité jusqu’à prendre pour certains toute la place. Là où la masturbation se pratiquait en créant des fantasmes, qui avaient au moins le mérite de produire une activité cérébrale, la masturbation devant le porno s’inscrit dans un scénario imposé par le porno, il est cru et absorbé sans filtres. Parfois effractant et toujours pour créer une excitation qui ne va plus de soi.  

Cela engendre une passivité. Le mouvement même du corps se limite à la main. 

Les hommes y ayant de plus en plus recours au détriment de la relation sexuelle on peut entendre que la curiosité des femmes a été aussi éveillée. D’abord par une demande, voire une incitation des hommes à partager certains films et ensuite si elles ont pu ressentir et admettre qu’elles ressentaient de l’excitation, certaines ont ensuite pris seule l’initiative. 

Sans faire de schémas réducteurs les femmes avaient plus tendance à utiliser les sextoys que de regarder des images pornos. On peut aussi rappeler qu’avant le canard de Sonia Rykiel c’était le plus souvent les hommes qui leur en achetaient. Ce qui validerait le fait que les hommes ont initié les femmes à leur forme de sexualité sans imaginer qu’elles allaient faire comme eux voire les dépasser ! Ce qui excitait les hommes étaient de forcer la femme à utiliser des sextoys ou regarder du porno pour leur plaisir personnel ! Ce qui se modifie c’est qu’aujourd’hui l’élève (la femme) dépasse le maître (l’homme). Elles se sont emparées de leurs outils. Elles sont devenues phalliques et autonomes ! 

Ces changements dans la sexualité féminine  traduiraient une tendance si cela devait se vérifier à une modification physiologique de la logique de l’excitation des femmes.  Puisque c’est bien de l’excitation dont on parle et pas de désir ni de libido. 

Ces pratiques permettent aux femmes d’une part  de ne pas être dépendre de l’homme pour son excitation donc pour arriver à obtenir la jouissance et d’autre part de ne pas avoir à ressentir la frustration quand l’autre n’est pas prêt à lui donner la jouissance réclamée. Ce qui est nouveau pour les femmes c’est de réclamer leur jouissance et de sortir de la dépendance masculine pour l’obtenir. Le tiers virtuel remplace le bon amant réel !

Quelles différences entre la consommation de pornographie entre les femmes et les hommes ? Le font-ils pour les mêmes raisons ? 

Il n’y a pas si longtemps, on attribuait l’érotisme aux femmes et la pornographie aux hommes… Ils ne « jouissaient » « jouaient » pas sur le même terrain. La physiologie de l’homme lui permet d’obtenir l’orgasme en moins d’une minute alors que la femme avait besoin de 20 minutes. Ce qui justifiait l’exigence d’un contexte pour céder à la relation sexuelle et être prête. Tous ces codes ont volés en éclat et on trouve aujourd’hui dans nos consultations des femmes qui refusent les préliminaires et des hommes qui les réclament. Le conditionnement des femmes a peut être bloqué certaines de leurs récepteurs dont le visuel qui semble aujourd’hui les faire réagir en dehors de toute attente.

Le plaisir qu’elle obtenait elle le  « donnait » à l’homme. Cela lui créait une excitation. La femme aujourd’hui ne le lui donne plus mais elle va comme l’homme le chercher. C’est peut-être pourquoi elle tend à adopter les codes de l’homme. Elle devient active pendant que l’homme tend à devenir passif. 

Que peuvent révéler les différences dans les termes recherchés entre hommes et femmes ? 

La phrase de Frédérique Dard : « il n’y a rien de plus léger au monde qu’un pénis : une simple pensée le soulève »  nous montre comment une pensée toute simple pouvait agir sur l’excitation masculine. On avait l’équivalent au féminin : le regard d’un homme sur une femme pouvait lui créer du désir et de l’excitation. 

Ceci étant dit,  il est très difficile de répondre à ces questions de différences de termes hommes femmes tapés sur la recherche de films d’une part sans savoir la proportion de femmes  lesbiennes .qui regardent des films car celles-ci vont vers des films entre 2 femmes. D’autre part les différences de cultures de sociétés dans lesquelles les consommateurs s’inscrivent ont une influence sur leur choix de terme pour trouver un film.

Ce que je constate c’est que le choix des termes évolue aussi pour chacun en fonction de sa consommation si elle est nouvelle ou ancienne. Les scènes sur lesquelles tout le monde pourraient s’accorder : visionner deux femmes fantasme partager par tous. Hélas cette scène ne tarde pas à être insuffisante pour trouver l’excitation recherchée. On ne peut pas généraliser. 

En revanche il me parait essentiel dans cette étude de connaitre la proportion d’hommes et de femmes qui ont une sexualité « normale » même si ce terme n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui. Ce qui était anormal hier et classé dans le DSM IV devient normal aujourd’hui.  Pour exemple un homme ou une femme qui serait atteint de paraphilie (un trouble mental qui s’exprime par une recherche atypique de plaisir sexuel) ne va pas taper les mêmes termes qu’une jeune femme qui regarde un film porno pour la 1ère fois. 

Je ne peux valider les statistiques de cette  recherche qui voudrait que la tendance actuelle conduise  la femme  à singer les codes de l’homme dans une conduite de visionnage de films pornos et aussi de sous entendre que ce qu’elle regarde serait plus hard. Un site comme « Porna » le féminin de « Porno » parle de belle lumière et de bel éclairage.

Le  porno est une mode. Que la mode passe et que la sexualité retrouve un peu de réel et que le virtuel ne l’emporte pas !

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