Les Frondeurs écartés de la Commission des affaires sociales : un pari à la fois osé politiquement et inquiétant démocratiquement<!-- --> | Atlantico.fr
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Le député frondeur Christian Paul en participera pas aux débats en commission sur l'élaboration du budget de la Sécurité sociale pour 2015.
Le député frondeur Christian Paul en participera pas aux débats en commission sur l'élaboration du budget de la Sécurité sociale pour 2015.
©francetvinfo.fr

Au coin !

Six députés Frondeurs qui n'avaient pas voté la confiance à Manuel Valls ont été exclus de la commission des affaires sociales mardi 30 septembre. Entre symbolisme et pragmatisme, cette prise de risque est peut-être inutile pour le gouvernement...

Pascal Jan

Pascal Jan

Professeur de droit public à Sciences Po Bordeaux, spécialiste en droit constitutionnel et finances publiques, vice-président du Cercle des constitutionnalistes.

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Atlantico : A l'approche de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, six députés "frondeurs" qui n'avaient pas voté la confiance à Manuel Valls ont été exclus de la commission des affaires sociales mardi 30 septembre. Les "frondeurs" sont-ils vraiment moins dangereux une fois écartés des commissions clés ?

Pascal Jan : Le fait d'exclure des députés résistants ou contestataires ne change pas fondamentalement la donne, puisqu'un député en commission ne fait qu'amender les textes à titre principal. Alors certes en siégeant au sein de cette commission, on amende en premier lieu les textes déposés auprès de cette commission.

Reste que les parlementaires peuvent déposer des amendements sur un texte d'une autre commission. Même si cette situation est quelque peu exceptionnelle, il n'en reste pas moins qu'un parlementaire peut déposer un amendement en séance plénière. En sachant que les "frondeurs" ne prendront vraisemblablement pas le risque de déposer un amendement dans une autre commission, mais personne ne pourra l'empêcher d'exercer son droit individuel en séance publique (plénière).

Une mesure en définitive uniquement symbolique ?

Oui, en quelque sorte. Cela ne porte pas préjudice au parlementaire lui-même. Mais les affaires sociales constituent le fond de commerce des frondeurs. il y a un côté punitif. 

Dans la révision constitutionnelle de 2008, il y a l'idée d'une rationalisation du droit d'amendement. C'est à dire que le droit d'amendement s'exerce en commission sur les aspects techniques, et que la séance publique est supposée être davantage consacrée à la vision politique. Le problème est que les parlementaires n'ont pas respecté cette intention initiale. Ils déposent autant d'amendements techniques en séance publique. Les "Frondeurs" ne feront pas exception en cela. Ils utiliseront leur droit d'amendement.

Les Frondeurs sont-ils plus dans la posture politique que dans la contestation ?

Ils représentent la nation, c'est là le principe de leur mandat. Ils ont reçu un mandat sur une majorité, qu'ils interprètent. Ce n'est pas parce-qu'ils contestent un choix de politique et économique que pour autant ils fondent une majorité alternative.

Il y a une opposition sur les méthodes pour arriver à des résultats convenus. Sur les fondamentaux, pas de différence donc. Ils font principalement prévaloir leur opinion. Mais en définitive, ils ne voteront pas contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2015, ou calibreront pour ne pas faire échec à un texte.

Enfin, le gouvernement pourrait très bien user des armes du parlementarisme rationalisé, et notamment le vote bloqué. Ce qui n'est pas forcément un bon signe envoyé à l'électorat. Mais pour la loi de financement de la sécurité sociale 2015, le gouvernement ne manquera pas de faire appel à l'article 49-3* de la Constitution pour un passage en force (le gouvernement est alors minoritaire). Et même un gouvernement minoritaire n'est pas obligé de dissoudre. Il peut très bien nommer un nouveau gouvernement.

La menace plane, mais cela se résumera à beaucoup de bruit pour pas grand chose.

Le gouvernement ne cherche-t-il pas également de son côté à accélérer le passage des projets de loi en commission ?

Le gouvernement cherche peut-être en effet à accélérer le processus du passage des projets de loi en commission, en évitant ainsi une cascade d'amendements.

Reste que cela ne fait que repousser le problème, puisque cette cascade d'amendements pourra avoir lieu en plénière.

La ligne politique pour le gouvernement doit apparaître comme claire et efficace, et d'une certaine manière c'est une clarification des modes de fonctionnement. L'exclusion est symbolique, mais sert également un point de vue pragmatique.

Pareilles exclusions sont-elles une première dans l'histoire de la Ve République ? Ne valait-il pas mieux préserver la discussion démocratique au sein des commissions ?

Au sein des commissions, sauf querelles personnelles, il ne me semble pas que des contestations politiques aient débouché sur des exclusions.

Les débats sont des débats respectueux les uns avec les autres, les discussions portent sur le fond. Généralement, il n'y a pas d'affrontement sanglant entre les parlementaires au sein des commissions. La posture politique y est réduite au minimum, ce qui laisse ouvert le champ de la discussion et de la contestation courtoise. De ce point de vue, ils sont tout aussi neutralisés que dans une autre commission.

* L'arme ultime, l'article 49-3 : Il permet d’imposer l’adoption d’un texte par l’Assemblée en engageant sa responsabilité. La seule alternative possible pour les députés est alors le vote d’une motion de censure et la destitution du gouvernement.

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