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François Hollande prend le risque d’une sortie du Royaume-Uni de l’UE mais en mesure-t-il vraiment les conséquences ?
©REUTERS/Darren Staples

Inconscience

Ce samedi 21 juin, François Hollande réunit les principaux leaders sociaux-démocrates européens à l'Elysée. Ces derniers veulent que Jean-Claude Juncker devienne président la Commission européenne, ce qui déplaît fortement aux Britanniques et pourrait précipiter leur envie de sortir de l'Europe.

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : François Hollande réunit les principaux leaders sociaux-démocrates à l'Elysée. Ces derniers ont comme point commun de vouloir Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, ce qui déplaît fortement aux Britanniques. Une telle réunion ne risque-t-elle pas de marquer un début de rupture entre Londres et le reste de l'UE ?

Guillaume Klossa : Avant cette réunion, il y a eu un événement beaucoup plus fort encore : la rencontre en Suède entre Angela Merkel, le Premier ministre suédois, le Premier ministre irlandais et David Cameron. Lors de cette réunion, la chancelière allemande a clairement affirmé qu'il n'y avait qu'un seul candidat possible pour la Commission européenne, et qu'il s'agissait de Jean-Claude Juncker. La décision était donc déjà prise.

La réunion des principaux socialistes européens ne fait que confirmer un engagement antérieur. Le président de la République avait lui-même été très clair sur le fait qu'il soutenait le candidat issu des urnes. Cela n'aura donc pas d'impact majeur. Le vrai sujet déterminant, c'est la position de l'Allemagne. Et la chancelière a été claire. D'ailleurs les opposants à Jean-Claude Juncker qu'étaient le Premier ministre suédois et le Premier ministre irlandais – et qui étaient donc les alliés de David Cameron – se sont rangés derrière le choix d'Angela Merkel. La réunion d'aujourd'hui n'est qu'une simple confirmation.

David Cameron menace d'avancer le referendum sur la sortie de l'UE d'une année si Juncker devient président de la Commission. La sortie du Royaume-Uni de l'UE à brève échéance est-elle plus que jamais d'actualité ? 

A partir du moment où il y a un référendum, tout est possible. Ce qui est certain, c'est que quand vous discutez avec des députés conservateurs, ils expliquent bien que la sortie de l'UE n'est pas forcément leur intérêt. Il y a un écart entre la pensée intime des dirigeants britanniques, et l'affichage sur la place publique. Et c'est un problème.

Après il y a une observation à faire : les Britanniques voient d'abord leur intérêt pragmatique et réel. Ils font généralement la distinction entre ce qu'ils souhaitent au niveau émotionnel, et leur intérêt. Et pour ce dernier, ce serait plutôt de rester dans l'Union européenne.

Malgré sa défiance, et le fait qu'elle ne fasse pas partie de la zone euro, le Royaume-Uni est-il si peu impliqué dans la construction européenne que ce l'on se plait parfois à présenter ?

Le Royaume-Uni a indéniablement un impact fort sur les institutions européennes. Deux groupes du Parlement européen sont dirigés aujourd'hui par des Britanniques. Ce n'est pas négligeable. Ils ont aussi toujours joué un rôle majeur dans l'attribution des postes clés. Après la question serait de savoir si le Royaume-Uni est un élément favorisant aujourd'hui l'intégration dans l'Union européenne. Il semblerait que ce ne soit pas sa priorité actuelle. Le Royaume-Uni prône un repositionnement sur des fonctions fondamentales de l'UE, mais quand on rentre dans le détail, on a du mal à voir de quoi il s'agit. Il y a un vrai problème de cohérence.

Une UE largement articulée autour du seul couple France/Allemagne : est-ce vraiment un contexte qui nous serait favorable ? N'a-t-on pas politiquement plus à perdre qu'à gagner si le Royaume-Uni quitte l'UE ?

La France a toujours pensé que le Royaume-Uni était un allié dans l'Union européenne pour contrebalancer l'Allemagne. Et de l'autre côté, l'Allemagne a toujours pensé que le Royaume-Uni pouvait lui permettre de sortir d'une relation exclusive franco-allemande. Les deux composantes du couple franco-allemand ont donc une vision utilitariste du Royaume-Uni. Les Français et les Allemands ne voulaient pas d'une confrontation qui se résumerait à eux deux.

Aujourd'hui le couple franco-allemand n'est plus central. Ce qui est central en fait, c'est surtout la position de l'Allemagne. Le couple franco-allemand a besoin d'être réinventé en englobant une vision de l'intérêt général en Europe qui doit être assumé par les dirigeants français.

Le fait qu'un Etat sorte de l'Union européenne est en tout cas un signal géopolitique que l'on donne indiquant un délitement de l'Europe. Cela créerait un précédent qui peut avoir un effet domino dans la période que nous traversons. Si dans un an la croissance revenait sur le continent, le Royaume-Uni changerait sûrement de position.

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