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Fillon tourne le dos à l'UMP pour mieux faire face à son destin
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L'envol

François Fillon prend son envol pour 2017, plus précisément pour la primaire de 2016. Il ne sera pas candidat à la mairie de Paris.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Le député de Paris que François Fillon est devenu, a officiellement apporté son soutien à Nathalie Kosciusko-Morizet, qui était présente à son meeting à la Mutualité (où il l’a fait applaudir). Pour l’ancien Premier ministre "être candidat à la mairie de Paris, c’est s’engager auprès des électeurs à être maire de Paris et rien d’autre". Un engagement qu’il ne serait pas en mesure de tenir car, lui, vise l’horizon 2017, et dans un premier temps, la primaire ouverte de 2016. A cet effet il veut donner un nouvel essor à son Club « France.9 », qui va devenir Force Républicaine, un nom plus populaire, qui aura des antennes dans tous les  départements. Un nouveau courant au sein de l’UMP ? Ou un nouveau parti politique ?

Cette fois François Fillon fend l’armure. Libéré de ses mentors successifs (Séguin, Balladur, Chirac, Sarkozy), auprès desquels il a mûri. Désormais il roule ouvertement pour lui-même. Sans filet .Il n’est plus le Premier ministre de Nicolas Sarkozy, dont il se démarque ostensiblement. Même si dans son interview au Monde il se dit "fier des cinq années passées au gouvernement…", il n’en est pas moins décidé à "faire le bilan de sa propre action", et se livre à une autocritique en déclarant que "nous avons trop tardé à prendre des mesures radicales en matière de compétitivité …les mesures que nous avons prises en matière de baisse des charges à la fin du quinquennat, nous aurions sans doute dû les prendre au début. La question du temps de travail, nous aurions dû la trancher". Et si c’est "un reproche que je me fais à moi-même", il s’adresse naturellement aussi à celui qui a perdu l’élection présidentielle, car c’est lui qui décidait. Et de suggérer "que Nicolas Sarkozy fera son bilan lui-même". Ce que l’intéressé, toujours silencieux n’a pas prévu de faire pour le moment.

François Fillon se montre plus nuancé que Jean-Pierre Raffarin, qui réclame toujours un droit d’inventaire mais il s’agit bel et bien d’une prise de distance avec l’ancien Président, auquel il ne reconnaît pas la "priorité" au retour, car  "la défaite présidentielle et législative nous remet tous à notre place, et il faut nous réinventer, nous désaccoutumer du passé pour repartir sur de nouvelles bases. Ne cherchons pas d’excuses, ne cherchons pas  de sauveur, car en République ce sont les citoyens eux-mêmes qui se sauvent ou qui se perdent. Personne ne peut prétendre devenir l'homme de la Nation, ça ne se décrète pas",a-t-il déclaré avant d’appuyer "Nous devons tous faire nos preuves, et moi le premier."

Une façon appuyée d’affirmer que la Droite républicaine doit repartir à zéro après son double échec à la présidentielle et aux législatives. Avis à ceux qui pensent qu’il faut tout simplement garder la place au chaud pour Nicolas Sarkozy en 2017. Si l’ex veut revenir, il devra concourir comme tout le monde. Une sentence qui ne sera pas au goût de tous dans les rangs de l’UMP. Mais François Fillon n’en a cure. Il s’émancipe et prend son envol. Et lorsqu’on vise les cimes, il faut se démarquer de ses futurs rivaux. Puisque l’opposition est unanime pour fustiger la politique économique de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault, François Fillon a choisi le terrain de la politique étrangère. S’appuyant sur la seule référence historique qui vaille à ses yeux, le Général de Gaulle, l’homme qui voulait faire l’Europe de l’Atlantique à l’Oural, il suggère à son tour de "bâtir les structures d’une Europe continentale avec l’appui de deux Etats qui joueront un rôle crucial dans les prochaines décennies : je veux parler de la Russie et de la Turquie. La première, la Russie, est soumise directement à la pression de la Chine et elle ne peut pas, un jour ou l’autre, ne pas s’interroger sur son destin européen. La seconde, la Turquie, est à la frontière de toutes les tensions qui agitent le Proche et le Moyen Orient. Elle ne peut pas, elle aussi et nous aussi, ne pas réfléchir à une association continentale". Tout en prenant la précaution de dire qu’il "mesure les débats et les crispations que je peux faire naître", Fillon écorne un des dogmes de l’UMP qu’est l’opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. Mais il apporte une preuve de sa volonté de rapprochement avec l’Allemagne puisqu’il rejoint la position Angela Merkel qui évolue également dans ce sens : elle vient de se prononcer en faveur de l’ouverture de nouvelles négociations pour l’entrée de la Turquie dans l’UE .

La Turquie ne sera pas le seul point de crispation entre François Fillon et  la direction de l’UMP. Le candidat malheureux à la présidence du Parti a obtenu une forme de co-direction, mais son fonctionnement est loin de trouver grâce à ses yeux : "Qui élabore les projets, les programmes ? Qui reçoit les doléances des entrepreneurs, qui écoute les économistes, les philosophes, les chercheurs ? Qui accueille et remotive les étudiants et les salariés ? L’UMP est loin d’être la maison des Français qui se pressent dans le RER de 18 heures. Ce qui se faisait autrefois à chantier ouvert, dans le chahut des salles de banquet et des tonitruants discours, se fabrique maintenant à quelques-uns, dans de petits cercles, à partir d’expertises, de séquences et de communicants". La sentence est d’ailleurs sans appel : "l’UMP doit se repenser de fond en comble". Un travail de titan, dont on imagine qu’il  exige une mobilisation à plein temps ; or, si aujourd’hui François Fillon affirme ne rien exclure pour la présidence du Parti, il ne semble pas motivé pour repartir à la conquête des militants. Aujourd’hui il ambitionne de conquérir les Français, du moins une majorité d’entre eux. 

A la Mutualité, François Fillon a donné le signal de départ de ce qui s’annonce comme une longue route jusqu’en 2016, date théorique de la primaire ouverte pour la désignation du candidat de l’UMP à la présidentielle de 2017. On dit que la présidentielle, c’est  la rencontre entre un homme et le peuple. François Fillon ne veut pas manquer ce rendez-vous et va partir à sa rencontre, se lancer dans un Tour de France à la manière de celui qu’avait entrepris Jacques Chirac entre 1993 et 1995. Avec, parfois (souvent !), de grands moments de solitude, des creux de vague dans les sondages, des attaques de la part de ses rivaux. Et ceci, en dépit de l’appui que pourra lui apporter "Force Républicaine". En politique le parcours n’est jamais tracé. François Fillon peut-il se permettre de "zapper" le match de revanche de la présidence de l’UMP ? On le sent très tenté, mais ses adversaires ne manqueraient (manqueront) pas de crier à l’esquive ! Lui qui n’a jamais été en première ligne, mais dans l’ombre de Philippe Séguin d’abord, puis sous la bannière  de Jacques Chirac, d’Edouard Balladur, et de Nicolas Sarkozy, ensuite, dit aujourd’hui "libre". C’est-à-dire seul  pour s’imposer !

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