Fête de l’Humanité : le communisme est-il encore autre chose qu’une nostalgie vintage ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Par sa nature ouvrière, "classiste", le PC ne pouvait que difficilement accompagner les mutations de la société européenne.
Par sa nature ouvrière, "classiste", le PC ne pouvait que difficilement accompagner les mutations de la société européenne.
©Reuters

Ahhh mai 68...

La fête de l'Huma de ce week-end du 12 et 13 septembre est l'occasion de constater la désertification de l'idéologie communiste par les Français. Échecs électoraux, manque de renouveau politique, difficulté à donner l'image d'un parti en cohésion avec la société… Du PCF, il ne semble rester qu'une photo jaunie.

Pascal Cauchy

Pascal Cauchy

Pascal Cauchy est professeur d'histoire à Sciences Po, chercheur au CHSP et conseiller éditorial auprès de plusieurs maisons d'édition françaises.

Il est l'auteur de L'élection d'un notable (Vendemiaire, avril 2011).

 

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Atlantico : Il fut un temps où le parti communiste représentait la troisième force politique du pays, et le contre-modèle idéologique mondial du capitalisme. Où en est le PCF aujourd'hui?

Pascal Cauchy : Le parti communiste dans son histoire presque séculaire a subi deux érosions. Il a perdu le support international qui en fondait la raison dans la perspective de la révolution mondiale, la Chine n'a pas remplacé l'URSS et Cuba n'en est pas le nouveau coeur. L'autre phénomène est l'effacement à gauche du sentiment national auquel le PCF était attaché depuis 1936 et, surtout, depuis 1945. Enfin, le PC a toujours eu besoin d'un épais matelas idéologique propre a donner une explication de la société, une vision du monde ; le marxisme léninisme a pu constituer un temps cette métaphysique. Ce temps semble révolu. Plus personne ne semble vouloir faire 'table rase du passé" comme le chantait l'Internationale, et les exemples de sociétés créées sur les fondations communistes ne sont pas parvenues à appeler de nouveaux militants.

Créé dans le courant de la Révolution industrielle, peut-on établir un lien entre le passage à une économie nouvelle et la disparition progressive de ce parti ?

La Révolution industrielle est, pour l'essentiel, à l'origine du mouvement socialiste. la promotion du prolétariat comme classe sociale correspondait à une réalité dans toute l'Europe. La fin des grandes industries, les délocalisations, l'économie de services (certains parlent d'une "économie de livreur de pizza"), la déconsidération des métiers qui constituaient  la classe ouvrière ont détruit les bases de la solidarité de classe que le socialisme / communisme avait réussi à construire par ses luttes. Le Parti Communiste n'a plus l'air d'avoir encore les intérêts des citoyens à servir, et peine à trouver, dans cette société construite sur la consommation et le confort, des combats à mener.

Le parti communiste existe depuis 1920. Peut-on expliquer son essoufflement par son manque de restructuration qui l'a peu à peu écarté d'une société qui elle a beaucoup évolué ?

Par sa nature ouvrière, "classiste", le PC ne pouvait que difficilement accompagner les mutations de la société européenne. Le "sociétal" remplaçant le social, la cause majoritaire du "peuple" passant derrière l'addition de causes minoritaires, cela ne correspond plus à son ADN. A l'inverse le parti socialiste s'est coulé facilement dans ce nouveau militantisme produit par les sociétés libérales, riches et fortement individualistes, où l'émotion remplace l'analyse, où "l' identité culturelle" passe devant la force des structures économiques. Mais il reste remarquable qu'un parti survive si longtemps sans subir de restructuration de fond : c'est un exemple unique dans le paysage politique français, même si force est de constater que cette fête de l'Humanité fait penser au chant du cygne.

Qui sont aujourd'hui les électeurs du Parti Communiste et représentent-ils une base électorale stable ?

Les électeurs du PCF se trouvent dans les derniers bastions du communisme municipale ou autour de quelques bassins industriels encore vivaces, il s'agit d'un électorat populaire mais dont la place se réduit comme la peau de chagrin de Balzac. Il n'est pas sans intérêt de voir une partie importante de la géographie électorale du PC devenir celle du Front National. 

Quel est l'avenir politique de ce parti emblématique en France ? Pourrait on le voir resurgir sous une forme plus moderne, comme c'est le cas avec Podemos en Espagne ou même Syriza en Grèce ?

L'alliance, presque contre nature, avec le mouvement de Mélenchon, hérité de l'extrême gauche, n'a pas été une bonne affaire. Les succès n'ont pas été aux rendez-vous. L'alliance naturelle est avec le PS dans une perspective électorale. De ce point de vue le PC doit pouvoir se substituer à l'écologie politique qui n'est qu'une force d'appoint volatile. Surtout, il lui faut regagner l'électorat ouvrier qui n'a pas disparu mais qui se réfugie dans l'abstention ou se dirige vers un FN qui peaufine son discours social. Tout ceci n'est pas propre au PCF, les problèmes sont les mêmes pour toutes les formations classiques, comment reprendre pieds avec les réalités sociales héritées du monde du travail et se défaire du marketing politique dictée par l'émotion, la communication, et le compationnel, les nouveaux critères du "moderne". 

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