Faut-il croire au crash sans précédent sur les marchés actions que prédit le stratégiste de la Société générale ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Doit-on craindre un crash prochain sur les marchés actions ?
Doit-on craindre un crash prochain sur les marchés actions ?
©Reuters

Boum badaboum

Le responsable de la stratégie globale à la Société Générale prévoit que les marges des entreprises vont être sous pression. Selon lui, cette situation pourrait annoncer un crash prochain sur les marchés actions.

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez

Alexandre Baradez, 33 ans, diplômé de l'ESCE (Paris/La Défense) en 2003 a d'abord évolué plusieurs années chez BNPPARIBAS puis la Banque ROBECO en gestion privée avant de rejoindre SAXO BANQUE en 2009 en tant que Sales Trader. Son expérience des marchés financiers et plus particulièrement du marché des devises lui confère rapidement le rôle d’Analyste Marchés. Interlocuteur privilégié des médias français, il délivre quotidiennement des analyses sur les marchés financiers, tendances, risques macro-économiques et participe régulièrement à des conférences dédiées aux investisseurs. En novembre 2013, il rejoint le groupe IG, leader mondial des CFD, côté à Londres au FTSE 250, en tant que Chief Market Analyst.

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Atlantico : Pour Albert Edwards, responsable de la stratégie globale à la Société Générale,  les marges des entreprises sont sous pression, situation qui annoncerait un crash prochain sur les marchés actions. A quel point la situation est-elle préoccupante sur ces marchés ?

Alexandre Baradez : Si on se réfère à l’évolution des marchés depuis l’été 2012 (intervention de Mario Draghi / BCE), on ne peut pas considérer que les marchés actions soient sous pression à moyen et long terme. A court terme le cumul de plusieurs éléments macro-économiques provoque une phase de correction sur les marchés (fin progressive du QE3 aux Etats-Unis, tensions sur les émergents liée en partie au ralentissement de la politique monétaire accommodante de la FED, hésitations de la BCE à accroître son soutien monétaire face au recul de l’inflation, …) mais on ne peut clairement pas considérer que nous sommes face à un krach similaire à l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000 ou de celle des subprimes en 2007/2008.

Pour quelles raisons ?

Les conditions ne sont pas réunies pour revivre de tels scénarios de krach : pas de bulle sur les actifs européens, taux d’emprunt des pays fragiles de la zone euro nettement détendus depuis 2011/2011. Pour mémoire, l’Espagne empruntait à près 7.50 % sur 10 ans en 2012 contre… 3.57 % début 2014. Même situation pour l’Italie, 3ème économie de la zone euro qui a vu ses taux se détendre très fortement entre 2012 et 2014. Le risque systémique présent au plus fort de la crise de la dette n’est plus d’actualité. Des réformes structurelles ont été entreprises par l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou encore l’Irlande et commencent à produire leurs premiers effets. La BCE a mis en place plusieurs pare-feu (SMP remplacé par OMT, supervision bancaire, AQR, possibilité de lancer un nouveau LTRO, baisse des  taux, étude de réactivation ABS, etc.) et des plans pour relancer l’emploi sont mis en place pays par pays. Autre facteur de stabilisation de la situation en zone euro, la stimulation progressive de la demande intérieure en Allemagne qui a commencé par l’augmentation des salaires par branches en 2013 puis le projet d’instauration d’un salaire minimum. Objectif : allumer le moteur de la demande intérieure face au tassement des exportations observé depuis quelques mois. Cette stimulation de la demande intérieure pourrait accroître l’activité économique (exportations) des pays périphériques et leur croissance et favoriser ainsi la reprise des marchés actions respectifs. Autre argument de poids pour l’Allemagne : un faible taux de chômage et un budget à l’équilibre, ce qui autorise une certaine marge de manœuvre en cas de ralentissement de l’activité économique. La visibilité reste en revanche plus limitée pour la France, dont l’activité industrielle reste contractée comme en témoignent les derniers PMI. Les marchés resteront notamment attentifs à l’évolution du déficit public et au rythme de mise en place des réformes annoncées récemment, sans oublier l’épée de Damoclès des agences de notation…

Il y a toutefois peu de chance de voir les indices actions français s’effondrer dans les mois qui viennent. Notamment pour ce qui concerne le CAC40. Ce dernier reste fortement pondéré en valeurs bancaires qui se sont restructurées depuis les deux crises successives (subprimes et crise de la dette). Les ratios se sont améliorés, les activités ont été recentrées, le "deleveraging" s’est poursuivi, ce qui devrait favoriser la reprise d’une activité plus soutenue dans les mois et les années à venir. Pour le moment les bancaires subissent l’effet des AQR (examen des actifs) de la BCE, ce qui pèse sur l’activité crédit et donc par ricochet sur l’activité des PME/PMI mais cette situation est temporaire et laisse envisager une poursuite de la hausse des cours de ces valeurs sur les marchés, et donc des indices français (CAC40) et européens.

Cette vision pessimiste est contradictoire avec le fait que de plus en plus d’investisseurs voient les actions comme la classe d’actifs à détenir, et que les banques centrales, Fed en tête, seront toujours là pour soutenir l'activité économique. A contrario, cette vision optimiste est-elle encore avérée ?

Il est évident que les politiques monétaires ultra-accommodante de la FED et du Japon ont été des catalyseurs de la hausse des marchés actions  au cours de dernières années même si la tendance s’est accélérée en 2013. L’annonce de la fin progressive du QE3 aux États-Unis s’est matérialisée lors de l’intervention de Ben Bernanke du 18 décembre dernier mais les marchés avaient déjà réagi plusieurs fois aux rumeurs entourant ce ralentissement dès la fin du premier semestre 2013 (plusieurs phase de corrections de marché) sans que cela ait créé de mouvement de panique pour autant. L’officialisation de la baisse des rachats d’actifs lors de la réunion de la FED de décembre a même été suivie de nouveaux plus hauts historiques sur les marchés actions US (SP500, Dow Jones notamment), preuve que cette situation n’inquiète pas outre mesure les marchés. La fin progressive du programme de la FED correspond également à l’amélioration de l’économie américaine (secteur immobilier, taux de chômage, activité industrielle, confiance des consommateurs, etc.) avec des anticipations de croissance du PIB de l’ordre de 3 % en 2014. Il est donc tout à fait normal de voir la FED baisser son soutien à l’économie face à cette situation qui devrait d’ailleurs déboucher sur une remontée progressive des taux US et de l’inflation. La vision optimiste de l’action des banques centrales est donc progressivement remplacée par la reprise de l’activité économique réelle qui permet de soutenir les marchés.

Sans parler de krach, il serait tout à fait logique d’observer, en 2014, une correction marquée des marchés actions US qui ont surperformé les marchés européens. Le SP500 s’est apprécié de plus de 180 % depuis ses plus bas de 2009, le Nasdaq100 de plus de 250 % depuis 2008… une correction de 15 à 20 % serait parfaitement justifiée, sans pour autant parler de krach. La FED a également pris soin de ralentir la cadence monétaire pour ne pas favoriser l’émergence de nouvelles bulles comme celle des années 2000 (internet) ou 2007/2008 (crédit/immobilier).

Quels arguments contraires proposer à Albert Edwards lorsque celui affirme que "l’effet de ciseau sur les marges qui est en train de se produire du fait de l’augmentation des coûts salariaux unitaires à un rythme plus rapide que la hausse des prix de vente rend les entreprises vulnérables à un retournement du cycle de l’investissement" ? 

L’évolution des cours n’est pas uniquement liée à la seule appréciation micro-économique des sociétés. Au plus fort de la crise de la dette en zone euro en 2012, les marchés actions ont entamé un cycle de hausse (qui connaît actuellement une phase de correction/consolidation) alors même que les taux d’emprunt des pays fragiles évoluaient sur des niveaux dangereusement élevés, les investisseurs anticipant les effets positifs de l’action de la BCE et des réformes structurelles sur l’activité économique. Actuellement les fondamentaux économiques s’améliorent progressivement (stabilisation du chômage, reprise des exportations et activité industrielle dans les pays du Sud, baisse des taux d’emprunt) et la croissance fait un timide retour, la reprise devrait continuer à se renforcer dans les mois et les années qui viennent. Il y a donc peu de chances d’observer un regain de tension durable sur les marchés actions européens. Je pense au contraire que le phénomène de rattrapage initié en 2012 devrait se poursuivre en 2014 et s’accentuer en 2015 et 2016, même sur les indices qui ont déjà bien performé comme le DAX en Allemagne. La crise des émergents pourrait également « profiter » aux marchés développés : face à la volatilité rencontrée sur les marchés émergents, les investisseurs ont déjà commencé à réduire la voilure sur ces zones pour chercher des zones d’investissement plus sûres. Les marchés européens offrent actuellement de bonnes opportunités de rendement avec un risque moindre que dans les émergents et pourraient donc servir de zone « refuge ».

Propos recueillis par Marianne Murat

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