Face aux bouleversements induits par le Net, il est urgent de former les citoyens<!-- --> | Atlantico.fr
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"Mieux vaut avoir pleinement conscience de sa responsabilité dans tous les actes que l’on peut commettre dans le monde numérique"
"Mieux vaut avoir pleinement conscience de sa responsabilité dans tous les actes que l’on peut commettre dans le monde numérique"
©Reuters

Nouveau monde

Le web remet fondamentalement en cause les règles de notre société. Au citoyen de se mobiliser pour être l'acteur de cette révolution.

David Lacombled

David Lacombled

David Lacombled est journaliste de formation. Après ses missions gouvernementales comme chargé de cabinet entre 1993 et 1995, il devient consultant et fonde en 1997 la Société européenne de conseil et de communication, Orange bleue. Il est aujourd'hui directeur délégué à la stratégie des contenus du Groupe Orange. En mars 2013, il a publié Digital Citizen, manifeste pour une citoyenneté numérique chez Plon.

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A lire également, les bonnes feuilles du livre de David Lacombled : Révolution numérique : la politique internationale complètement bouleversée

Atlantico : L’avènement du numérique ces vingt dernières années a entraîné une série de bouleversements. Sans entrer dans le débat stérile "Internet, bienfait ou danger ?", pouvons-nous dire que cet outil a véritablement bouleversé nos vies ?

David Lacombled : Internet a bouleversé nos vies dans absolument tous ses pans : dans nos métiers, nous communiquons dorénavant par email, alors que nous utilisions auparavant le fax. Dans notre vie relationnelle aussi, avec l’instantanéité que permettent les réseaux, nous avons la capacité de savoir ce que font nos amis à tout moment. Dans nos vies amoureuses, grâce aux sites de rencontre notamment. Enfin, dans notre vie de citoyen, qui est le dernier pan à se mettre en oeuvre mais qui commence à se développer dans la gestion des villes : par exemple, avec le principe de machine to machine, qui sont des applications concrètes comme le télépéage sur les autoroutes : grâce à une petite carte sur le pare-brise, la barrière se lève automatiquement et cela permet ainsi de gagner du temps.

Votre nouveau livre, publié ce mois-ci aux éditions Plon, s'intitule "Manifeste pour une citoyenneté numérique". En quoi cela consiste-t-il ?

Le numérique emporte tout sur son passage, et rien n’y échappera. C’est pourquoi il faut mettre à profit cette période pour retisser les liens entre les citoyens eux-mêmes mais aussi ceux avec leurs dirigeants. Aujourd’hui, nos dirigeants politiques se retrouvent confrontés à l’effroyable paradoxe de devoir décider dans l’instant, parce que l’opinion publique l’exige - en particulier la télévision et les réseaux sociaux - avec un risque inhérent de faire des gaffes qui resteront dans la mémoire numérique. Il faut donc refonder la relation avec le monde numérique, ce qui passe par des débats et des discussions.

Il faut également voir comment le numérique simplifie et améliore la vie des citoyens, notamment dans l’organisation des villes : une étude IBM montrait que 40 % des véhicules qui circulent dans les villes sont des voitures qui cherchent une place pour se garer. Ce sont des solutions qui sont déjà mises en place en Espagne et au Portugal et qui permettent de préserver sa place.

La citoyenneté numérique s’applique à tout le monde, et ses droits et ses devoirs ne vont pas être édictés par les politiques, mais par les citoyens eux-mêmes. Ces droits et des devoirs sont des responsabilités que les citoyens vont devoir prendre en main afin d’y réfléchir, avec notamment des "actes de résistance", ce qui ne veut pas dire repousser la machine, mais prendre le dessus sur elle. Encore faut-il, pour la dominer, la comprendre et la connaître, et donc faire preuve d’éducation et d’apprentissage pour bien assimiler les phénomènes complexes de flux financiers, avec des conglomérats internationaux : Apple a une valorisation boursière égale au PIB de l’Autriche, celle de Google est égale à celle de l’Irlande : nous avons donc des sociétés qui font jeu égal avec des états.

C’est au citoyen de se mobiliser car si on laisse faire uniquement la puissance publique, celle-ci sera toujours en retard à cause d’un problème simple, celui du temps : l’élaboration d’une loi et sa mise en application arrivent bien souvent plus tard que la technologie elle-même. C’est donc au citoyen de précéder le mouvement, de le comprendre afin de mieux l’anticiper.

Le numérique est omniprésent, que ce soit dans notre vie professionnelle mais aussi et surtout dans notre vie personnelle. Dans le même temps, on semble vouloir de plus en plus le contrôler. Au lieu de chercher à tout prix à se protéger du monde numérique, ne faudrait-il pas mieux chercher à l’appréhender le mieux possible ?

Aujourd’hui, Internet est devenu une télécommande de sa propre vie. Mieux vaut avoir pleinement conscience de sa responsabilité dans tous les actes que l’on peut commettre dans le monde numérique : il faut bien voir que le numérique est porteur de libertés et de savoirs. Demain, il n’y a plus aucun métier que l’on pourra exercer sans savoir lire : le numérique rend obligatoire la maîtrise de la lecture, et va donc lutter contre l'illettrisme.

Faudrait-il, selon vous, envisager une formation à la société numérique, afin de mieux la comprendre, mieux s’en protéger mais aussi mieux l’utiliser ?

Bien sûr, il faudrait envisager une éducation au numérique pour toutes les catégories de la population, à l’école mais aussi pour les génération les plus anciennes. Toutes les générations aujourd’hui vont sur Internet et ont un téléphone, d’autant plus que nous avons des taux de couverture de réseau de près de 100 %. Il s’agit aussi pour les générations les plus anciennes de pouvoir mieux appréhender l’usage des nouvelles technologies, notamment par des émissions de vulgarisation dans les médias - qui serait une des voies de développement du service public.

Les générations les plus anciennes se mettent au numérique essentiellement pour conserver un lien avec leurs enfants et leurs petits enfants. Plus le monde est globalisé, plus nous avons besoin de retendre du lien avec nos proches : le numérique permet de retisser ce lien. Cette éducation pourrait s’effectuer par l’école également : aujourd’hui, des enseignants apprennent des savoirs qui sont déjà disponibles sur Internet. Il faut apprendre aux enfants à apprendre, notamment avec l’utilisation des réseaux sociaux, que l’on pense à tort être fermés alors qu’ils sont ouverts à tous.

A quoi ressemblera le monde numérique de demain ? Peut-on prédire l’avenir numérique ?

Le monde numérique ressemblera ce à quoi l’homme voudra en faire : le numérique étant là pour soulager les hommes, on peut imaginer que ce sont les tâches les plus rébarbatives qui soulageront les hommes dans leurs tâches quotidiennes. Il faut cependant se méfier à ne pas créer de ghetto numériques, qui consisterait en l’utilisation du numérique par une élite contre le reste du monde. Il faut penser ce modèle en complémentarité, et non en opposition.

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