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Extension du domaine de la lutte : petit panorama de ceux qui pourraient être tentés de jeter de l’huile sur le feu des émeutes de Bobigny et Aulnay
©Reuters

Poudrière

Le député-maire de Sarcelles François Pupponi le reconnait dans un entretien accordé au Figaro : "Certains exploitent le climat actuel, à l'extrême-gauche mais aussi dans les milieux de la diversité".

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Les émeutes qui surviennent depuis quelques jours en banlieue parisienne témoignent du fort risque d'embrasement, réveillant notamment les souvenirs de 2005. En pleine année électorale, le risque n'est-il pas de voir ces émeutes se politiser ? Certaines mouvances n'ont-elles pas tout intérêt à mettre de l'huile sur le feu aujourd'hui ? Quelles sont ceux qui pourraient y voir une opportunité ?

Eddy Fougier : Il y a toujours un risque d'embrasement dans ce genre d'émeutes. Tout dépend de la façon dont évolue la contestation, et surtout dont elle est géré par les forces de l'ordre et les politiques. On a pu cependant voir que la Loi El Khomri avait pur être une opportunité pour tout un ensemble de groupe d'extrême-gauche, des autonomes ou anarchos-autonomes qui ont profité du bruit ambiant et de l'instabilité propre aux manifestations pour commettre un certain nombre d'actions policières qui visent un certain nombre de symboles de la société capitaliste qu'ils détestent. 

Dans le cas présent, on n'est pas sur les modes opératoires classiques de manifestations, mais il est aisé de faire le lien entre une contestation du capitalisme et une contestation de la société propre aux banlieues. Il y a eu des tentatives de connexions avec Banlieue Debout, même si le phénomène n'est pas allé très loin. Cela pourrait être le moyen d'instrumentaliser le mouvement, même si la probabilité est faible étant donné l'éloignement des modes opératoires, particulièrement de ceux de la Loi El Khomri en 2016. 

Ensuite, il ne faut négliger la possibilité de réaction d'un certain nombre de mouvances d'extrême-droite. Dans les cas les plus extrêmes, ils pourraient commettre des attentats, des actions violentes de type terroriste, comme on a pu le voir à Québec récemment avec une attaque menée par un identitaire dans une mosquée.

Xavier Raufer : D'abord ceci : à l'Intérieur, rien n'a changé depuis les émeutes de 2005. Passées les bonnes intentions de M. Valls, ce ministère est toujours aussi myope, capable seulement de réagir lourdement, des jours après un choc violent. Nulle capacité d'anticipation, de décèlement précoce des dangers. Sous MM. Cazeneuve et Le Roux, l'Intérieur fonctionne toujours comme en 1930 : commission d'une infraction, travail policier, traduction des malfaiteurs en justice. Nulle réforme sérieuse n'y a été conduite depuis le départ de N. Sarkozy, ni pour le terrorisme, ni pour le renseignement criminel ; enfin, pas de reprise en main des zones hors-contrôle, celles où adviennent les émeutes de ces derniers jours.

L'intérieur ne fait que de la "dévaluation sémantique" avec l'aide des usuels Diafoirus-sociologues, tirés de leur boîte pour l'occasion. Mais qualifier les émeutes d' "incidents", les émeutiers de "jeunes", les gérantes du narcotrafic de "Mamans des cités" et les caïds de "Grands frères", ne fait qu'enrager la population victime de ces clans criminalisés, au premier rang dans ces émeutes.

Quels réseaux sont le plus à craindre aujourd'hui ? Entre des groupuscules d'extrême-gauche, des groupes islamistes, ou dans le sillage de groupe comme les Indigènes de la République, les Black Blocks, des mouvances issues de Nuit Debout, des groupes d'extrême droite, quels sont ceux qui affichent un niveau d'organisation suffisant pour étendre le conflit ? Quels sont les groupes dont l'intérêt est de parvenir à un affrontement en France, notamment confessionnel, ou autre ?

Eddy Fougier : Je vous ai mentionné les mouvances d'extrême-gauche et d'extrême-droite. Mais il y a en effet un troisième groupe qui pourrait profiter de ce contexte très particulier : les groupuscules communautaristes et/ou religieux. Ce type de mouvement permet très certainement plus de recruter que de déstabiliser, mais étant donné le contexte actuel, on pourrait envisager des actions conjointes voire des actions terroristes aux conséquences désastreuses.

A mon avis, malgré tout, ce ne sont pas les groupes les plus radicaux qui peuvent profiter de telles émeutes, mais plutôt des groupes moins violents qui viseraient une récupération politique ou métapolitique. On parlerait donc ici plus de groupe de rejet de la communauté française et prônant un communautariste radical pour réinstrumentaliser cette colère à des fins non pas de révolte violence mais de pression politique. Des groupes comme les Indigènes de la République pourrait profiter de tels événements, sans aucun doute. Quand on regarde les émeutes de 2005, on constate qu'il n'y a pas eu de groupuscules d'extrême-gauche pour politiser les émeutes de Clichy. L'activisme politique en revanche, était clairement présent. 

Les groupuscules d'extrême-gauche fantasment cette jonction des banlieues et de l'anticapitalisme, mais ce n'a pas encore été opéré.

Xavier Raufer : Rien de cela n'est bien dangereux : les "Antifa" ou "Black Blocs" sont des gosses de riches jouant à la Guerre d'Espagne - jeu sans péril avec des cousins ou copains au pouvoir et nul Phalangiste face à soi. Mais ils sont blancs - dont virés des banlieues dès qu'ils s'y pointent - comme "balances" potentielles ou étrangers au quartier. Et les bandes de cités n'ont pas une logique de "Grand Soir" mais de "Bizness", quartier contre quartier, aussi incapables de s'unir durablement que les tribus des mille vallées afghanes. Bien sûr, ces bandes veulent chasser la police de leur coin, pour pratiquer sans encombre leurs activités polycriminelles (stupéfiants, racket, pillages, braquages, etc.), mais n'aspirent pas vraiment à l'exercice du pouvoir...

En prenant en compte l'élection présidentielle, les actes terroristes de ces dernières années, en quoi le pays peut-il présenter un contexte particulièrement favorable à ce type d’événements ?

Eddy Fougier : Je ne sais pas si du côté des activistes, de ceux qui spontanément caillassent des voitures de policiers, il y a cette conscience qu'il y a une présidentielle et donc un intérêt accru pour les médias et les politiques. Mais reste qu'il y a un effet d'aubaine. Ils peuvent dès lors récupérer, organiser, coordonner ces actions et faire sortir des porte-paroles. C'est exactement le cas pour des groupes comme les Indigène de la République. Deux questions ne sont pas nécessairement au cœur des débats politiques et demandent des réponses que tous ces groupes proposent aujourd'hui. Tout d'abord, la question de la jeunesse, qui avait été soulevée par Nuit Debout, questionnant l'opinion sur l'insertion des jeunes dans la société, et celle plus spécifique et ancienne des banlieues.Ces thèmes ne sont pas centraux dans la campagne électorale. En parallèle, on retrouve la question des migrants et de leur intégration, ainsi que celle corrélative de la laïcité. 

Il y a donc potentiellement des thématiques qui peuvent être instrumentalisé au cœur de la campagne électorale, et certains candidats pourront s'appuyer sur ces événements, du FN à La France insoumise. 

Xavier Raufer : Le "contexte favorable" tient à l'incapacité du gouvernement - président Hollande en tête - à comprendre ce qui arrive, égarés qu'ils sont par leurs gourous antiracistes-monochromes. Tout flic d'expérience - j'en ai vu plus d'un récemment - sait comment mettre fin en 48 heures à de telles émeutes. Mais voilà : il faut du renseignement préventif et l'expertise du terrain - or ce gouvernement n'a ni l'un ni l'autre. Je lui donne cependant gentiment la recette - mais doute qu'il sache la mettre en œuvre :

1 - Préparer une liste des cinq-six principaux trafiquants et caïds de Seine Saint-Denis. Radiographier secrètement leur système criminel : financiers occultes... prête-noms... blanchisseuses d'argent sale... maîtresses et logis de luxe... véhicules hauts de gamme... Train de vie.

2 - Quand débute une "affaire Théo", grosse rafle du tout - et les motifs abondent : on peut balancer la moitié du Code pénal à la tête de chacun de ces caïds. Qui sont tout-puissants dans leur quartier - on l'a vu en octobre 2005 : ceux du nord de Marseille ont interdit les émeutes et tout est resté calme. Donc, donner le choix aux présents caïds d'Ile-de-France : ça se calme, et vite - ou la justice s'acharne. Ca se calme, bien sûr.

Mais comment faire ça avec de petits calibres à la Le Roux à l'Intérieur, ou avec l'homme invisible de la Justice, ce M. Urvoas que nul n'entend ni ne voit ?

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