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Expulsions de roms, morale laïque, rendez-vous avec le Medef... Vous reprendrez bien un peu de changement
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Tout en continuité...

Vincent Peillon qui veut le retour de la morale à l'école un an après Luc Chatel, Manuel Valls qui expulse les Roms comme Claude Guéant, la moitié du gouvernement qui se rend à l'université d'été du Medef... En fait de changement, on a bien l’impression que c’est la continuité qui s'est instaurée sous François Hollande.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Après celles des quotidiens, au premier rang desquels Libé, les Unes des hebdos de la semaine s’empilent pour dire une même incrédulité face au couple exécutif.

La question même de leur capacité apparaît déjà. Si bien qu’après être restés singulièrement absents et mutiques dans une période agitée – si ce n’est pour aller taquiner le peuple au Lavandou comme on taquine le goujon – l’un et l’autre s’avisent de parler, sans se départir de leurs natures connues : la langue de bois pour l’un, le flou pour l’autre (vous trouverez bien qui est qui, mais vous pouvez tout aussi bien intervertir sans dommages).

Jean-Marc Ayrault en donne une illustration à chaque intervention, et notamment lors de son discours au Medef. Quant à François Hollande, on l’a retrouvé à Châlons vendredi comme on le connaissait en campagne : la ptite blague de départ, et puis après…

Le changement, c’est une force qui sait où elle va.

Autant pour nous. Maintenant, si le changement pouvait s’aviser de tuyauter François sur sa direction, de manière à ce qu’il nous en fasse part à son tour… Ces jours-ci, François Hollande s’en va répétant que le rôle d’un président est de fixer un cap. Mais si ce cap se borne au changement, qui seul sait où il va, il y a tout lieu de craindre les remous. C’est que c’est un peu mouvant, le changement, pour un cap.

« Le changement, c’est une force qui sait où elle va »… C’est beau comme l’antique mais "vindiou", c’est abscons. Pour un peu, on croirait à une réflexion sur le destin, la fatalité. Ce ne serait d’ailleurs pas incohérent avec le flou et le mutisme voire l’attentisme du Président : puisque le changement sait où il va, il n’y a qu’à attendre son passage pour voir où il allait.

D’ailleurs, il l’a dit aussi :

Des choix courageux seront faits en 2013 et ils seront durables, justes et stables.

J’ai fait le calcul : si l’on prend en compte une période allant de la mi-mai à fin décembre, il a déjà cramé 12,5% de son quinquennat. Les choix courageux, durables, justes et stables attendront donc 2013. On dirait du Bayrou (souvenez-vous lorsqu’il prônait une réforme des retraites « équitable, souple et durable » …).

Mais allons, en fait de changement, on a bien l’impression que c’est la continuité qui s’instaure. En raison du « cap que [François Hollande] voulait fixer : emploi, croissance, compétitivité », qui pourrait être repris à leur compte par la totalité des présidents de la République depuis Giscard. Mais pas seulement.

Manuel Valls expulse les Roms, suscitant les inquiétudes internationales. Allez savoir pourquoi, ce n’est pas pareil : Nicolas Sarkozy expulsait au nom de la sécurité publique, il le fait au nom de l’ordre républicain. Goûtez la nuance. Pas sûr que la différence saute vraiment aux yeux des Roms évacués. Alors, pour faire bonne mesure, on a parsemé la décision d’un peu plus de mauvaise conscience, qui ressemble à s’y méprendre à de la mauvaise foi : on a ouvert tout grand les portes du marché du chômage aux Roms.

Vincent Peillon prend position pour l’apprentissage de la Marseillaise à l’école. Une position courageuse, juste et si durable et stable qu’elle ne cesse d’être adoptée. En 1983 déjà, M. Coudrin, directeur de l’école Jean Zay, m’apprenait la Marseillaise. Et son apprentissage figurait au bilan famélique du débat sur l’identité nationale. Surtout, le voilà qui annonce un retour de la « morale laïque » à l’école (très important, de préciser « laïque« , des fois qu’il y en ait, au fond, qui suivent pas, et qui imaginent un instant qu’il s’agisse d’un retour de la morale religieuse : celle qui n’a jamais été enseignée à l’école publique). Ah, le retour de la morale… Un an jour pour jour avant lui, Luc Chatel annonçait le retour de la morale à l’école primaire, et le PS hurlait à la manœuvre de diversion. De fait, il occupe bien les médias avec ça, Vincent Peillon.

En matière économique, après les facéties de campagne, on reprend le chemin des patrons et entrepreneurs. Ayrault, Vallaut-Belkacem, Cahuzac, Montebourg, Moscovici, Sapin, Pellerin (j’en oublie ?) : ce n’était plus les Universités d’Eté du Medef, c’était un séminaire inter-gouvernemental ! Quand Jean-Luc Mélenchon dénonçait une faiblesse de la part de Ayrault qui se rendait à ces UE, savait-il seulement que la moitié du gouvernement y était ? Et Pierre Moscovici, assurant qu’il n’était pas venu pour une « opération séduction » est néanmoins venu lâcher les mots-clés propres à les séduire, qu’il s’agisse de la fameuse compétitivité ou de la nécessaire stabilité du cadre juridique et fiscal…

C’est même François Hollande qui va jusqu’à employer une expression célèbre, véritable gimmick sarkozien, employé en boucle par son prédécesseur à chaque intervention. Déclamant que son « devoir est de dire la vérité aux Français » (on ne nous l’avait jamais faite), le voici qui lâche : « Nous sommes devant une crise d’une gravité exceptionnelle ». Il aura fallu trois mois et demi pour qu’il nous dise strictement la même chose que son prédécesseur.

Bref, on ne sera pas surpris puisqu’on l’avait prédit : le changement, c’est pas pour demain. Et à bien des égards, on s’en félicitera.

Malheureusement, il reste des terrains privilégiés pour le « changement » (dont on nous fait la grâce de ne pas nous prétendre qu’il aille automatiquement dans le bon sens) et, en particulier, le terrain idéologique.

Au-delà de l’aspect retour de la vengeance de la morale saison 6, les intentions de Vincent Peillon, telles qu’elle sont traduites dans ses déclarations, laissent circonspect. Aussi abscons que François Hollande sur le changement, voici qu’il nous déclare que :

Il existe aussi une « laïcité intérieure », c’est-à-dire un rapport à soi qui est un art de l’interrogation et de la liberté. La laïcité consiste à faire un effort pour raisonner, considérer que tout ne se vaut pas, qu’un raisonnement ce n’est pas une opinion. Le jugement cela s’apprend.

Il y a là une forme d’adoration de la laïcité, transformée en idole de la République, qui justifiera une vigilance certaine. Pourquoi relier à la « laïcité », dont chacun sait qu’elle vient peu ou prou en opposition (ou à tout le moins en séparation) à la religion, ce qui est si bien décrit par la notion bien connue de discernement ?

Et la confusion-concurrence entre l’école et la religion est parfaite, avec cette autre formule troulecultante, par laquelle on apprend que le pouvoir temporel cultive des ambitions nouvelles :

Il faut assumer que l’école exerce un pouvoir spirituel dans la société

Dernier point. Le changement qui ne coûte rien. L’alibi. Le mariage gay et l’adoption homo. On le savait : en période de crise, il n’y a guère de meilleur ersatz de changement que les questions sociétales. Le gouvernement et le parti socialiste l’ont signifié de manière exemplaire : à La Rochelle, devant les Jeunes Socialistes, c’est la toute première question posée, bien en vue, bien en avant. Un jeune militant demande à un Jean-Marc Ayrault « en impro » : « le changement, c’est pour quand ? ». Et notre Jean-Marc d’embrayer, tout fier de pouvoir présenter un changement. On l’a appris plus tard, grâce au Petit Journal, l’impro était un bidonnage et la mise en avant, délibérée. Incapables de présenter un changement concret et crédible, c’est le mariage et l’adoption homo qui servent de faire-valoir.

Notez qu’ils ne font pas partie des décisions de 2013. Celles qui seront courageuses, justes, durables et stables.

Sur ce point pourtant, on aurait envie de lui dire : continue comme ça, François, change rien !

Billet publié initialement sur le blog Koztoujours.fr

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