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Eva Joly : une preuve de l’intégration réussie d’un produit scandinave sur le marché français
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Antigone à lunettes

Si les responsables politiques sont des produits marketing comme les autres, lequel faudra-t-il choisir le 22 avril prochain ? Avec "Qui choisir", André Bercoff entend donner à chaque citoyen électeur les moyens d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Ici coup de projecteur sur Eva Joly. Extraits (2/2).

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

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Voici un produit qui ne ressemble à aucun autre. Saluons, en cette époque de diversité et de mondialisation tant vantée par les uns et décriée par les autres, une preuve vivante de l’intégration réussie d’un produit scandinave sur le marché français : Ikea n’a plus le monopole de ce genre de transaction. Passionnant, en effet, que la marque EELV, dernière-née de la mouvance « écologie politique » datant déjà de près de quarante ans, présente pour la compétition présidentielle une travailleuse immigrée beaucoup plus connue jusqu’ici sur le terrain de la justice, des affaires et de la chasse à la corruption que sur la défense de la planète en danger.

Il y a là tous les éléments d’une véritable mutation de l’offre écologique qui, à l’influence médiatique et à l’expérience combative d’un Nicolas Hulot, a préféré, et largement, une juge d’instruction au goût étrange venu d’ailleurs, auréolée des scalps de Jean-Maxime Lévêque, Loïk Le Floch-Prigent, Alfred Sirven, Bernard Tapie, Roland Dumas et autres hommes de pouvoir, d’argent et d’influence. Il semble qu’Eva Joly ait fait sienne, quand elle officiait au pôle financier du boulevard des Italiens, la devise de Jerry Rubin : « C’est avec les vaches sacrées qu’on fait les meilleurs steaks tartares. » Est-ce la raison pour laquelle les dirigeants de la marque l’ont choisie, en prônant la similitude, voire la synergie des pollutions financières et écologiques ? EELV a fait un pari à la fois osé et logique : on verra si l’enjeu en valait la chandelle.

Positionnement

Reste à savoir aussi si l’Antigone à lunettes résistera longtemps face aux inéluctables compromissions qu’entraîne le jeu politique

Le produit a tenu tête aux puissants de France et de Navarre : il saura résister aux puissants de ce monde, et se montrer têtu dans les négociations avec le PS. Les responsables de la marque, de Cécile Duflot à Jean-Vincent Placé, de Dominique Voynet à Noël Mamère, la soutiennent du mieux qu’ils peuvent en insistant sur sa dimension Robespierre. La sexagénaire aux lunettes cerclées rouge sang et aux vestes pourpre ou orange – qu’elle n’a jamais retournées – joue de son accent norvégien comme Jane Birkin de son patois franco-britannique, n’hésite pas à afficher une confiance en soi qui touche à l’autosatisfaction, ce qui n’est pas un défaut dans cette farouche lutte des places : « Le problème, c’est que moi j’ai raison et je suis portée par l’histoire. Quand on est légitime et qu’on a raison, on est irrésistible. »

Pureté écologique, pureté éthique, cela ne l’empêchant pas de se présenter comme une bonne vivante, Eva Joly est un Ovni dans cette campagne qui ne ressemble à aucune autre. Son moteur, c’est la vertu avec un grand V. « Ma plongée dans les comptes de la société Elf m’a transformée intellectuellement. J’ai vu l’impunité comme règle et la loi comme exception.» Elle y ajoute ce qui lui vient de ses racines norvégiennes : « Notre alliance presque mystique avec la nature nous rend viscéralement hostiles aux désordres quels qu’ils soient : la guerre, la misère, la pollution ou la corruption. »

Parts de marché

Les écolos, les altermondialistes, les partisans de la diversité, les anti-guerre séduits notamment par sa volonté de supprimer le défilé militaire du 14 Juillet pour le transformer en fête civile, provoquant ainsi une jolie polémique entre ceux qui lui reprochent de ne rien comprendre à la France et ceux qui traitent les premiers de xénophobes et de racistes. Elle n’hésite pas à inviter François Hollande à aller avec elle à Fukushima en le sommant d’abandonner à terme le nucléaire, et fissa, quitte à heurter la sensibilité souverainiste.

Le produit Joly est beaucoup moins dans la séduction que dans l’avertissement. Moins dans les lendemains qui chantent que dans l’Apocalypse now si l’on ne la suit pas. Reste à savoir si les consommateurs sont prêts à suivre en masse une mère Fouettard qui énonce tout de même des vérités pas toujours plaisantes à entendre, y compris dans son propre camp. Reste à savoir aussi si l’Antigone à lunettes résistera longtemps face aux inéluctables compromissions qu’entraînent le jeu politique et la perspective d’élections législatives, pour lesquelles sa propre marque a besoin du PS afin d’augmenter son implantation. Perdre son âme ou perdre des sièges ? Les paris sont ouverts.

LES « + »

• La Vertu considérée comme un des beaux-arts
• Un enjeu et une cause incontestables
• Une binationale bien dans sa peau

LES « - »

• Elle n’est vraiment pas un animal politique
• Une campagne plus réactive qu’imaginative
• Un programme pavé de bonnes intentions donquichottesques visiblement irréaliste face à une croissance de moins de 1 %…

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Extraits deQui choisir, FIRST EDITIONS (26 janvier 2012)

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