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Êtes-vous un "parent hélicoptère" ? Ces adultes déstabilisés par la crise qui font le maximum pour protéger leurs enfants de l'échec mais les y poussent tout droit
©Reuters

Retard à l'allumage

Dégradation de la mobilité sociale, baisse du pouvoir d’achat, de moins en moins de patrimoine à transmettre... Très angoissés pour l'avenir de leurs enfants, de plus en plus de parents sur-investissent dans leur éducation, quitte à les surveiller 24h/24h. Une attitude totalement contre-productive.

Florence  Millot

Florence Millot

Psychologue pour enfants.

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Dominique Desjeux

Dominique Desjeux

Dominique Desjeux est professeur émérite à la Sorbonne, université de Paris. Il est le directeur de la Formation doctorale professionnelle en sciences sociales et responsable du Centre de Recherches en SHS appliquée aux innovations, à la consommation et au développement durable. 

Il est aussi notamment co-auteur, avec Fabrice Clochard, de "Le consommateur malin face à la crise. : le consommateur stratège" (juillet 2013) aux éditions de L'Harmattant

Il vient de publier L’empreinte anthropologique du monde. Méthode inductive illustrée, Peter Lang

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Atlantico : Comment définir un "parent-hélicoptère" et en quoi cela pose problème?

Florence Millot : Le rôle normal d’un parent est de donner suffisamment confiance à son enfant pour qu’il puisse aller vers le monde extérieur. Dans le cas des "parents-hélicoptères", c'est-à-dire surprotecteurs, il se produit l’effet inverse : les parents vont chercher à contrôler la vie de leur enfant dans le but de le protéger de tout, là où un parent classique cherche à pousser son enfant vers l’avenir, lui apprendre à prendre des initiatives, à rencontrer des gens, à travailler par lui-même…

Avec les nouvelles technologies, le contôle de la vie de l'enfant peut être presque total. Le parent peut, par exemple, surveiller son compte Facebook, lui donner un téléphone afin de l’appeler toutes les cinq minutes, surveiller ses notes scolaires à distance avec un système comme "Pronote" ou encore contrôler l’allumage de la télévision depuis leur smartphone.

C'est problématique, car un enfant, comme tout individu, a besoin d'avoir son jardin secret. Ce genre de surveillance permanente génère des stress trop lourds à supporter pour leur équilibre psychologique. Elle pousse par ailleurs l'enfant à mentir (les plus rebelles achètent par exemple un autre portable à 20 euros pour avoir une vie privée) ou encore à resté collé à ses parents, ce qui génère de l'angoisse et une baisse d'estime de soi freinant la prise d'indépendance.

Dominique Desjeux : "Les parents hélicoptères" désignent les parents qui sont toujours derrière leurs enfants pour les surveiller et les stimuler, comme des hélicoptères planants au-dessus des troupes au sol pour les alerter de la venue d'un groupe ennemi. C'est une métaphore guerrière transférée dans l'univers de la pédagogie et des relations entre parents/enfants, que l'on retrouve principalement aux États-Unis et au Canada.

Comment expliquer le développement de ce phénomène?

Dominique Desjeux : Il y a d'abord des explications d'ordre économique.

Depuis la crise de 2008, la dégradation de la mobilité sociale, la baisse pouvoir d’achat et la menace de perte voire la perte de patrimoine à transmettre poussent les parents à sur-investir de manière excessive dans l'éducation de leurs enfants. L'angoisse de beaucoup de parents de la classe moyenne dans le monde, notamment au Brésil et en Chine par exemple, est d'avoir assez de revenu pour se payer des écoles privées qui permettront à leurs enfants de faire des études de qualité.

Florence Millot : Les médias et leurs mauvaises nouvelles économiques jouent un rôle important dans l'amplification des angoisses des parents, et par conséquent des enfants. A vingt ans, ils pensent que le chômage est inéluctable, toutes les classes sociales confondues. Avant, l'enfant avait pour modèle ses parents. Il disait : " je serai médecin comme mon père" ou "j'ai envie de réussir comme mes parents".

Il est intéressant de souligner que les enfants sont en général moins angoissés si leurs parents sont partis de rien et ont fait de gros efforts pour réussir socialement. Ils considèrent qu'ils peuvent aussi y arriver. En revanche, ceux qui ont des parents issus de classes moyennes, qui n'ont pas eu à se battre pour réussir, pensent que le schéma parental, pour eux, ne sera plus possible.

Le fait que les couples divorcent beaucoup plus facilement qu'avant augmente aussi la pression sur les enfants, car c'est eux qui deviennent le moteur de vie du parent s'il y a séparation, d'où un sur-investissement éducatif. 

Donc Génération Y= génération foutue? Pourtant, on a aussi l'impression que cette génération a des ressorts que la précédente n'avait pas, prenant la crise comme un acquis de départ...

Florence Millot : Au travail, la génération Y se caractérise par une sorte d'impulsivité enfantine. Elle quittera plus facilement un poste pour partir ailleurs, et ce toutes classes sociales confondues.

Cette génération est  aussi une génération d'entrepreneurs, qui profite d'une liberté de création sans précédant (aujourd'hui, on peut créer une entreprise avec une simple façade internet).

Ces jeunes ont aussi une forte capacité à rebondir en cas d'échec.

Dominique Desjeux : Certains enfants vont très bien réussir et faire des grandes écoles. D'autres vont sortir du système scolaire. D'autres enfin vont réussir leurs études mais vont essayer de trouver un travail, bien souvent aujourd'hui grâce à la numérisation, qui ne leur demande pas d'investir à 100% dans l'entreprise mais qui vont leur permettre, au prix d'un revenu inférieur à ce qu'il aurait pu espérer, de mieux équilibrer leur vie personnelle et leur vie de travail.

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