Etats généraux de la droite : et si elle n’avait en réalité besoin que de retrouver une seule idée ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Ciotti, à l'origine des états généraux de la droite, Photo AFP
Eric Ciotti, à l'origine des états généraux de la droite, Photo AFP
©LUDOVIC MARIN / AFP

Copie à revoir

Pour mieux relancer son parti, Eric Ciotti a organisé des états généraux de la droite ce samedi 10 juin 2023. A bien des égards, la droite de gouvernement peut se vanter d’une certaine cohérence… Mais pas sur tous les sujets.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : LR a lancé ses états généraux de la droite ce samedi, que retenir de ce premier jour ?

Jean Petaux : Le président de LR, Eric Ciotti, annonçant le lancement des états généraux de la droite française pour le 10 juin 2023 (appellation « officielle ») a ouvert une période de débats. Le projet est de « poser la ligne idéologique » de LR. « Vaste programme » aurait dit le général de Gaulle. Sauf que cette phrase a été prononcée par le premier président de la Cinquième république pour répondre à un quidam qui lui avait lancé « Mort aux cons ! ». Tout rapprochement serait malveillant…  Eric Ciotti  s’est « auto-questionné » sur l’état de la droite aujourd’hui : « Qu’est-ce qu'est la droite ? Qu'est-ce qu'elle veut ? Qu'est-ce qu'elle peut porter ? Qu'est-ce qu'elle doit porter comme espérance ? ».

Voilà ce que l’on peut retenir au moins : une volonté de refonder un corpus idéologique, de retrouver une identité stabilisée qui marquerait une rupture par rapport au « flou » qui règne en maître, à droite, au moins depuis 11 ans (2012, fin du mandat de Nicolas Sarkozy). Pour tenter de comprendre la situation de la droite de gouvernement en France aujourd’hui il faut intégrer le fait suivant : elle connaît sa plus longue période d’opposition depuis 1958. Car si elle a été écartée de l’Elysée pendant les deux septennats de François Mitterrand, elle a pu néanmoins gouverner pendant quatre années sur les quatorze qui séparent 1981 et 1995. Elle n’a jamais été alors éloignée du pouvoir à chaque fois plus de cinq ans (1981-1986 et 1988-1993). Il faut imaginer ce que représente donc pour ce parti une « abstinence continue de pouvoir étatique » de plus d’une décennie. Au terme du second mandat d’Emmanuel Macron, si l’élection présidentielle prochaine se déroule à la date prévue, en 2027, cela fera vingt ans qu’aura eu lieu la dernière grande victoire de la droite (Nicolas Sarkozy élu à l’Elysée en 2007, avec un « vrai » programme) et l’opposition aura été le sort de LR depuis quinze années, de 2012 à 2027. Certes ce « temps » d’opposition n’aura pas égalé les 23 années vécues par la gauche entre 1958 et 1981 (au terme de cette période on parla alors de « grande alternance »), mais il n’empêche que ce constat impose trois choses à la droite. La première c’est qu’il lui est impératif de partir de la page blanche pour écrire un nouveau programme. La deuxième c’est qu’elle doit se poser clairement la question des alliances, y compris avec la droite lepéniste. La troisième c’est qu’elle doit gérer ses propres divisions internes. Il n’y a pas de priorité et de hiérarchie dans ces trois impératifs. Il faut qu’elle travaille dessus… « en même temps » !

Don Diego de la Vega : C’est dans ce genre de moments que l’on réalise l’ampleur du décalage entre Les Républicains d’aujourd’hui et leurs prédécesseurs : j’ignorais la tenue d'États généraux de la droite aujourd’hui. Or, il y a quelques décennies, une réunion rassemblant Chirac, Balladur et Alain Juppé (pour ne citer qu’eux) aurait fait l’objet d’une importante couverture médiatique. Une semaine avant, nous aurions tous été dans les startings-blocks. Aujourd’hui, j’en ai peur, c’est un non-événement.

Si, sur le régalien, les LR ont un discours relativement cohérent, à quel point manquent-ils, depuis des années, d'une vision de notre système économique et social adaptée au monde actuel, alors que la mondialisation et la financiarisation du capitalisme ont fait sauter les repères ?

Jean Petaux : Les Républicains ont peut-être un discours relativement cohérent sauf que ce discours « n’accroche » pas du tout au niveau électoral. Les Français considèrent que l’autorité de l’Etat n’est plus, principalement, défendue et incarnée par LR. Il se produit un phénomène que l’on connait bien, c’est celui de la préférence pour les « propositions originales » (celles du RN ou de « Reconquête ! »)  au détriment des « propositions photocopiées » (celles de LR). Une des séquences les plus étonnantes de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse a été ce « voyage de presse » organisé pour aller se rendre compte « sur place »,  en Méditerranée orientale, de l’état des « hot spots » organisés par la Grèce et l’UE (Frontex) pour accueillir les flots de migrants dûment encouragés par le gouvernement d’Ankara à entrer clandestinement dans l’espace Schengen, au sein de l’UE. Valérie Pécresse a tenu à montrer son sérieux, sa crédibilité, sa volonté politique, comme candidate à l’Elysée, sur ce dossier. Les journalistes qui « couvraient » sa campagne ont suivi scrupuleusement ce déplacement (ils n’avaient guère le choix en tant « qu’embadded »). Sauf que deux heures avant de reprendre l’avion pour rentrer en France, après un séjour sur place de 2 ou 3 jours, Eric Zemmour, à Paris, fait une sortie tapageuse, scandaleuse, outrancière sur la scolarisation des enfants handicapés (15 janvier 2022), fustigeant à sa manière, avec la « compassion » et la « bienveillance » qu’on lui connait ( !...) les notions d’égalité et d’inclusivité…  Les journalistes qui accompagnaient Valérie Pécresse n’avaient plus alors qu’une seule idée en tête : « quelle était la réaction de la candidate LR aux propos de celui de Reconquête ? ». Cette séquence est racontée avec humour et luxe de détails dans la BD collective intitulée « Carnets de Campagne » (Dargaud-Seuil, 2022) co-écrite par Mathieu Sapin, Kokopello, Morgan Navarro, Dorothée de Monfreid, Louison et Lara. La « bonne élève » Pécresse avait été, encore une fois, chahutée par le « dézingueur » Zemmour.

On comprend, à travers cet exemple, qu’il ne suffit pas de « s’agiter sur sa chaise comme un cabri en disant régalien, régalien, régalien » pour que les électeurs tombent en pâmoison devant celui ou celle, au sein de LR, qui se livrera à cet exercice « pseudo-performatif ». La crédibilité ne se regagne guère quand elle est perdue. Et en matière de politique relevant de l’Etat régalien, la démagogie est toujours au « coin de la rue ». Comme il se trouve qu’en matière de démagogie LR sera toujours débordée sur sa droite par Zemmour et Le Pen, la concurrence est rude, pour ne pas dire « biaisée »…

Reste l’économie. La carte du « Frexit » pourrait sembler tentante pour LR. On voit bien qu’à l’occasion du projet « Républicain » de faire prévaloir des dispositions juridiques visant à la primauté du droit français face aux règlements européens (en matière de politique migratoire) s’amorce une musique non seulement « eurosceptique » mais « eurohostile » qui pourrait enfler jusqu’à faire de LR un parti conservateur sur le modèle de ça qu’a porté Boris Johnson pour le Parti Conservateur britannique dans les années 2015. L’idée serait, là encore, d’essayer de « doubler » la droite nationalo-souverainiste et zemmouro-extrême par… la droite… Économiquement cela ne tient pas la route, et les acteurs économiques restés fidèles à LR (il en reste, même si c’est une « espèce » qui se fait rare) finiront alors par considérer que, décidément, à vouloir singer la concurrence, la droite de gouvernement se complet dans les singeries…

Don Diego de la Vega : Il y a une part de vrai dans ce postulat, mais il faut tout de même le nuancer. 

D’une part, oui, Les Républicains se retrouvent aujourd’hui pris dans des mouvements qu’ils ont décidé de ne plus régenter, comme la monnaie par exemple. Se faisant, ils se retrouvent (comme tous les Français, en somme) en situation de dépossession. Il n’existe plus (ou presque plus) de marge de manœuvre en matière de politique budgétaire. Elle est régentée par des gens à Francfort, dont on peut dire qu’ils sont à la fois indépendants et inamovibles. Dès lors, la droite ne peut plus faire que de “la droite” ; c’est-à-dire qu’elle déserte le terrain économique et social pour aller du côté régalien. La gauche fait de même, mais pour aller vers le sociétal. 

Pour autant, il faut mettre un bémol : Les Républicains, ne l’oublions pas, forment un parti de gouvernement. Ils ont gouverné la France pendant longtemps et aspirent à gouverner à nouveau. Or, quand on regarde la structure des dépenses de l’Etat, on réalise alors qu’il n’y a rien (ou presque) du côté du régalien. On peut cumuler l’armée, la justice, la police, la diplomatie et ajouter quelques fonctions régaliennes de base… et pourtant on aboutit tout de même à une fraction archi-minoritaire des dépenses publiques à l’année. Cela représente entre 10 et 15% des sommes dépensées. C’est un état de fait dont Les Républicains sont aussi responsables. Ils ont abandonné le régalien comme les autres. Je serais plus rassuré s’ils le reconnaissaient et décidaient, finalement, de mettre le paquet (tant réglementaire que budgétaire) sur le sujet. Il faut, sur ce sujet, une impulsion politique globale qui va plus loin qu’une seule volonté d’accroître le personnel.

C’est pour cela que je suis sceptique : je ne crois pas que Les Républicains gèreraient le régalien de façon très différente. La différence serait de degré, pas de nature. 

Pour récupérer les marges de manœuvre nécessaires à la bonne pratique du régalien, il faudra d’abord se démarquer considérablement du gouvernement actuel (qu’il s’agisse du ministère de l’Intérieur ou de celui de la Justice) puis réduire (augmenter moins vite ne suffira pas) les transferts. C’est là que se concentre 80% de nos dépenses publiques. Ce que ne disent jamais les élus Républicains, malheureusement.

Du reste, je ne sais pas si l’on peut sincèrement dire que la mondialisation et la financiarisation du capitalisme aient fait sauter les repères de la droite. Rappelons, en effet, que les repères initiaux étaient pour le moins… Limités. D’une façon générale, le gros de la droite parlementaire n’est pas composé d’économistes ou d’intellectuels. Il s’agit bien plus souvent d'entrepreneurs immobiliers, des anciens fonctionnaires ou des anciens médecins, par exemple. Ils ont rarement investi beaucoup de temps dans la compréhension des grands auteurs. Hélas, pour un Alain Madelin, on retrouve quinze Patrick Balkany… Il y, à droite en l'occurrence, un vrai manque d’armature intellectuelle : c’est une famille qui se dit pour la souveraineté mais qui vote pour l’euro, rappelons-le.

Dans les faits, nous n’avons jamais entendu les figures de la droite parlementaire sur les évolutions du capitalisme et de la finance survenue après 2008. Elles sont restées littéralement muettes sur ces sujets. Certes, ils ne sont plus aux affaires depuis 2012, mais ils n’ont visiblement pas de doctrine sur les questions que soulèvent ces évolutions. Quand l’Amérique va trop loin en matière de provocation contre la Chine, Les Républicains sont-ils pour ou contre ? Impossible de le dire. Quelle serait leur ligne s’il fallait aller taper du poing sur la table à Francfort et faire pression pour un arrêt de la hausse des taux qui détruit mon économie ? Je l’ignore. Il n’y a malheureusement rien de plus qu’un brouhaha.

Certes, c’est toujours mieux que la gauche ! Mieux vaut ne rien proposer que d’envisager des solutions néfastes. On peut aussi se dire que cela reste mieux que ce que fait Emmanuel Macron, qui sabote assez franchement le pays. Sans doute est-ce là ce qui fait le peu de force qui leur reste : l’électeur bourgeois sait bien qu’il ne peut pas continuer avec Emmanuel Macron, au risque d’aller au devant d’une situation révolutionnaire, ne veut pas aller chez Marine Le Pen parce qu’il s’inquiète pour son assurance-vie et n’ira de toute façon pas chez Jean-Luc Mélenchon parce que c’est impossible. Il ne peut donc que voter LR, à défaut de mieux. 

C’est gênant en cela que l’on est en droit d’attendre de la droite qu’elle propose une politique économique proche du secteur privé, du bon sens économique… qu’on ne trouve finalement nulle part. Il se limite, dans les propositions de la droite, à refuser les hausses d’impôts, ce qui relève de la base mais pose problème quand on souhaite également doter à nouveau les services publiques et retrouver une certaine souveraineté. Si l’on anticipe des dépenses publiques et que l’on refuse la hausse des impôts, il faudra nécessairement en passer par la baisse des transferts. Il faudra l’organiser, la pédagogiser… mais rien n’est fait en la matière. Leur projet n’est pas clair. 

Comment pourraient-ils se positionner sur ces questions :
- Sommes-nous gagnants ou perdants avec le libre échange et comment ?

Don Diego de la Vega : Je crois que le plus simple que puisse faire la droite à ce propos, c'est de dire la vérité. Concrètement, cela revient à rappeler que la paire de lunettes Afflelou que l’on achète 90 euros est arrivée à 1 euro dans le Port du Havre. On peut accuser la Chine de beaucoup de choses, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir massivement œuvré pour notre pouvoir d’achat ces trente dernières années. Elle aligne une population de deux milliards d’individus, une main d’oeuvre dont les conditions de travail pourraient presque faire penser à de l’esclavage. Le moins que l’on puisse faire c’est d’arrêter de cracher dessus. Ce ne sont pas nos services publics qui permettent les gains de pouvoir d’achat observés depuis 30 ans… et nous sommes très largement gagnants du libre-échange, pour l’essentiel. Le problème, c’est qu’il y a aussi quelques perdants que nous n’avons pas indemnisés alors même que c’était possible et simple. 

- Qu’en est-il avec l’euro ?

Don Diego de la Vega : Sur l’euro, il va falloir reconnaître les erreurs commises et s’excuser, me semble-t-il. La droite s’est laissée griser dans un piège mitterrandien, pensant que l’euro constituait l’occasion d’éviter le socialisme pour au moins un siècle en Europe. De peur d’être qualifiée de populiste ou de lepéniste, la droite de gouvernement a voté le traité de Maastricht, mais il y avait là une sorte d’injonction morale. A l’époque, on pensait que l’Europe, sur le plan monétaire, serait gérée par des technocrates. Ce n’était pas le plus démocratique des systèmes, mais il y avait l’espoir qu’il soit alors pris en main par les meilleurs experts en la matière. 

Malheureusement, ce n’est pas du tout comme ça que ça a évolué : l’euro n’a jamais empêché le socialisme et il est difficile d’affirmer que la BCE est gérée par des technocrates quand on sait qu’il n’y a pas de véritables économistes à sa tête. Aucun des spécialistes de la politique monétaire européen ne siège à Francfort aujourd’hui. Hélas, la droite est muette dessus, notamment parce qu’elle a signé Maastricht et parce que reconnaître une telle erreur demande une force qu’elle n’a plus. 

Sans oublier qu’une fois que l’on a dit tout ça, il faut aussi un programme pour sortir de l’euro ou, à tout le moins, challenger la BCE. Ce que n’a pas la droite du gouvernement.

Je crois qu’il nous faut aussi aller vers une transformation de la démocratie, dans un sens pro-Suisse. Cela veut dire avancer vers des référendums d'initiative populaire, réinventer la démocratie locale… mais là aussi la droite reste silencieuse.

- Avons-nous besoin de plus ou moins d’Etat et de réglementation ?

Don Diego de la Vega : La réglementation émane toujours d’une bonne intention mais malheureusement, l’enfer est pavé de bonnes intentions. La France, d'ailleurs, ne manque guère de réglementations. Le code de l’urbanisme, celui du travail ou des impôts font figure de bons exemples : ces livres pèsent chacun plusieurs kilos ! A mon sens, il faudrait plutôt proposer une simplification de nos normes. Tout le monde en parle et, hélas, personne ne le fait. Il y a pourtant plusieurs façons d’avancer ! Nous pourrions décréter que chaque nouveau texte entériné s’accompagne de la suppression d’un autre, qu’il n’est pas possible de modifier la constitution plus d’un certain nombre de fois par mandature ou même réduire le nombre de députés élus à l’Assemblée nationale. De même, nous pourrions assujettir la Cour des comptes au parlement, pour lui accorder une véritable expertise, décider que c’est désormais lui (et non le gouvernement) qui est en charge de la fabrication de la loi.

Il faut aussi se dresser contre les réglementations vertes (comme la ZAN, ou zéro artificialisation nette) qui émergent de plus en plus ; tant sur les plans idéologique que concret. Nous sommes en train de faire n’importe quoi au nom de l’environnement ; répondre à Jean-Marc Jancovici et démonter son argumentaire.

- Avons-nous besoin de reconstruire des frontières autour de nos intérêts souverains. Et comment/lesquelles/ selon quels critères ?

Don Diego de la Vega : Il faut effectivement parler d’immigration. Au Danemark, des figures de centre gauche ont réussi à mettre en place une politique d’immigration zéro. Difficile de penser, dès lors, que la droite ne pourrait pas y arriver en France. Il faudrait mettre en place un système de cet ordre, pendant au moins cinq ans, de sorte à pouvoir évaluer ses résultats ensuite.

Je pense aussi que l’immigration payante, un concept d’économiste notamment popularisé par Jean-Philippe Vincent, présente beaucoup d’avantages. C’est l’occasion d’une discussion annuelle au parlement, très transparente, sur qui on laisse ou non rejoindre le pays et c’est aussi là que l’on fixe le prix du ticket d’entrée. De quoi faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat et faire chuter le racisme, puisque les migrants ne seraient plus perçus comme des passagers clandestins. Hélas, ce n’est plus possible aujourd’hui, nous avons trop attendu.

Ce sont là des propositions de droite modérée, en cela que le centre-gauche de certaines nations a pu aller plus loin. N’oublions pas que ce qui donne l’air stricte aux mesures prônées par la droite, c’est à la fois la longueur des listes proposées et la forme. Ils proposent d’être impitoyables sur certains canaux d’immigration, c’est vrai, mais ils n’envisagent pas l’immigration 0 comme objectif.

Du reste, en dehors de la monnaie, je m’oppose plutôt au souverainisme économique. Sans reprendre le contrôle de la monnaie, tout le reste sera vain mais je reste très hostile à l’idée que l’Etat s’improvise investisseur d’entreprises privées. Il faudrait faire un audit de la Banque d’investissement ainsi que la caisse des dépôts et consignations dès l’arrivée au pouvoir d’une figure de droite modérée. Ne finançons plus les licornes : ce n’est pas la mission de l’Etat. Il a mieux à faire.

- La justice sociale est-elle atteinte par la croissance ou par la redistribution ?

Don Diego de la Vega : Cela rejoint notre première question : il faut les deux pour atteindre la justice sociale. La mondialisation l’a bien illustré : elle a permis de forts gains de croissance, mais il aurait aussi fallu indemniser les quelques perdants nets. Nous les avons littéralement lâchés. La réflexion, ici, est la même : il faut de la croissance, mais celle-ci ne se décrète pas. Il faudra donc mettre en place les conditions nécessaires à cette dernière. Puis, avant d’en arriver à la redistribution, il faudra déjà en passer par la distribution. Cela implique de mettre un terme à la mauvaise dette : nous ne pouvons pas nous permettre de redistribuer de l’argent avant même sa création par les entrepreneurs. Aujourd’hui, les dépenses publiques préemptent une création de richesse qui n’a pas encore eu lieu… et que l’on rend bien souvent plus difficile, par ailleurs.

Créer ces conditions implique d’aller clairement au conflit avec la BCE, qui risque sans quoi d’engendrer des récessions régulières en Europe. Ensuite, minimiser les erreurs en matière de gestion budgétaire et la baisse des taux d’actualisation pourrait favoriser le développement de l’économie. Sans oublier, bien sûr, la question de la participation, vers laquelle il faut avancer franchement. Cela coûtera très cher au patronat, c’est certain ; ce qui impliquera certainement de leur accorder un désarmement réglementaire considérable.

N’opposons pas croissance et redistribution. Les deux avancent normalement main dans la main. La première, cependant, est le fait des entrepreneurs, ne l’oublions pas. Elle ne relève pas de l’Etat.

- Le capitalisme est-il compatible avec la protection de l’environnement et la gestion du défi climatique ?

Don Diego de la Vega : En vérité, il n’y a que le capitalisme qui soit compatible avec la protection de l’environnement et la gestion du défi climatique. Le socialisme a été tenté dans une soixantaine de pays au cours du XXème siècle… et cela a toujours engendré des destructions environnementales massives. Par ailleurs, le capitalisme rend riche. Or, c’est là un élément essentiel pour pouvoir se soucier de la protection de l’environnement : quand on vit dans la pauvreté, la question du monde qui nous entoure est plus secondaire que celle de ce que l’on pourra manger le soir même. Rappelons aussi que le capitalisme garantit les droits de propriété. Ce n’est pas si anodin qu’il n’y paraît, quand on sait que la grande tragédie de l’écologie, ce sont les biens communs. En système pré-capitaliste (ou anti-capitaliste), il n’y a pas de sentiment d’appartenance, ce qui implique souvent que l’on fasse moins attention à ces espaces. 

Il faut cesser d’accuser le capitalisme de tous les maux environnementaux. C’est une contre-vérité. D’autant plus qu’il existe, en France, des entreprises très performantes pour conjuguer capitalisme et protection de l’environnement. Il faut aider ces acteurs là, pour gagner sur tous les points, tant économique qu’en matière de dépollution mondiale. Cela a beaucoup plus de sens que l’usine réglementaire à laquelle nous tenons tant ; dont le coût économique et social est très élevé pour un gain net sur les émissions de gaz à effet de serre epsilonesque… N’oublions pas que la vertue supposée de la France n’a plus le moindre impact aujourd’hui. Ce n’est plus la France du général de Gaulle.

La décroissance n’est pas une solution : elle engendrerait mécaniquement une décroissance de l’Etat social, de l’Etat providence. Si l’on accepte la décroissance, on accepte aussi l’effondrement de l’hôpital public ou l’école publique. C’est quelque chose qu’une figure de la droite devrait être en mesure d’avancer.

Jean Petaux : Vous me permettrez, n’étant pas chargé d’élaborer les bases de la plateforme électorale et politique de LR, de ne pas répondre dans le détail à ces questions pourtant essentielles. J’ajouterai, en pratiquant aussi une forme d’autodérision, que j’estime que Les Républicains sont suffisamment faibles pour ne pas aggraver leur situation en leur proposant des idées de gouvernement, n’étant pas du tout, en ce qui concerne, compétent en matière de propositions programmatiques. Il reste que si LR veut « faire entendre sa différence » (pour reprendre le célèbre slogan de « France Inter » il y a une trentaine d’années), ce parti doit revenir à ses « fondamentaux » : indépendance nationale dans tous les domaines, y compris culturels par exemple ; ambition étatique industrielle et technologique, au service de la lutte contre le dérèglement climatique évidemment aujourd’hui) ; construction européenne qui passe par la défense de l’euro ; gestion raisonnée du capitalisme avec un développement de la participation des salariées – c’est le volet social du « gaullisme historique » - ;  plaidoyer pour une défense européenne ; et contrôle des échanges pour des biens considérés comme stratégiques.

Ces états généraux sont-ils en mesure de faire ce travail de clarification ?

Jean Petaux : Il faut estimer que c’est un moyen. Les considérer comme déjà « morts » alors qu’ils viennent de « naitre » serait aussi idiot que d’y voir la panacée universelle destinée à guérir tous les maux que connait la droite de gouvernement. Dominique Reynié, à la tête de la Fondapol, think tank libéral qui a le mérite de produire des travaux souvent pertinents, a publié et commenté récemment une étude à l’échelle de l’Union européenne qui explique que la quasi-totalité des Etats-membres connaissent un virage à droite, voire à l’extrême-droite (souvent d’ailleurs dans des configurations de « coalitions » entre droite et droite-extrême) et que la social-démocratie est en perte de vitesse pratiquement partout. Ce n’est sans doute pas aussi systématique que cela, et je présente certainement « à la serpe » cette étude comparative de Fondapol. Ce qui est tout aussi certain par contre c’est qu’en France la situation politique est un peu différente que ce que l’on trouve dans d’autres pays européens concernés par une « droitisation » ou une « extrême-droitisation » de leur « scène politique ». On peut dire que LR ne connaît pas les succès que le PP espagnol ou que les droites conservatrice suédoise ou finlandaise peuvent afficher. A l’inverse de l’Italie et des partis de droite « classique », la France n’a pas encore « franchi le Rubicon » d’une alliance avec une formation « nationaliste » comme le RN. Sans doute que les Etats-généraux de LR sont une manière « de ne pas se laisser tomber en tentation » (comme on dit dans le « nouveau » « Notre-Père »). Mais cette prière de suffit pas… Il manque aussi un « père » à LR… Manque d’autant plus criant et problématique qu’une telle formation a aussi été conçue pour se mettre au service d’une cheffe ou d’un chef.. Il faudra aussi, pour que les Etats généraux aient un quelconque avenir positif que celle ou celui qui s’emparera du parti considère ses travaux et donc ses propositions programmatiques avec un minimum de bienveillance. Pour ne pas que la « boite à chagrin » des regrets et des frustrations ne se rouvre à nouveau…

Don Diego de la Vega : C’est difficile à dire. Si les états généraux s’avèrent bien organisés, ce qui est rarement le cas en France, cela pourrait constituer une étape intéressante en ce sens. Il faudra se montrer patient pour en savoir davantage.

Néanmoins, je n’ai pas connaissance de la présence d’économistes de qualité lors de tels cénacles, ce qui explique pourquoi je continue de nourrir certains doutes.

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