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Cercle vicieux : La lutte à la française contre le chômage crée-t-elle encore plus de chômage ?
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Très cher chômage

Malgré les milliards engloutis par les actions d'aide au retour à l'emploi, le taux de chômage français reste à un niveau élevé depuis plus de 30 ans. La faute à un système de protection sociale dont nous n'avons plus forcément les moyens et à un manque de réformes structurelles.

André Fourçans

André Fourçans

André Fourçans est professeur d'économie à l'Essec. Il a aussi enseigné dans deux universités américaines ainsi qu’à l’Institut d’études politiques de Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation économique dont Les secrets de la prospérité - l’économie expliquée à ma fille 2, Seuil, 2011.

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Atlantico : Le taux de chômage a augmenté en février, de manière moins importante que ces derniers mois. Il atteint maintenant 10%. Les politiques d'aide au retour à l'emploi sont-elle inefficaces, malgré les milliards investis ?

André Fourcans : Quel est impact de l'économie, de la crise ou de la politique fiscale sur les chiffres mensuels du chômage, on n'en sait rien. Personne ne peut le dire. En tout cas, cette politique de l'emploi peut coûter très cher. Si on prend le coût total de l'assurance chômage -de l'ordre de 34 milliards d’euros en 2011, dont 26 pour les allocations et 8 pour le fonctionnement de pôle emploi et diverses aides- et qu'on le rapporte aux gens qui retrouvent effectivement un emploi, ça fait un sacré pactole par personne. Selon l'Insee, un chômeur coûtant en moyenne 18 000 euros par en 2006. Et en plus, rien ne prouve qu'il aura été efficace : si rien n'avait été fait, peut-être y aurait-il eu le même nombre d'emplois créés. Mais là encore, c'est impossible à savoir.

Ce qu'on sait, c'est qu'un certain nombre de politiques créent du chômage. Le système d'annuités chômage français par exemple, qui est très généreux par rapport à d'autres pays et permet d'être indemnisé jusqu'à 24 mois sans dégressivité, contre 6 au Royaume-Uni, augmente la durée de recherche d'emploi, car il peut être assez avantageux pour un ancien salarié de rester au chômage. Ça augmente donc les taux. Bien sûr, ça ne va pas à l'encontre du bien-être de la collectivité, car ça permet aux demandeurs d'emploi de chercher des emplois qui correspondent à leurs compétences, mais ça coûte cher. 

C'est donc la politique sociale du pays qui est responsable du chômage élevé ?

Notre Etat-providence implique que des facteurs structurels contribuent à monter le taux de chômage. Le Smic est un facteur de chômage significatif, car il est particulièrement élevé par rapport au salaire médian et entraîne un coût du travail trop élevé pour les moins qualifiés. Les jeunes non-qualifiés sont ainsi éjectés du marchés de l'emploi.

Concernant les seniors, leur taux d'emploi est plus élevé aux Etats-Unis qu'en Europe. Plus l'âge de départ à la retraite est tôt, moins les entreprises sont incitées à garder des seniors et à les former, puisqu''ils ne vont pas rester longtemps. Cela aussi coûte cher et contribue au chômage, mais là encore, c'est une question de bien-être de la collectivité.

Les emplois aidés peuvent-ils être une solution ?

Ils ne durent qu'un temps. Les emplois jeunes coûtaient en moyenne 16.000 euros par bénéficiaire en 2000 et étaient une manière de sortir des statistiques des jeunes non qualifiés qui allaient dans le service public. Ils ont occupé des postes quelques temps, mais n'ont pas été formés. Le seul moyen de baisser le chômage des jeunes, c'est l'apprentissage. En Allemagne, les apprentis sont dix fois plus nombreux qu'ici et ils trouvent du travail. En France, le système de formation est utilisé plus pour financer les syndicats que pour former les jeunes. Il y a plein de CAP bidons qui ne sont plus adaptés aux réalités économiques, mais personne n'y touche à cause du monopole des CFA, tous liés à des syndicats, ouvriers ou patronaux.

La croissance peut-elle suffire à faire baisser le chômage ?

Il est certain que si on avait 5% de croissance, le chômage baisserait de façon significative. Mais la croissance ne va pas tomber du ciel et ne pourra accélérer qu'après des mesures structures : améliorer la flexibilité du marché du travail, se poser la question du fossé entre les CDD et les CDI, du problème de la formation....

Et tant qu'on ne diminuera pas le problème des dépenses publiques, qui représentent 56% du PIB, on ne pourra pas baisser les cotisations sociales et donc le coût du travail. Maintenant qu'on approche du précipice, c'est des mesures de fond qu'il faudra bien finir par prendre.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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