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Des travailleurs chinois assemblent une alternative locale et moins chère à l'Apple Watch dans une usine produisant des milliers de montres chaque jour à Shenzhen, en province du Guangdong, dans le sud de la Chine.
Des travailleurs chinois assemblent une alternative locale et moins chère à l'Apple Watch dans une usine produisant des milliers de montres chaque jour à Shenzhen, en province du Guangdong, dans le sud de la Chine.
©STR / AFP

Chaînes de production sous tension

Avec l'amorce de la relance économique et de la reprise d'activité dans de nombreux secteurs industriels, les pressions sur les chaînes d'approvisionnement augmentent brutalement et provoquent des ralentissements. Le transport maritime et les puces informatiques sont notamment particulièrement touchés.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

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Atlantico : Alors que les différents plans de relance laissent espérer une reprise économique et boostent la demande, les pressions sur les chaînes d'approvisionnement augmentent brutalement et provoquent des ralentissements. Le commerce mondial n'était donc pas préparé à un tel phénomène ?

Jean-Marc Siroën : Aujourd’hui, la production de biens industriels comme les automobiles ou les ordinateurs, font appel à des dizaines, voire des centaines de firmes dispersées partout dans le monde (mais beaucoup en Asie). Le commerce mondial, en allongeant les chaînes de production, multiplie les points critiques en y ajoutant même le transport, notamment maritime qui s’insinue à chaque étape du processus de production. Il crée donc une vulnérabilité qui expose l’économie mondiale au genre de tensions que l’on connaît aujourd’hui. Ce n’est pas la première de ce type. En 2011, la catastrophe de Fukushima, en atteignant la production japonaise de composants électroniques, avait confirmé les fragilités de la chaîne mondiale de valeur par ses réactions en chaîne. Les logisticiens savent d’ailleurs depuis longtemps que non seulement, la pénurie d’un composant peut non seulement bloquer l’ensemble de la chaîne mais aussi l’amplifier, puisque, à toutes les étapes de la production, les entreprises cherchent à constituer des stocks de sécurité.

Le signal Fukushima avait été plus ou moins entendu par les entreprises et les logisticiens. Les entreprises devraient maintenant diversifier leurs approvisionnements c'est-à-dire, pour une matière ou un bien intermédiaire donné faire appel à un plus grand nombre de fournisseurs localisés dans davantage de pays. Sans doute n’ont-elles pas été assez loin car certains composants restent produits par un nombre limité d’entreprises, voire par un monopole souvent protégé par son brevet.

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Et pendant ce temps là, sur le front de l’industrie, on continue à faire des âneries

Toutefois, le problème aujourd’hui est de nature très différente. Même si des difficultés locales sont apparues, la nature de la crise ne relève plus du scénario Fukushima. C’est à la fois l’ensemble des pays et des producteurs qui sont concernés. Puisque l’origine de la crise est mondiale et plus seulement locale, la diversification des fournisseurs devient inopérante. Et c’est bien ce qui s’est passé car, pour l’essentiel, les tensions viennent d’un accroissement de la demande mondiale dérivée directement de la crise du Covid (masques, vaccins, appareils respiratoires, ordinateurs personnels), ou indirectement de celle-ci du fait des politiques de relance qui ont été adoptées.

Trois secteurs majeurs (transport maritime, puces informatiques et plastiques) sont parmi les plus touchés. Quelles sont les conséquences, aussi bien sociales qu'économiques, de ce dysfonctionnement conjoncturel des chaînes d'approvisionnement ?

Dans ces secteurs, la crise a été amplifiée par des « accidents » locaux : blocage du canal de Suez, incendie dans une usine japonaise, approvisionnement électrique d’usines (sécheresse à Taiwan, gel au Texas). Toutefois, à eux seuls, ces évènements n’auraient pas suffi à bloquer les chaînes d’approvisionnement. On peut donc être inquiet sur l’efficacité de plans de relance qui vont s’ajouter à la liquidation plus ou moins importante de l’épargne accumulée pendant la crise. L’appareil productif doit en effet avoir la capacité de répondre à un choc de demande extrêmement fort, étant entendu que, même si certaines unités de fabrication peuvent techniquement produire plus, il faut encore que les fournisseurs en amont accroissent leur production. Si l’approvisionnement est rationné, la création d’emplois ne pourrait alors pas être aussi forte qu’espérée avec le risque, longtemps négligé, d’une inflation par ailleurs rendue possible par l’augmentation spectaculaire de la base monétaire. Socialement, celle-ci atteindrait le pouvoir d’achat des ménages. D’un autre côté, elle diminuerait le poids de la dette au détriment des épargnants.

Peut-on estimer que ce phénomène est un signe avant-coureur d’une reprise économique ultra-puissante ?

C’est le signe d’une forte reprise économique. D’ailleurs, le prix du transport maritime est un indicateur avancé du commerce international lui-même très lié à l’activité mondiale. Or, depuis le début de l’année, il a été multiplié par trois ! Il faut pourtant se garder de toute euphorie. Plus cette reprise sera forte, plus les goulots d’étranglement d’aujourd’hui perdureront et se multiplieront. La relance pourrait alors se partager, dans des proportions imprévisibles, entre une augmentation de la production et de l’emploi et une hausse des prix dans les secteurs en surchauffe.

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