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Et pendant ce temps là, l'Allemagne investit sur sa stabilité politique en apaisant les tensions de son marché du logement
©Reuters

Haüser

La promesse d'Angela Merkel de construire 1,5 million de logement est cependant beaucoup plus inquiétant qu'il n'y parait pour l'Allemagne, car elle est révélatrice de la lourde menace qui pèse sur l'équilibre social du pays si les loyers continuaient à monter de la sorte.

Guillaume Duval

Guillaume Duval

Guillaume Duval est rédacteur en chef du mensuel Alternatives économiques, auteur de La France ne sera plus jamais une grande puissance ? Tant mieux ! aux éditions La Découverte (2015) et de Made in Germanyle modèle allemand au-delà des mythes aux éditions du Seuil et de Marre de cette Europe-là ? Moi aussi... Conversations avec Régis Meyrand, Éditions Textuel, 2015.

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Atlantico : La chancelière Angela Merkel a annoncé qu'elle comptait lancer la construction de 1,5 millions de logement lors de son prochain mandat. En quoi et pourquoi est-ce que la question du prix et du nombre de loyers disponibles est-elle devenue critique depuis quelques temps en Allemagne ?

Guillaume Duval : Pour commencer, il faut bien prendre en compte que par rapport au débat français qu'il s'agit d'un sujet relativement nouveau en Allemagne. Pendant 20 ans, alors que les prix de l'immobilier étaient multipliés par 2,5 en France, ils n'avaient quasiment pas bougé outre-Rhin. Depuis 4 ans, les prix ont cependant commencé à monter assez vite dans la plupart des grandes villes, et ce changement suscite un débat public assez vif en Allemagne. C'est lié d'une part à un retour d'une hausse de la population allemande de part l'immigration et les réfugiés. C'était cependant un mouvement antérieur à la grande vague de réfugiés de 2015-2016. D'autre part, c'est aussi lié à la politique monétaire de la BCE : les taux d'intérêt sont très bas pour l'économie allemande, ce qui pousse évidemment les gens à s'endetter, à acheter, et donc revivifie le marché du logement et pousse les prix à la hausse. 

Ce double mouvement est à l'origine de la hausse rapide des prix dans la plupart des grandes villes. Ces prix restent malgré tout très inférieurs aux prix français, mais la dynamique est là et inquiète beaucoup les Allemands qui n'avaient pas du tout l'habitude de ce processus de hausse des prix. C'est dans ce contexte que la chancelière a fait cette annonce parce que c'est devenu une des questions centrales du débat public allemand. 

Les fortes inégalités salariales allemandes étaient compensées jusqu'à récemment par une offre immobilère et locative relativement abordable. Cette question du logement est-elle le talon d'Achille du modèle social allemand ?

La stabilité des prix a en effet été jusque-là un avantage comparatif énorme pour l'économie allemande. La principale explication de l'avantage compétitif s'explique ainsi : quand on a pas d'enfant à nourrir et que les prix du logement ne bougent pas, c'est beaucoup plus facile d'accepter une austérité salariale prolongée que quand on a beaucoup d'enfants et que les prix sont trop haut comme en France. 

L'immobilier fut donc une des raisons principales pour justifier l'acceptation de la stabilité des salaires. Si cela change durablement, cela peut avoir des conséquences économiques sur l'ensemble de la zone euro, en étant un moteur important de hausse des salaires et donc d'un déblocage de l'inflation en Allemagne et par ce biais-là d'un certain rééquilibrage des économies dans la zone euro. Aujourd'hui tout le monde est d'accord pour avoir 2% d'inflation en Europe, mais on n'y arrive pas du fait de l'inflation très faible allemande. Il faudrait, compte tenu des déséquilibres, qu'il y ait 0 ou 1% d'inflation en Italie, mais pour avoir 2% en Europe, il faudrait 3 ou 4% en Allemagne et pour l'instant on y arrive pas. La dynamique du logement allemand pourrait changer beaucoup de choses.

Ensuite il est vrai que la chancelière annonce 1,5 million de logements nouveaux, mais il faut mesurer à quel point elle ne dispose pas d'outil au niveau fédéral pour piloter tout cela. Il n'y a pas d'équivalent du logement social et du financement à la française, cela reste l'affaire des communes et des Länder. Et cela pose d'autres problèmes en Allemagne du fait de la faible disponibilité du foncier et des règles très strictes qui contraignent la construction. Les procédures d'urbanisme (et les procès qui les accompagnent) sont plus dure en Allemagne qu'en France, où l'on s'en plaint déjà beaucoup. Il ne suffit donc pas d'annoncer 1,5 million de logements pour les faire dans des conditions acceptables pour la population. Il y a loin de la coupe aux lèvres entre ce genre de promesse et leurs réalisations.

Le problème du logement pose aussi problème parce qu'il correspond à l'arrivée du million de migrants venus du Moyen-Orient entre 2015 et 2016 pour s'installer en Allemagne. Quel rôle tient cette question migratoire dans la gestion de la crise du logement en Allemagne ?

Ce mouvement de hausse des prix était déjà engagé avant le grand afflux de 2015-2016, mais il est vrai que cela considérablement aggravé. En Allemagne, il y a un système fédéral de répartition des réfugiés et chaque ville en a en fonction de sa population et donc effectivement sur les zones déjà tendues cela a contribué à aggraver la situation et les tensions sur le marché du logement. 

Les Allemands ont toujours été partisan de la collocation et de ce genre d’accommodements, ce qui fait qu'ils occupent bien leurs logements. Mais l'afflux des réfugiés aggrave les choses notamment dans ces villes-là. Surtout que si dans un premier temps les réfugiés étaient dans des camps, des gymnases et autres logements temporaires, ces derniers mois on est passé à des relogements dans des logements plus pérennes, dans des zones habitées avec souvent des subventions de l'Etat. Cela contribue à tendre le marché du logement. Ce qui est remarquable, c'est que cela ne contribue pas pour l'instant à pousser les hôtelleries à pratiquer des prix hauts. 

Il y a évidemment des villes, en particulier dans l'est de l'Allemagne qui vont au contraire continuer de se vider, mais parce qu'elles n'ont pas d'activité économique, et cela n'aurait pas de sens d'y faire affluer des populations immigrées.  

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