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Terrorisme
Une photo prise le 11 septembre 2001, de la fumée s'échappe après l'effondrement de la première des deux tours du World Trade Center à New York.
Une photo prise le 11 septembre 2001, de la fumée s'échappe après l'effondrement de la première des deux tours du World Trade Center à New York.
©HENNY RAY ABRAMS / AFP

Lutte contre le terrorisme

Cela a longtemps été l’Etat Islamique mais la nouvelle étude de la Fondation pour l’innovation politique montre que les choses ont changé.

Victor Delage

Victor Delage

Victor Delage est Responsable des études à la Fondation pour l’innovation politique.

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Atlantico : La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) vient de publier Les attentats islamistes dans le monde. 1979-2021, une version mise à jour de son étude sur le terrorisme islamiste. Votre dernier bilan étudiait la période 1979-2019. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire de mettre à jour cette étude ? Est-ce parce que la donne a changé ?

Victor Delage : Le terrorisme islamiste est en constante évolution. Depuis ses prémices dans les années 1980, avec l’intervention soviétique en Afghanistan, considérée comme la matrice du terrorisme islamiste contemporain, puis avec le tournant du 11-Septembre aux États-Unis et la multinationale terroriste d’Al-Qaida, et enfin, l’irruption de l’État islamique et sa proclamation du califat, à Mossoul, en 2014, la menace demeure mais ne cesse de muter. Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe contemporain parle d’un « djihad d'atmosphère », protéiforme et morcelé. La mise à jour de notre immense base de données, jusqu’en mai 2021 (disponible en open data sur notre site fondapol.org) et l’actualisation de l’analyse qui en découle, nous permet de quantifier ces nouvelles réalités du terrorisme islamiste. Nous montrons qu’entre 1979 et mai 2021, au moins 48 035 attentats islamistes ont eu lieu dans le monde. Ils ont provoqué la mort d’au moins 210 138 personnes.

Cette étude, Les attentats islamistes dans le monde. 1979-2021 (sous la direction de Dominique Reynié, Fondation pour l’innovation politique, septembre 2021) fait aussi écho au procès des attentats du 13-Novembre et à la commémoration des attaques terroristes du 11-Septembre aux États-Unis. Le vingtième anniversaire de cette tragédie coïncide avec l’annonce du retrait américain d’Afghanistan, la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021, puis le retrait des dernières troupes américaines du sol afghan le 31 août dernier.

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Quelles sont les causes de l’intensification des attentats que vous avez recensés entre 1979 et aujourd’hui ?

La fréquence des attentats islamistes n’a cessé de s’accélérer au cours de ces dernières décennies. Dans notre étude, nous comptabilisons 2 194 attentats islamistes ayant causé la mort de 6 817 personnes entre 1979-2000. Dès les années 1980-1983, le déploiement du terrorisme islamiste est visible avec l’activisme des Frères musulmans en Syrie. Plus tard, à la suite du retrait de l’Armée rouge de Kaboul, le 5 février 1989, les moudjahidines retournent dans leur pays d’origine et y diffusent les idées du salafisme djihadiste. La décennie qui suit voit alors la violence islamiste s’étendre à plusieurs pays, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Le 11-Septembre marque une étape décisive dans le déploiement du djihad. Cet épisode dramatique et spectaculaire consacre l’avènement de la globalisation du terrorisme islamiste. S’opère alors une intensification du phénomène de la violence islamiste entre 2001 et 2012, avec 8 265 attentats et 38 186 morts.

Depuis près d’une dizaine d’années, l’islamisme est devenu la cause terroriste la plus meurtrière. Entre 2013 et mai 2021, on enregistre 37 576 attentats et 165 135 morts. Le djihadisme se développe régionalement, s’appuyant notamment sur la montée en puissance de l’État islamique et de Boko Haram. Récemment, le président américain Joe Biden déclarait, lors de son discours sur le retrait des troupes américaines en Afghanistan, que « la menace terroriste a métastasé dans le monde entier, bien au-delà de l’Afghanistan. Nous sommes confrontés aux menaces d’Al-Shabaab en Somalie, des réseaux d’al-Qaida en Syrie et dans la péninsule arabique, et de l’État islamique qui tente de créer un califat en Syrie et en Iraq, et d’établir des réseaux en Afrique et en Asie ».

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Quel a été le visage du terrorisme ces deux dernières années ? Quelles populations ont été les plus ciblées ? Quel mode opératoire a été utilisé ?

Entre 2019 et mai 2021, nous enregistrons une augmentation sans précédent du nombre d’attentats islamistes dans le monde, dans des contextes géopolitiques chaotiques. Sur ces deux dernières années, nous avons recensé 12 982 attentats islamistes dans le monde, soit 27% des attentats islamistes ayant eu lieu entre 1979 et mai 2021. Ils ont provoqué la mort d’au moins 40 917 individus, ce qui représente 20% des victimes sur l’ensemble de la période. L’année 2020 a été particulièrement désastreuse, avec le nombre d’attentats (5 724) le plus haut enregistré depuis 1979, bien que l’année 2014 reste la plus meurtrière (28 198 victimes).

Les armes à feu sont le type d’arme le plus utilisé (6 180 attentats), suivi par les explosifs (3 353), et les armes de contact, comme les couteaux ou les machettes (1 351). Parmi les cibles principales des terroristes islamistes, on compte les militaires (6 731 attentats), les civils (2 735) et la police (2 180). Si l’Afghanistan a été de loin le pays le plus touché, aussi bien en nombre d’attentats (6 654) que de morts (25 617), plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne restent un intense foyer du terrorisme islamiste, principalement autour de la région du lac Tchad : Nigeria (3 057 morts), Niger (1 268), Burkina Faso (708), Cameroun (662). À l’est, la Somalie compte également un grand nombre de victimes du terrorisme islamiste (2 420), tout comme le Mozambique (911).

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les Talibans sont désormais le groupe terroriste le plus meurtrier, devant l’État islamique. Comment l’expliquer ?

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Si l’activisme terroriste des talibans s’est très fortement intensifié ces dernières années, le mouvement fondamentaliste s’était déjà répandu en Afghanistan et au Pakistan dès 1994. À la suite du 11-Septembre, dès le moment où les talibans sont chassés du pouvoir par une coalition internationale menée par les Américains, on observe une hausse exponentielle du nombre d’attentats et du nombre de victimes, notamment parmi les forces internationales ou les membres du gouvernement afghan. La réédition actualisée de notre base de données montre que le nombre de morts a doublé entre 2014 (4 209) et 2020 (10 734), témoignant d’une montée en puissance ces dernières années de la violence préfigurant la vitesse avec laquelle les talibans ont reconquis les territoires jusqu’à la capitale, le 15 août 2021. Depuis leur émergence, les talibans sont responsables de 69 303 morts, ce qui en fait effectivement le groupe terroriste le plus meurtrier, devant l’État islamique (58 632) et Boko Haram (25 719).

Les attentats du 11 septembre 2001 que l’on s’apprête à commémorer représentent toujours l’attentat terroriste le plus meurtrier et le plus marquant de notre histoire récente. Comment l’expliquer ?

Les massacres de grandes ampleurs ne sont pas si rares. On pense au massacre de Tikrit, les 12 et 13 juin 2014, pendant la seconde guerre civile irakienne, où des combattants de l'EI exécutèrent plus de 1 500 soldats, ou encore aux attentats de Mogadiscio du 14 octobre 2017 en Somalie, responsables de 587 victimes. La France, pays le plus touché de l’Union européenne par le terrorisme islamiste, n’est pas épargnée, en témoignent les attentats du 13-Novembre.

La série d’attaques du 11 septembre 2001 reste néanmoins la plus meurtrière de l’histoire du terrorisme, avec 3 001 morts et 16 493 blessés. La diffusion en direct de cet événement planétaire marque le début d’une nouvelle ère dans la médiatisation du terrorisme. À l’information différée et destinée à des publics particuliers s’ajoute désormais une information immédiate et globale. Ce nouvel espace public affecte profondément le travail des médias traditionnels. L’avènement des réseaux sociaux et des smartphones ouvre les portes de la communication de masse à d’innombrables nouveaux acteurs, à commencer par les organisations terroristes, qui les utilisent comme outil de propagande et de recrutement.

Pour retrouver l'étude de la Fondation pour l'innovation politique : cliquez ICI

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