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Et la décision la plus importante pour l’Europe et pour la fin du quinquennat Macron en 2019 sera...
©ARIS OIKONOMOU / AFP

Nomination clé

Vous pensez qu'il s'agit des élections européennes ? Détrompez-vous !

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Dans un contexte 2019 qui s'annonce difficile, des Gilets jaunes au Brexit, en passant par les élections européennes, Emmanuel Macron va également être confronté à la décision du remplacement de Mario Draghi à la tête de la BCE. Fondamentalement, quel est le niveau d'importance de cette décision pour la suite du quinquennat ? 

Nicolas Goetzmann : C'est une décision extrêmement importante parce que l'on voit bien le rôle fondamental que les Banques centrales ont eu dans la conjoncture ces dernières années. Et cela est d'autant plus le cas dans l'Union européenne ou les politiques budgétaires sont un peu en pilotage automatique avec un certain nombre de règles qui les bloquent. Mais cela est aussi encore plus important en Europe parce que la BCE est devenue un acteur politique très important puisqu'elle a eu l'occasion de faire et de défaire des gouvernements, tout du moins avoir un impact politique significatif y compris sur la manière dont les pays devaient mener leurs politiques internes comme l'âge de la retraite par exemple. La BCE a, par ses annonces, mis la pression sur les marchés de la dette publique, et donc sur les taux de tel ou tel pays, l'Italie par exemple. Dans ce contexte, la question du qui prend les rênes de la BCE est très importante, même si la politique de cette institution ne se limite pas à une seule personne.

Dans une interview donnée au Soir, Marcel Gauchet pose la question de la surévaluation de l'euro "toutes les politiques françaises sont vouées à l’échec. (…) Parce que l’euro est surévalué par rapport aux capacités productives. Alors l’appareil productif s’enfonce inexorablement. Un abîme sépare l’économie française de l’économie allemande et même de l’économie du Nord de l’Italie. Le pari économique est intenable. ". Face à un tel constat, l'enjeu n'est-il finalement pas plus important encore que le remplacement de Mario Draghi ? 

Cette question du taux de change se discute, avec tout le respect que l'on peut avoir pour Marcel Gauchet, il n'est pas économiste. Il y a de bonnes raisons de douter de la surévaluation de l'euro, par rapport à quoi et par rapport à qui ? L'Europe est dans une situation ou elle a un excédent commercial dans son ensemble, donc on pourrait se dire que cela n'est pas ce qui ressemble à la notion d'une monnaie surévaluée. D'autant que la question de l'impact du taux de change sur le commerce pour des économies avancées, est quelque chose de très discuté.

Par contre, ce que l'on peut dire, c'est que nous n'avons toujours pas résolu les problèmes internes à la zone euro, c’est-à-dire la convergence réelle des différentes économies. Avec une monnaie unique, on observe encore des régions qui ont des trajectoires divergentes et qui n'ont pas les mêmes types de besoins.

On pourrait alors dire que Marcel Gauchet pose mal la question et qu'il s'agit plus d'une divergence des besoins en termes de politiques monétaires ?

Voilà. La question est celle des déséquilibres macroéconomiques à l'intérieur de la zone euro. L'excédent commercial de l'ensemble masque le fait que certains pays ont de gros excédents alors que d'autres enregistrent des déficits, ce qui entraine des déséquilibres macro-économiques internes. Et toutes les réformes de structure qui ont été faites n'ont toujours pas été résolues et toute une série d'autres problèmes dont on pensait qu'ils étaient en voie de résolution, comme par exemple l'union bancaire, ont été mis à l'arrêt. Même si le diagnostic fait par Marcel Gauchet me semble faux, le fait que la zone euro fonctionne mal et que ce mauvais fonctionnement pose problème est vrai.

Si une personnalité considérée comme conservatrice sur le plan monétaire, de Weidmann à Liikanen, venait à remplacer Mario Draghi, quelles pourraient en être les conséquences pour la France ? 

Cela est difficilement prévisible. Mais dans une situation de crise, ou dans une situation de récession, ou l'action de la Banque centrale devient essentielle, la capacité de réaction est cruciale. On s'attache beaucoup aux personnes mais il y a des différences entre ces hommes. Le problème de Jens Weidmann est sa compétence, cela fait 10 ans qu'il ne cesse de se tromper, notamment sur les diagnostics et sur les choix. Si nous avions suivi ce qu'il avait dit, la BCE aurait toujours été à côté de la plaque. Nous sommes face à quelqu'un qui a été nommé plus pour des questions politiques que pour ses compétences dans le domaine monétaire, et qui pourrait véritablement avoir des problèmes de réaction dans un contexte de crise. Concernant Erkki Liikanen, cela est différent, personne ne conteste sa compétence et dans le contexte d'une institution comme la BCE, un président ne peut pas se permettre de faire absolument n'importe quoi. Elle est quand même contrainte par les circonstances. Elle ferait l'objet de contraintes fortes entre le bloc des pays de la ligue hanséatique et le bloc des pays du sud de l'Europe, dans le cas ou elle arbitrerait en faveur d'un côté plutôt que de l'autre. Mais dans le fond, quelle que soit le type de la politique de la BCE, celle-ci va devoir naviguer entre ces deux tendances et quels que soient les choix faits, il y a possibilité de mécontenter la moitié des pays de la zone euro. Cela va à la fois être très important et très compliqué. Et dans ce schéma, c'est la situation institutionnelle et structurelle de la zone euro qui pose question, qui que soit le prochain président de la BCE. Mario Draghi s'est très bien comporté dans sa tâche, même s'il sera critiqué son bilan est celui de quelqu'un qui a probablement sauvé la zone euro au cours de son mandat. L'important est de savoir naviguer entre ce qui est nécessaire d'un point de vue de la politique monétaire et ce qui est possible d'un point de vue politique. Ce sera la qualité essentielle à trouver pour le prochain président de la BCE. 

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