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L'enfance studieuse d'Emmanuel Macron, pourtant surnommé "le vilain petit canard de la famille"
©Thomas SAMSON / AFP

Bonnes feuilles

Elles s’appellent Luisa Valls, Anne Fillon, Pierrette Le Pen, Jeanine Mélenchon, Viviane Le Maire, Andrée Sarkozy ou Emma Bayrou… Qui sont les mères des femmes et des hommes politiques ? Ont-elles forgé leur caractère, et jusqu’à quel point ? Extrait de "Les politiques aussi ont une mère" de Bernard Pascuito et Olivier Biscaye, aux Editions Albin Michel (2/2).

Bernard  Pascuito

Bernard Pascuito

Bernard Pascuito est journaliste et éditeur. Il a notamment été reporter, puis rédacteur en chef à France dimanche. En 2004, il a fondé sa propre maison d'édition.

Biographe, il a publié des ouvrages sur des célébrités diverses, parmi lesquels : Gainsbourg, le livre du souvenir (Sand, 1991), Coluche, toujours vivant (Payot, 2006) ou Dalida, une vie brûlée (l'Archipel, 2007).

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Olivier Biscaye

Olivier Biscaye

Ancien directeur des rédactions du Groupe Nice-matin et Var-matin de 2009 à 2014, Olivier Biscaye, 38 ans, a occupé des fonctions de rédacteur en chef en presse quotidienne et hebdomadaire de 2003 à 2008. Journaliste politique, il a collaboré, animé et coanimé des émissions d'entretiens à la radio et à la télévision. Il a écrit la première biographie consacrée à Bruno Le Maire (Bruno Le Maire, l'insoumis, Editions du Moment, 2015).

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Quitter ses parents. Un désir qu’on peut imaginer chez un adolescent en pleine révolte. Mais chez un enfant ! Emmanuel l’a tenté pourtant. Pas comme un caprice mais comme une nécessité. C’était une urgence. L’idée le taraude depuis quelque temps. Emmanuel a cinq ans quand il fait son annonce déconcertante. Le blondinet aux yeux bleus, haut comme trois pommes, ne veut plus vivre avec Françoise et Jean-Michel. Il souhaite s’installer chez sa grand-mère maternelle, Germaine. Drôle d’idée tout de même. Mais le garçonnet n’en démord pas. Il est certain que ce sera mieux ainsi.

On imagine alors les parents, assis dans le canapé du salon, surpris et amusés, peut-être un peu inquiets et blessés par tant d’aplomb, s’interrogeant sur les vraies raisons d’une telle requête. Il avance des arguments à ses yeux crédibles. Comme il passe le plus clair de son temps dans la maison de sa mamie adorée, pourquoi ne pas s’y installer définitivement ? C’est vrai que Germaine élève pour ainsi dire son petit-fils depuis qu’il a fait ses premiers pas. Emmanuel a dormi tant de fois chez sa grand-mère que ça ne changerait pas grand-chose finalement. Et c’est si bien ! Le matin, le garçonnet a l’habitude d’aller rejoindre Germaine dans sa chambre « pour écouter ses anecdotes de guerre et ses récits d’amitiés[1] ». Un vrai roman quotidien qui le fait voyager dans la vie de sa grand-mère. Il n’oubliera d’ailleurs jamais « l’odeur du café qu’elle allait parfois préparer dès le milieu de la nuit. Et la porte de ma chambre entrouverte dès 7 heures lorsque je n’étais pas venu encore la rejoindre, s’exclamant avec une inquiétude feinte : “Tu dors encore ?” »… Déménager n’a donc rien de curieux, pense-t-il. C’est même logique, on vous dit. « Alors, c’est d’accord, je peux aller vivre chez ma mamie ? » Non, trois fois non !

La plaidoirie d’Emmanuel n’aura pas convaincu Françoise et Jean-Michel qui refusent tout net. C’est le père qui a parlé. La maman ne dit rien. Souvent, quand elle s’oppose à Emmanuel, c’est par le silence. Il comprend. Chez les Macron, qui ne dit mot ne consent pas forcément. Jean-Michel peut expliquer une décision, Françoise se fait souvent comprendre avec un regard. L’affaire est close donc, mais elle marque la famille[2]. De son côté, l’enfant n’est pas traumatisé par ce refus et n’en nourrit pas d’aigreur particulière. Il ne comprend pas la décision de ses parents mais ne leur en veut pas. Leur a-t-il vraiment tout dit ? Depuis la naissance de son frère cadet Laurent, Emmanuel a le sentiment qu’il est passé au second plan. Il n’est plus la priorité, estime-t-il. Rien d’inhabituel… Ce qui lui pèse encore davantage, c’est l’absence de ses parents, très accaparés par leurs activités professionnelles. C’est vrai que son père, neurologue, agrégé de médecine, travaille énormément, comme sa mère, pédiatre, médecin-conseil de la Sécurité sociale depuis plusieurs années, qui enchaîne des journées très chargées. À Amiens, ils ont une réputation de « gros bosseurs », de professionnels sérieux, impliqués. Les temps de loisirs en famille sont donc trop rares aux yeux d’Emmanuel.

Les Macron se partagent entre leur bureau et leur engagement dans la vie de la cité. Mais ne négligent pas pour autant l’éducation de leurs enfants. Parents peu présents mais parents attentifs. Ils suivent la scolarité d’Emmanuel comme celle de ses frère et sœur. Avec eux, la fratrie partage l’amour de la littérature française, de l’histoire et de la philosophie. Il a été biberonné aux grands auteurs classiques, à la poésie. D’ailleurs, à ses heures perdues, Emmanuel les passe dans la lecture, un peu hors du monde. Françoise et Jean-Michel ont à cœur que leurs enfants apprennent les valeurs de rigueur, du travail bien fait, le goût de l’effort, indispensables à leur évolution. Résultat, Emmanuel additionne les lauriers dans toutes les matières, sans exception. « Mes parents voyaient l’éducation comme un apprentissage de la liberté. » Si les discussions tournent souvent autour de la profession médicale, Emmanuel n’est pas convaincu pour autant de suivre leur voie, même s’il est toujours attiré par les sciences. « Emmanuel est le vilain petit canard de la famille Macron », plaisante une de ses tantes qui égrène la liste des cousins ou oncles médecins. Son frère Laurent est cardiologue, sa sœur Estelle néphrologue. « Je voulais tout simplement un monde, une aventure qui me soient propres. J’ai toujours eu cette volonté-là, choisir ma vie. » Dans un monde corseté, codifié et parfois tout tracé, il n’est pas rare que l’un des enfants s’affranchisse de son milieu. Celui des Macron est d’abord bourgeois, de droite et conventionnel. Une bourgeoisie de province qui se caractérise surtout par sa discrétion. Emmanuel le reconnaît volontiers, ses parents ne lui ont rien imposé. « Je n’ai pas eu de pression. » Une fois encore, Françoise parle peu quand les mots pourraient être désagréables. Elle s’exprime plus facilement quand il s’agit de dire un mot tendre.

« Sois libre », ne cesse d’ailleurs d’insister sa grand-mère. Germaine, c’est sa boussole. Pendant les absences de Françoise et Jean-Michel, c’est elle qui s’occupe du garçonnet. Il la vénère. Il aime sa gentillesse, sa joie de vivre, les histoires qu’elle lui raconte et le temps qu’elle lui consacre, tous les mercredis et samedis. « Je me souviens de son image. De sa voix. Je me souviens de ses souvenirs. De sa liberté. De son exigence. » Et du chocolat chaud qu’ils dégustaient « en écoutant Chopin, en découvrant Giraudoux ». Elle lui apprend le monde, répète qu’il doit très bien travailler à l’école et toujours viser l’excellence. Sa grand-mère ne se contentera pas d’une seconde place à l’école, elle exige la première pour ce petit-fils à qui elle prédit un avenir brillant. Germaine croit dans Emmanuel. Une fois les cours terminés, il passe de « longues heures » à apprendre la grammaire, l’histoire, la géographie… Il lit beaucoup, et à voix haute, « Molière et Racine, Mauriac et Giono ». Gide et Cocteau sont ses « compagnons irremplaçables ». Sa vie de petit-fils, c’est peut-être d’abord celle des livres. « Une vie immobile, une vie heureuse, à lire et à écrire. » Bien calé dans sa ville natale.


[1] Emmanuel Macron, Révolution, XO, 2016.

[2] Entretien avec des proches, octobre et novembre 2016, Amiens, Paris.

Extrait de Les politiques aussi ont une mère de Bernard Pascuito et Olivier Biscaye, aux Editions Albin Michel

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