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Tsunami FN : analyse des résultats des européennes
©Reuters

Déferlante bleu marine

Les sondages à la sortie des urnes font état d'une large percée du FN, suivi de l'UMP puis du PS, tous deux grands perdants de ces élections européennes 2014.

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Les sondages à la sortie des urnes permettent-ils de dire si le FN a réussi sa percée tant annoncée aux élections européennes ?

Yves-Marie Cann : Les différents éléments dont nous disposons confirment la poussée du Front National et son arrivée en tête lors de ces élections, avec 25 % de votes, au détriment des principaux partis de gouvernement que sont le Parti socialiste et l’UMP. C’est une victoire pour le FN, qui atteint pour la première fois un score supérieur à 20 % des suffrages exprimés dans le cadre d’une élection nationale, à ceci près qu’il ne progresse pas en nombre de voix, mais en suffrages exprimés.

Qu’en est-il du PS et de l’UMP ? Ce dernier a donc échoué à jouer son rôle d’opposition ?

L’UMP vient en deuxième avec une estimation de 20,6 %, et le Parti socialiste, 14,1 %. C’est un échec pour l’UMP, qui ne parvient pas à incarner la principale force d’opposition au gouvernement de Manuel Valls et à la présidence de François Hollande.

Le PS, lui, pâtit d’une certaine usure liée à l’exercice du pouvoir, et de la défiance et du mécontentement suscités par sa politique actuelle. Les nombreux efforts demandés aux Français, et l’absence de résultats sur le front économique et social (un chômage qui ne baisse pas, un pouvoir d’achat qui stagne voire baisse sous l’effet de l’absence de croissance et de la pression fiscale grandissante) expliquent cela.

Au vu de ces résultats, quels messages les Français ont-ils voulu faire passer ? 

Les messages sont de deux ordres. L’un va au gouvernement en place : les électeurs sont déçus, insatisfaits, voire mécontents à l’égard de la politique menée et de l’absence de résultats. L'autre est plus global, il va aux forces politiques traditionnelles que l’on peut qualifier de modérées. Il est tout de même inédit pour ces dernières de se retrouver devancées lors d’élections nationales par le FN. Ces résultats traduisent une forte poussée de "l’eurocritique" en France, et constituent une invitation  envoyée à la classe dirigeante à prendre davantage en compte les attentes des Français en matière de protection face à la mondialisation et ses travers, et de contrôle de l’immigration illégale aux frontières de l’Europe. Ils attendent donc des réponses, des actes, et surtout des résultats.

Le taux de participation en France (42 %) aux élections européennes dépasse de  près de deux points celui de 2009 (40,6 %), mettant fin à une courbe constamment descendante. A quoi ce rebond est-il dû ? Etait-on arrivé en 2009 à un seuil de désintérêt qui ne pouvait plus être davantage reculé ?

On observe effectivement un rebond en termes de participation, qui est toutefois très limité. Les élections européennes continuent de passionner modérément les Français, et même avec cette légère amélioration, elles restent celles qui mobilisent le moins, avec tout de même près de six Français sur dix qui ont décidé de ne pas aller voter ce dimanche 25 mai.

Comparé à 2009 il est vrai qu’on observe un léger sursaut de participation, qui est selon moi à mettre sur le compte de la dramatisation à laquelle se sont livrés les différents chefs de file ces derniers jours. Tout l’enjeu est de savoir si ce sursaut vise à faire barrage au Front National, ce qui signifierait qu’il bénéficie aux partis de gouvernement, ou s’il s’agit d’un vote utile en faveur du Front National. Les résultats officiels du ministère de l’Intérieur qui seront délivrés à 23h permettront de faire la part des choses.

On ne peut pas parler de seuil de désintérêt atteint en 2009, d’autant plus qu’il semblerait que ce sursaut de mobilisation soit du seul ressort de la métropole. Les chiffres de l’outre-mer laissent à penser que là-bas, la participation est moins importante qu’en 2009 (21,6 %).

Il s’agirait donc d’un rejet de l'ensemble de la classe politique ? 

Je ne m’avancerai pas à parler d’un rejet, mais en tout cas d’un message très fort des Français, qui veulent une prise en compte de leurs attentes de la part de leurs élus. L’absence de résultats contribue en effet à continuellement décrédibiliser la classe politique dirigeante. Cela met en évidence la nécessité d’une prise de conscience de la part de l’opposition comme de la majorité.

Faut-il voir dans cette abstention combinée avec la percée du FN une sanction de l'incapacité européenne à répondre à la crise ? 

En effet, c’est l’illustration de l’éloignement ressenti entre les institutions européennes et les citoyens, doublé avec le sentiment très fort que l’UE n’assume pas son rôle protecteur  des habitants, des salariés et des entreprise de l’Europe, et qu’au contraire elle est plus le cheval de Troie de la mondialisation qui met à mal l’industrie.

Est-ce un réel désamour de l'Europe, ou un rejet de l’Union telle qu'elle est conçue aujourd'hui ?

Il ne s’agit pas d’un rejet de l’UE sur le principe, les Français restent majoritairement convaincus que l’union fait la force face à la mondialisation et aux autres grandes forces économiques de ce monde. Ce qu'ils contestent, ce sont les modalités de réalisation et de mise en œuvre du projet européen, qui de leur point de vue cède beaucoup trop aux sirènes du libéralisme et de la finance. Ils veulent d’avantage de régulation et de protection, et c’est aussi ce message qu’ils envoient à travers leur vote.

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