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Droits voisins : quelques réflexions pour ne pas sombrer dans des réflexes anti-Google sans fondements
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Directive européenne

La France est le premier pays de l'Union européenne à appliquer la directive européenne sur le droit d'auteur réservé à la presse. La presse française, en conflit avec Google sur l'application du "droit voisin", va porter plainte devant l'Autorité de la concurrence et saisir le gouvernement pour contester les conditions de son application.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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L’entrée en vigueur le 24 octobre de la loi française sur les droits voisins de la presse agite fortement le secteur de la presse et de l’information. De nombreux éditeurs, des personnalités, ont critiqué fortement les conditions dans lesquelles une importante plateforme, en l’occurrence Google, entendait se mettre en conformité avec la loi. Il n’est pas jusqu’au Président de la République qui se soit saisi de la question, lors de son déplacement en Auvergne le 4 octobre dernier. Tout, ainsi, se met en place pour dramatiser une opposition entre les plateformes comme Google, mais également Facebook ou Twitter d’une part, et les médias traditionnels d’autre part.

Disons-le tout net : ces débats interviennent dans un climat marqué par une suspicion généralisée à l’égard des GAFA, érigés de manière systématique comme les vilains de la fable. Pas une journée en effet, sans que telle ou telle grande entreprise du numérique, de facto américaine, ne soit sous le feu des critiques. Une candidate à la candidature à la Présidence des Etats-Unis s’est même faite la championne de cette « cause » en réduisant quasiment son programme ad demantelum de ces entreprises.

Dans un tel contexte, il est cependant nécessaire de garder la tête froide. Qu’il soit permis de faire ici quelques observations. 

D’abord, Google, puisque c’est à son endroit que s’exerce principalement la colère des éditeurs de presse, ne fait qu’appliquer la loi. Cette loi est en Europe la première à venir transposer l’Article 15 de la Directive européenne sur le droit d’auteur. En application de cette loi, Google a annoncé qu’il modifierait la présentation des résultats dans son moteur de recherche pour les utilisateurs en France. En l’état, quand Google remonte des résultats liés à l'actualité, sont affichés également, pour certains résultats, un bref aperçu de l'article (quelques lignes, une image etc.). Désormais, Google n’affichera pas ces aperçus à moins que l'éditeur n'ait pris les mesures nécessaires pour faire savoir que c'est ce qu'il souhaite.  

Souligner que le comportement si vivement reproché à Google est légal est essentiel, pour au moins trois raisons. D’abord, sauf à renoncer à l’élémentaire sécurité juridique sans laquelle la vie des affaires est impossible, on ne peut reprocher à un acteur économique d’appliquer la loi. C’est même le contraire qui est vrai à un moment, où, on ne saurait que trop le regretter, les pouvoirs publics ne craignent pas d’écorner en permanence la sécurité juridique (que l’on songe aux débats actuels sur la charge de la preuve en matière fiscale). Ensuite, la loi française que Google applique, est une transcription de la directive européenne sur le droit d’auteur. Par nature, la transcription d’une directive laisse à l’Etat concerné des marges d’adaptation, pour le cas échéant en durcir les dispositions.  L’on peut compter sur le Gouvernement, qui déguise mal sa méfiance à l’égard des GAFA, pour avoir été la plus sévère possible. Enfin, qu’il soit permis de considérer que si la norme européenne et/ ou française est insuffisante, c’est au législateur national et/ou européen qu’il faut tenir rigueur. 

Ensuite, il est important de rappeler qu’il s’agit ici d’un partage de valeur entre acteurs privés. Google a été conçu pour permettre à chacun d’accéder à l'information qu’il recherche, notamment en aidant à trouver le contenu d'actualité le plus pertinent. La valeur qui est créée est aussi recueillie pour partie par les éditeurs de presse. Rien qu'en Europe, chaque mois, Google envoie plus de 8 milliards de clics vers les sites d'éditeurs, soit plus de 3 000 visites par seconde. Les éditeurs peuvent ensuite construire leur audience et augmenter leurs revenus grâce à ces visites par le biais de publicités et / ou d’abonnements.Une étude du cabinet Deloitte de Septembre 2019 a d’ailleurs calculé que chaque clic envoyé par Google vers les sites des grands éditeurs de presse leur rapportait entre 4 et 6 centimes d’euros de potentiel de revenus supplémentaire.

C’est dire, en définitive, qu’on ne saurait, à bon droit stigmatiser un acteur qui respecte la loi. On peut, en revanche, souhaiter ou regretter que la norme juridique ne soit pas différente. C’est un autre combat.

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