Droits de succession : ces deux (très, très gros…) détails qu’oublient ceux qui veulent en faire un choc de pouvoir d’achat<!-- --> | Atlantico.fr
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L'idée d'une réforme de l'impôt sur les successions revient dans le débat au coeur de la campagne présidentielle.
L'idée d'une réforme de l'impôt sur les successions revient dans le débat au coeur de la campagne présidentielle.
©MARTIN BUREAU / AFP

Réformes

La quasi suppression des droits de succession est devenue une proposition phare de la campagne 2022 à droite. Dans l’objectif notamment d’en faire un choc de pouvoir d’achat en favorisant la dépense de l’épargne accumulée.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Valérie Pécresse a annoncé vouloir supprimer les droits de succession pour 95% des Français. L’objectif est notamment d’en faire un choc de pouvoir d’achat en favorisant la dépense de l’épargne accumulée. Pour cela , il faut que la confiance dans l’avenir soit présente. Peut-on croire à cette confiance dans l’avenir au vu du contexte macro-économique dans lequel se trouve la France (croissance faible et tendance déflationniste) ?

Michel Ruimy : « Dans cette période d’incertitudes lourdes, jamais notre besoin de confiance n’a été aussi fort » Cette affirmation de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, n’a jamais autant d’actualité.

En effet, l’économie sera, à court terme, toujours dépendante de l’évolution de la crise sanitaire et la vaccination. Le seul juge de la sortie de crise sera l’effacement de la chute du Produit intérieur brut (PIB) liée à la pandémie du coronavirus. Plus encore, l’enjeu n’est pas uniquement de combler cette perte mais également de récupérer la part de croissance qui aurait dû se produire durant la crise.

A moyen terme, en raison du vieillissement démographique, le poids des dépenses de retraites dans l’économie ne cesse de croître, pour atteindre près de 15% du PIB. Ce phénomène s’est accéléré, ces dernières années, avec l’arrivée en retraite des générations de « baby-boomers ». Un des risques qui peut apparaître est celui d’une perte de croissance potentielle et de confiance dans l’avenir, du fait d’un manque de dynamisme collectif.

Afin d’éviter d’arriver à cette situation, il convient de donner la priorité aux investissements dans l’éducation avec pour objectifs prioritaires d’élever le capital humain, dès l’école primaire, et de réduire les inégalités des chances (Les études PISA de l’OCDE ont montré l’insuffisance de la formation initiale des jeunes en France). Par ailleurs, notre système éducatif est inégalitaire, ce qui est un frein à la mobilité sociale, elle-même génératrice de croissance et d’idées nouvelles.

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Ainsi, face à ces perspectives, la confiance dans le futur, et pas uniquement elle, aura un rôle crucial voire fondamental dans la recherche de croissance économique.

Malgré des taxes très importantes, les revenus du capital qui s’étaient effondrés pendant quasi tout le XXème siècle à cause des guerres, de l’inflation et de la fiscalité se sont nettement redressés depuis les années 1980-1990. Ne risque-t-on pas de recréer une forme de nouvelle société de rentiers si l’on supprime, en plus, les droits de succession qui sont un de nos rares instruments en la matière ?

N’oublions pas que très peu de gens paient le droit de succession en France. Ce sera pourtant l’un des thèmes clivants de la campagne présidentielle, notamment pour des raisons de justice sociale.

Après un reflux des inégalités de patrimoine et une forte mobilité économique et sociale durant la seconde moitié du XXème siècle, la succession redevient un facteur déterminant dans la constitution du patrimoine dans les pays industrialisés. Selon l’OCDE, en moyenne, les successions et donations déclarées par les 20% des ménages les plus riches sont près de 50 fois supérieures à celles déclarées par les 20% des ménages les plus pauvres. En France, elles comptent pour plus de 60% du patrimoine aujourd’hui contre 30% dans les années 1970. Parce qu’il est extrêmement concentré, l’héritage nourrit une dynamique de renforcement des inégalités patrimoniales fondées sur la naissance dont l’ampleur est beaucoup plus élevée que celles provenant des revenus du travail.

Si réforme il y a, elle devrait ainsi s’opérer en priorité vers les plus riches d’autant que le système actuel offre des dispositifs d’exonération ou d’exemption dont les justifications économiques sont faibles. Préalable à toute réforme, il est indispensable d’effectuer une refonte de la collecte des déclarations fiscales afin de rendre la fiscalité des successions plus transparente, traçable, évaluable et donc mieux comprise et acceptée par les citoyens

Cette approche devrait pourtant faire réfléchir. Selon les derniers sondages, nos concitoyens trouvent inique que l’Etat ne respecte pas le libre choix du léguant, considéré, au plan fiscal, comme coupable d’avoir affecté une partie de ses ressources financières à la transmission. Autrement dit, nos élites nous somment de préférer, à la répartition familiale, une redistribution étatique. Ainsi, déconsidérées et malgré une fiscalité parmi les plus lourdes au monde, elles continuent de manier l’arme fiscale sans se soucier d’efficacité de l’action et de la dépense publiques !

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