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Dormir par épisodes : les vertus du sommeil fractionné
©Reuters

Vive les siestes !

Léonard de Vinci dormait un quart d'heure toutes les deux heures. Sans aller jusqu'à une telle extrémité, nous avons tout à gagner à dormir plusieurs fois chaque jour, sur de plus courtes durées.

Bruno Comby

Bruno Comby

Bruno Comby est polytechnicien et directeur scientifique de l'Institut Bruno Comby.

Il est l'auteur de l'Eloge de la sieste (TNR, 2005)

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Atlantico : De nos jours nous dormons généralement d’une seule traite, mais cela n’a pas toujours été le cas. Autrefois, le sommeil était fragmenté, généralement en deux parties pendant la nuit. A quoi l'évolution a-t-elle été liée ? Quelles étaient les activités qui rythmaient le temps entre ces deux phases de sommeil ?

Bruno Comby : Le modèle de sommeil qui nous est effectivement proposé par la société de nos jours correspond au sommeil monophasique. Selon les cas, l’endormissement se produit entre 21 heures et minuit, jusqu’au lendemain matin où l’on est supposé être extrêmement actif, alerte et plein d’énergie. Ce modèle nous est présenté comme idéal et normal. Mais cela n’a pas toujours été le cas : autrefois était pratiqué le sommeil dit polyphasique ou fragmenté. Il peut consister en deux phases de sommeil, généralement une la nuit, puis une sieste en journée, ou peut-être encore plus fragmenté. Les autres espèces animales fonctionnent sur ce modèle, à l’image de grands singes, nos parents les plus proches, qui font plusieurs siestes en cours de journée et peuvent avoir des moments d’éveil la nuit. C’est également valable dans certains groupes professionnels. L’exemple extrême de fragmentation du sommeil est celui que l’on appelle "sommeil de Leonard de Vinci" : il dormait un quart d’heure toutes les deux heures, l’équivalent du sommeil des navigateurs solitaires.

La nuit, on n’a pas nécessairement très envie de courir un marathon ou de faire de la musculation. Par conséquent les activités pratiquées pendant les deux phases de sommeil étaient plutôt de nature intellectuelle : il s’agissait de travaux intellectuels divers, comme répondre à son courrier ou écrire des livres, pour les écrivains par exemple. En somme, ce sont toutes les activités créatives qui peuvent être concernées.

Le temps passé éveillé dans la nuit entre ces deux phases de sommeil permet-il davantage de créativité ? Comment l'expliquer ?

Sur ces créneaux horaires nocturnes, il y a en effet une sorte de libération de l’esprit, de la créativité. Elle est plus importante la nuit parce que les défenses conscientes sont à un niveau plus bas. La censure psychologique s’exerce moins à ce moment-là : par conséquent, l’individu a plus facilement accès à son inconscient, son subconscient, donc les portes de la créativité s’ouvrent, pour ainsi dire. La créativité est meilleure à moment-là parce que l’on rejoint également le rêve, l’imagination. C’est la raison pour laquelle c’est une période tout à fait utile pour les professions créatives. Ou, tout simplement, pour réfléchir à sa vie, ses actions, ses prochains projets. C’est un moment propice à la réflexion et à la création d’une manière générale.

Cet état est-il propice à toutes sortes d'activités ?

De grands mathématiciens comme Einstein travaillaient aussi beaucoup la nuit et pratiquaient la sieste, donc ils fractionnaient leur sommeil. D’une manière générale, ces périodes nocturnes, du moment qu’elles sont choisies plutôt que subies, sont plutôt favorables à la créativité, notamment mathématique. On peut donc y mener tout type d’activité intellectuelle. Une fois que l’on est bien éveillé, le subconscient est plus ouvert. Donc à ce moment-là toutes les idées remontent plus facilement et la créativité est plus grande. Le travail du sommeil est, entre autres, un travail de digestion des informations. Dans la journée, on acquiert des informations par le biais des cinq sens : mais ces informations restent à un niveau superficiel de l’ordinateur cérébral. Au cours du sommeil, on digère en quelque sorte ces informations, ce qui nous permet de les intégrer plus profondément. Au réveil, on a l’impression d’avoir mieux compris parce que les informations sont mieux digérées et qu’elles ont été recoupées avec les anciens souvenirs, les anciennes informations.

En revanche, je ne suis pas persuadé que ce soit forcément le moment pour aller courir un marathon !

N'y a-t-il pas des risques à dormir de manière fragmentée ?

Je pense qu’il faut tout de même bien distinguer la fragmentation qui peut être pathologique et la fragmentation bénéfique. Chez les sujets qui ont des pathologies du sommeil, notamment l’insomnie et les apnées du sommeil, on observe une fragmentation du sommeil qui n’est pas bonne. Dans le cas des apnées du sommeil, on ne respire pas correctement. En conséquence, le sang n’est pas bien oxygéné et cela ne sera pas propice à la créativité, bien au contraire. De la même manière, si la personne fait de l’insomnie parce qu’elle boit trop de café ou d’autres excitants, ou si l’insomnie est liée à du stress, la fragmentation du sommeil ne sera pas non plus très favorable à la créativité. Il est donc important de distinguer entre une fragmentation du sommeil résultant d’erreurs de mode de vie ou de problèmes dans la vie, et la fragmentation choisie. La première est une fragmentation négative, subie et imposée. Le sommeil polyphasique volontaire peut, en revanche, être hautement bénéfique, propice à la créativité et à l’épanouissement du cerveau.

Tout ne convient pas forcément à tout le monde, donc il tient à chacun de trouver le mode de sommeil optimal. Mais il semblerait d’une manière générale que le sommeil biphasique – dormir la nuit et faire une sieste en journée – ou polyphasique, bien compris et bien organisé, sans médicaments ou café pour tenir, soit hautement bénéfique et propice à la créativité et à l’épanouissement du cerveau. En outre, quand on fragmente son sommeil en plusieurs fois plutôt qu’une, on observe une réduction du temps de sommeil. Quelqu’un qui autrefois dormait 9 heures d’affilée va, en fragmentant son sommeil, pouvoir se coucher à minuit ou une heure du matin et se lever à 6 heures. Toute personne qui introduit la sieste en milieu de journée peut gagner une tranche d’une heure et demie de sommeil. De manière très terre-à-terre, c’est donc assez intéressant pour les personnes qui souhaitent gagner du temps.

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