Deux jours de tête-à-tête Hollande-Merkel : tenter de sauver l’Ukraine, c’est bien, dommage que le président n’ait rien obtenu sur la Grèce et le sauvetage de l’Euro<!-- --> | Atlantico.fr
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Le couple Merkel-Hollande tente de trouver une issue à la crise en Ukraine.
Le couple Merkel-Hollande tente de trouver une issue à la crise en Ukraine.
©Reuters

Question de priorités

Après une rencontre à Strasbourg, en présence de Martin Schulz dimanche dernier, Angela Merkel et François Hollande sont allé à Kiev puis Moscou pour tenter de « préserver la paix » en Europe.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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François Hollande ne quitte plus Angela Merkel. Après une rencontre à Strasbourg, en présence de Martin Schulz dimanche dernier, pour évoquer la question grecque, le couple franco-allemand s’est envolé pour Kiev puis pour Moscou pour tenter de « préserver la paix » en Europe. Si l’Europe ne vivait pas au bord du gouffre, cette idylle transrhénane prêterait à sourire. Le spectacle d’Angela Merkel emmenant François Hollande dans ses bagages a quelque chose de touchant. On ne sait plus si on est du côté du vieux couple qui parcourt l’Europe pour occuper sa retraite, ou du côté de la tournée internationale de la diva suivie de son fidèle assistant. Une chose est sûre en tout cas: la tournée s’exerce au bénéfice d’Angela Merkel et n’apporte rien de bon à la  France.

Le moment le plus saisissant a peut-être été le dîner strasbourgeois dont rien ne devait transpirer, mais d’où une évidence est née: Tsipras n’y a gagné aucun répit ni aucune forme d’indulgence. Peut-être existait-il encore en Grèce des esprits naïfs parfaitement convaincus qu’un jour où l’autre François Hollande assumerait ses propos sur la lutte contre la finance ou sur le retour de la  croissance en Europe. Ces derniers ne sont pourtant pas si éloignés: en juillet 2014 encore, François Hollande plaidait pour un plan européen de relance de 1300 milliards. Les faits montrent que l’enterrement en grande pompe de cette promesse n’empêche pas notre Président de dormir. Le plan Juncker a 300 milliards en poudre de perlimpinpin semble désormais suffire, joint aux 1.000 milliards de la BCE qui permettront d’acheter de la dette française.

Tsipras a naïvement cru, à peine élu, qu’il obtiendrait mieux de François Hollande, notamment un soutien à ses projets de lutte contre l’austérité allemande. Il a compris, à l’issue du dîner de Strasbourg, ce que les Français savent depuis mai 2012: il y a les paroles de François Hollande et il y a ses actes. Il est parfois difficile de trouver le lien entre les deux.

La loyauté, pour ne pas dire la subordination, de François Hollande à Angela Merkel ne seraient pas problématiques si elles se justifiaient par une vision raisonnable de l’économie européenne. La difficulté de l’exercice vient des extrêmes réserves que l’on peut avoir sur la question. La croissance en France n’est pas près de revenir dans un jeu où l’investissement public est réduit à  la portion congrue et tout porte à croire aujourd’hui que 2015 confirmera l’enlisement économique du continent.

Même des patrons très libéraux ont signé une pétition, fin 2014, pour demander à l’Allemagne d’assouplir sa politique en matière d’investissement public: personne ne demande, bien entendu, de relancer la dépense publique improductive. En revanche, face au raidissement du marché, particulièrement visible pour ceux qui ne se laissent pas abuser par les prévisions fantaisistes de croissance, le bon sens est de desserrer le noeud qui se referme en se lançant dans les investissements qui feront l’économie de demain. Manifestement, François Hollande ne parvient pas à faire entendre ce langage de raison à Angela Merkel.

Plus inquiétant, la France s’est lancée dans un soutien à la politique allemande en Ukraine. Qu’Angela Merkel reprenne sans vergogne les habits de la Prusse en cherchant à grignoter le territoire russe n’est guère surprenant. Personne n’a de doute sur le fait que l’Allemagne imagine un bon relance de croissance dans une Ukraine sortie de l’orbite russe et qu’elle fera tout pour l’obtenir.

Cet affaiblissement de la Russie est une position hétérodoxe pour la diplomatie française. La France a toujours joué la Russie contre la Prusse. Cette politique fut même formalisée il y a cent ans par l’alliance franco-russe et son traité de 1892, qui avait achevé une sorte de ligue de la Russie, de la France et de l’Angleterre, contre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie.

La folie de la construction communautaire consiste bien entendu à détourner le continent de ces grands équilibres d’antan, et à unir la France et l’Allemagne dans une aventure extrêmement dangereuse contre l’un de nos alliés naturels. La Russie ne veut pas entendre parler d’un basculement du géant ukrainien dans l’orbite occidentale. Elle s’y opposera, nous le savons, de toutes ses forces. Le rôle de François Hollande ne doit pas être de conforter Angela Merkel au nom de l’europhilie béate de l’énarchie française. Il doit être de la contre-balancer en mettant en perspective ce que l’Europe gagnera et ce qu’elle perdra dans cette logique d’affrontement.

Le couple franco-allemand, nous dit-on, est un élément essentiel de l’unité européenne. Le couple Merkozy avait, à sa manière, sauver l’euro en acceptant l’explosion temporaire des déficits publics pour faire face à la crise de 2008, puis la mise en place de mécanisme de solidarité européenne. On avait alors l’impression que la rigueur allemande était compensée par une sorte de générosité française. Le couple Merkollande fonctionne sur un autre principe: les deux membres du couple sont toujours d’accord surtout à la manière de la reine de coeur dans Alice au pays des merveilles qui impressionne tant son petit mari qu’il n’ose jamais rien contester.

On ne donne pas six mois à l’Europe pour tirer le bilan de cette politique.

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