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Grand oral TV : "Hollande a bénéficié des positions extrêmes des autres candidats pour être le plus convaincant"
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Debrief / Des paroles et des actes

Pour Christophe Prochasson, c'est le candidat socialiste qui a le mieux tiré son épingle du jeu lors de l'émission Des paroles et des actes mercredi. Mais un peu par défaut, car les autres candidats se trouvaient aux "marges" ou aux "extrêmes".

Christophe Prochasson

Christophe Prochasson

Christophe Prochasson est historien et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Derniers ouvrages parus : L’empire des émotions. Les historiens dans la mêlée (Demopolis, 2008), 14-18. Retours d’ expérience  (Tallandier, 2008) et La gauche est-elle morale ? (Flammarion, 2010).

Voir la bio »

A lire aussi le point de vue de Sophie de Menthon :
Grand oral TV : "Même si je ne partage pas leurs opinions, c'est Le Pen et Dupont-Aignan qui ont tiré leur épingle du jeu"

Atlantico : Quel candidat vous a le plus convaincu ce soir ? Et pourquoi ?

Christophe Prochasson : François Hollande a bénéficié d'une configuration favorable qui a sans doute contribué à rendre sa prestation la plus convaincante. Chacun des quatre autres candidats occupaient des marges, chacun se situant à la périphérie ou aux extrêmes.

Cette topologie politique permettait au candidat socialiste d'occuper le centre, position favorable qui pouvait lui laisser déployer les points de son programme avec un certain calme et sur le ton d'une bonhomie apaisante. Nicolas Dupont-Aignan renvoyait à la nostalgie de la France des années 1960, Eva Joly, plutôt en forme, s'effaçait derrière ses curieuses lunettes vertes, Marine Le Pen accentuait les accents xénophobes de son discours et le sympathique Philippe Poutou achevait de décridibiliser la Révolution. Dès lors, François Hollande incarnait sans mal la raison tout en campant ferme sur certaines de ses positions, réveillant notamment sa réforme fiscale.

Qu'avez-vous retenu des propositions formulées par les différents candidats ?

Dans le contexte d'une campagne en général très technique et finalement assez sage, au cours de laquelle la politique perd un peu ses droits au profit de la confrontation entre programmes-catalogues, ce sont les propositions les plus tranchées, les plus extravagantes ou les plus intolérables qui frappent. Aucune révélation n'a eu lieu ce soir, François Hollande insistant même sur son refus d'être un candidat pochettes surprise.

Les quatre autres candidats ont donc été plus audacieux, puisqu'ils ont moins à perdre : sortie de l'euro pour Dupont-Aignan, refus de l'accueil d'éventuels réfugiés syriens par Marine Le Pen, création d'un million d'emplois dans la reconversion verte d'Eva Joly et surtout abolition de la présidence de la République par Philippe Poutou. La prestation de ce dernier a été d'ailleurs proprement remarquable, oscillant entre le pathétique d'une formation en déclin qui se voyait naguère à 20% et la franche rigolade émanant d'un copain de boulot ultra sympa. C'était un moment de télévision rare, où l'on ne sait plus très bien où l'on se trouve. On ne savait plus s’il fallait se réjouir d’une grande séquence démocratique où l’on laisse la parole à ceux qui ne l’ont pas, ou s’affliger face à tant de naïveté et d’ignorance.

Qu'avez-vous pensé de la forme de ce dernier "débat" avant le premier tour des présidentielles ?

On pouvait craindre le pire. Le pire n'a pas eu lieu. L'émission était de bonne tenue, les journalistes posant des questions censées, adaptées aux différents candidats. L'excellent François Lenglet, décidément une révélation de cette campagne 2012, a su même éviter la caricature des questions économiques où la technique évince la politique. L'émission a été dans le sillage de cette campagne dite ennuyeuse mais que l'on pourrait simplement qualifiée de sérieuse.

Une démocratie arrivée à maturité n'est pas un parc d'attraction ni un spectacle permanent. C'est un monde un peu gris – Tocqueville l’avait prédit -  où les arguments s'échangent sans grand relief et où l'on attend que la raison des électeurs l'emporte sur leur passion. Il est heureux que la télévision évite la tendance au spectaculaire auquel elle pousse toujours un peu. On a retrouvé l'atmosphère des primaires citoyennes que chacun avait trouvé de bonne tenue. Les passionnés de petites phrases et de sang sur les murs seront sans doute déçus, les utopistes de la raison citoyenne beaucoup moins.

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