Derrière le slogan « White Lives Matter » du fantasque Kanye West, un autre cri que du racisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Kanye West lors de la fashion week.
Kanye West lors de la fashion week.
©AFP / FRANCOIS GUILLOT

BLM

Hier, les Proud Boys accusés de suprématisme blanc alors que leur chef est noir, aujourd’hui Kanye West accusé de soutenir ce suprématisme. Leur point commun au-delà des critiques légitimes à leur endroit - notamment le machisme des uns et l’antisémitisme récent de l’autre -, le refus de la bienveillance médiatique envers les démocrates et les violences de Black Lives Matter. Et d’autres personnalités noires dénoncent le mouvement.

Jean Degert

Jean Degert

Jean Degert est éthicien, rédacteur et traducteur juridique.

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« Indéfendable », « raciste », « pure violence » sont quelques-uns des qualificatifs utilisés par des journalistes et des stars pour désigner le choix du rappeur Kanye West et de la commentatrice politique Candace Owens, tous deux afro-américains, d’apparaître avec des t-shirts sur lesquels étaient écrits les mots « White Lives Matter » (les vies blanches comptent). West, qui déclare que Black Lives Matter (BLM) est une « arnaque » avait arboré ce message en marge de la Fashion Week de Paris, lors d’un défilé devant une cinquantaine d’invités le 3 octobre, parmi lesquels une influente journaliste du magazine Vogue, Gabriella Karefa-Johnson. Le ton est monté entre les deux personnalités, et d’autres célébrités sont intervenues pour critiquer le rappeur pseudonommé « Ye » et soutenir la rédactrice. Depuis West a publié des déclarations antisémites sur Twitter disant notamment être en alerte face aux Juifs, un propos sidérant, digne des provocations de l’élue démocrate Ilhan Omar qui accuse implicitement le lobby juif de vouloir que les Etats-Unis prêtent allégeance à Israël. La funeste sortie de West vient discréditer médiatiquement son slogan soutenant également les vies des Blancs.

Dans une déclaration communiquée au média people TMZ, le lendemain du défilé, BLM a accusé West et Owens de nuire « à des milliers de familles qui luttent pour la justice pour leurs proches tués par la violence légitimée par l'État. »

Du recours abusif à l’accusation de suprématisme blanc comme pare-feu

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Si des racistes blancs affichent le slogan « White Lives Matter », il n’est pas revendiqué par eux seuls, mais également par d’autres qui lui assignent une autre définition, celle du refus de l’exclusion des Blancs du nombre des vies qui comptent. Kanye West vient d’une famille qui a connu la ségrégation, et il continue de la dénoncer, affirmant que les démocrates la maintiennent sous une forme électorale après l’avoir appliquée en droit et en pratique dans les États du Sud après l’abolition de l’esclavage par les républicains.

Depuis son défilé, le rappeur a publié des commentaires paranoïaques quant à une prétendue conspiration juive. Il a notamment déclaré sur Twitter que les Juifs ont voulu ruser avec lui et essayent de blacklister quiconque s’oppose à leur projet. Le réseau social l’a bloqué.

Le parasitage de sa critique de BLM par ses déclarations antisémites apporte de l’eau au moulin de ses contempteurs moins regardants sur les relations passées entre Barack Obama et Jeremiah Wright, son pasteur dont il s’était séparé lorsque ses sermons antisémites et antiblancs avaient été diffusés sur la Toile, sans pourtant les avoir ignorés pendant des années. Cependant, la répulsion que suscitent les propos de West sur les Juifs ne démontre aucunement l’illégitimité de ses mots à l’encontre d’un mouvement qui pratique l’intimidation, prétend parler au nom de tous les Noirs. L’accusation d’arnaque formulée par le rappeur est probablement en partie une allusion au scandale de l’achats de luxueuses propriétés avec de l’argent des dons par la Black Lives Matter Global Network, une organisation autonome au sein du mouvement.

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Les accusations de racisme ne sont pas sans rappeler la qualification par les médias du mouvement Proud Boys de « suprématiste blanc », alors même que son président, Enrique Tarrio, est d’origine afro-cubaine. Si ce mouvement est fortement contestable sur nombre de points, notamment la place de la femme qu’il renvoie au foyer, force est de constater que la qualification de « suprématiste blanc » ou de « raciste » est brandie avec diligence et sans lien avec la réalité dès la moindre critique visant BLM et relève désormais de l’accusation fourre-tout. Et le refus de personnes noires d’exclure les Blancs des vies qui comptent oblige certains à afficher ostensiblement leur indignation. Divers médias présentent, quant à eux, des articles dont les titres indiquent d’emblée ce qu’il convient de penser, ainsi celui de Madame Figaro intitulé « Pourquoi le défilé de Kanye West à Paris pose problème ». Si le lecteur n’a pas le temps de le consulter, il se doutera au moins qu’il ne devra pas parler positivement en soirée du fameux t-shirt. Éventuellement, il s’alignera sur ce qu’en disent les célébrités.

Kanye West ou le refus d’un discours médiatique pro-démocrate et pro-BLM

Ye, personnage très instable et haut en couleurs, avait dans un premier temps soutenu le mouvement se réclamant de l’antiracisme, après la mort de George Floyd. En juin 2020, celui qui ne cachait pas sa sympathie pour Donald Trump avait participé à une manifestation de BLM à Chicago. Deux ans auparavant, en avril, il avait déclaré sur Twitter : « J’aime la façon dont pense Candace Owens », augmentant l’exposition médiatique de cette dernière et de ses critiques quant au mouvement qu’il dénonce aujourd’hui. Ce soutien lui avait valu des critiques, selon lesquelles Owens hait les Noirs.

Désormais, West ajoute le t-shirt à sa casquette arborant un ostensible « Make America Great Again », mais semble critiquer l'ancien président. Un mois et demi avant la mort de Floyd, il avait annoncé qu’il allait voter pour la première fois de sa vie et que ce serait pour Trump. Il avait expliqué son choix en disant que ses parents bravaient les interdits ségrégationnistes dans les États démocrates du Sud, buvaient aux fontaines où il leur était demandé de ne pas s'abreuver, s'asseyaient dans les restaurants où ils n'étaient pas censés entrer : « On ne me dira pas pour qui je dois voter en raison de ma couleur ! » Un mot visant le vote noir considéré comme acquis aux démocrates. Fantasque, le rappeur avait fini par se déclarer candidat.

D’autres personnalités noires ont exprimé leur opposition à BLM, ainsi Vernon Jones, représentant démocrate de la Législature de Géorgie qui a soutenu Donald Trump en 2021 et rejoint le Parti républicain. Il a dénoncé les violences des mouvements dits antiracistes et antifascistes, déclarant : « Ils ne soucient pas de vies des Noirs, mais uniquement de DÉTRUIRE. » Du côté de Hollywood, l’acteur Terry Crew a tenté d’expliquer en juin 2020 sur CNNpourquoi il ne soutenait pas BLM. Le présentateur Don Lemon a tenté de couvrir la voix du comédien qui dénonçait le silence du mouvement lorsque des Noirs tuent d’autres Noirs. Sans tomber dans le complotisme antisémite, eux.

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