Derrière l’apparente bonne santé de la démographie française, la très inquiétante baisse de la fécondité des femmes de moins de 30 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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L’essoufflement de la natalité française est une réalité.
L’essoufflement de la natalité française est une réalité.
©Reuters

En trompe-l'oeil

Au 1er janvier 2015 la France comptait 300 000 personnes de plus que l'année précédente. Cependant tout n'est pas rose pour notre démographie, car les conditions économiques conduisent les femmes de moins de trente ans à avoir moins d'enfants, et à ne pas compenser ce retard par la suite.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 12 janvier, l’INSEE publiait les derniers chiffres de la démographie française. Avec 64.2 millions d’habitants en France métropolitaine et 2.1 millions dans les cinq départements d’outre-mer, le pays compte environ 300 000 personnes de plus que l’année précédente. Un accroissement de 0.4%. A l’échelle européenne, et avec ses 813 000 naissances (hors Mayotte) la France domine largement son grand voisin allemand, qui ne compte pour sa part que 673 000 naissances (en 2012) pour une population totale de 80.5 millions de personnes. Pour les naissances, c’est la France qui est championne.

Si la situation du pays reste confortable à ce titre, l’essoufflement de la natalité française est une réalité. En effet, avec 12.2 naissances pour 1000 habitants, le taux de natalité du pays atteint son plus bas niveau depuis 1946, date des premières données ici publiées par l’INSEE :

Taux de natalité. France métropolitaine. INSEE

Récemment, cette baisse du taux de natalité a trouvé son origine dans la baisse continue du nombre de femmes en âge de procréer. Entre 2006 et 2014, le nombre de femmes de 15 à 50 ans a baissé de 370 000 personnes.

Nombre de femmes de 15 à 50 ans. INSEE

A l’inverse, le seuil de renouvellement de la population est atteint, avec 2.01 enfants par femme, un chiffre supérieur à ce qu’il était en 1980 : 1.95 enfant par femme. Mais cette bonne tenue apparente de la natalité française cache une réalité moins rose. En effet, l’analyse de la fécondité par tranche d’âge apporte des résultats moins optimistes.

D’une part, le taux de fécondité des femmes de plus de 30 ans continue d’augmenter de façon significative. Pour les femmes de 30 à 34 ans, le nombre de naissances progresse de 9.4 pour 1000 en 1994 à 13.2 pour 1000 en 2014. Pour les femmes de 35 à 39 ans, le chiffre passe de 3.8 pour 1000 en 1994 à 7 pour 1000 en 2014, puis, enfin, 0.4 naissance pour 1000 pour les femmes de 40 à 50 ans en 1994, contre 0.8 pour 1000 aujourd’hui.  Le constat est clair, les enfants arrivent de plus en plus tard, pour en arriver à un âge moyen des mères de 30.3 ans en 2014, contre 28.8 en 1994. Un record.

Par contre, le nombre de naissances pour les femmes de moins de 30 ans subit une baisse continue depuis la survenance de la crise de 2008. Bien que la situation semblait s’être stabilisée entre 1994 et 2008 pour les femmes de 15 à 24 ans, avec 3.4 naissances pour 1000 en 1994 contre 3.3 en 2008, une nouvelle étape baissière s’est mise ne place. Depuis, l’affaissement est sensible, passant à un niveau de 2.8 naissances pour 1000 femmes en 2014.

Nombre de naissance pour 1000. Femmes de 15 à 24 ans

De la même façon, le résultat est encore plus significatif pour les femmes de 25 à 29 ans. Une subite et forte baisse peut se constater depuis 2010 :

Nombre de naissance pour 1000. Femmes de 25 à 29 ans

De manière symbolique, depuis 2008, la classe d’âge la plus "féconde" est celle des 30-34 ans. Avant cela, les femmes de 25-29 ans régnaient sans partage sur la fécondité française.

Et cette situation n’est pas simplement le reflet d’un "changement de société" où les femmes, par simple choix de vie, retarderaient le moment d’une naissance. Un facteur économique semble bien agir sur cette situation. En effet, la corrélation entre le niveau d’activité des 15-24 ans et le niveau de fécondité de la même classe d’âge est très forte :

Taux d’activité et nombre de naissance pour 1000 (échelle de droite) des 15-24 ans. INSEE.

Le résultat est une tautologie : pour avoir un enfant, il vaut mieux avoir un emploi. Le plus souvent, la justification apportée est que les femmes en question feront des enfants plus tard. Comme le démontre l’âge moyen des mères.

Pourtant, selon une récente étude menée aux Etats-Unis par Janet Currie et Hannes Schwandt pour l’Université de Princeton, et mesurant l’effet des crises économiques sur la démographie, le constat est beaucoup moins affirmatif:

"En utilisant plus de 140 millions de naissance recensées durant la période comprise entre 1975 et 2010, nous avons analysé les effets à court et long terme du chômage sur la fécondité. Nous avons suivi des cohortes fixes de femmes américaines définies par leur Etat et année de naissance et avons mis en relation leur fécondité et le taux de chômage subi par chaque cohorte aux différents âges."

L’analyse par cohorte permet ici de différencier les femmes en fonction de leur année de naissance, de leur état d’origine, et ainsi de la situation de l’emploi au moment même où elles étaient en âge de travailler. Ainsi, il apparaît que le contexte économique de leur date d’entrée dans la vie active n’est pas sans lien avec la fécondité ici mesurée.

"Une hausse de 1 point du taux de chômage réduit la fécondité à court terme de 6 naissances pour 1000..(..) Lorsque nous suivons ces femmes jusqu’à 40 ans, nous trouvons qu’une hausse d’un point de chômage expérimenté entre l’âge de 20 à 24 ans conduit à une perte totale de 14.2 naissances pour 1000 femmes. Cet effet à long terme est dû en grande partie aux femmes qui restent sans enfant."

"Ces femmes ne font pas que renoncer aux premières naissances, elles renoncent également aux naissances ultérieures". (…) "Nous trouvons remarquable que l'évolution des conditions macroéconomiques au moment du jeune âge adulte ait un effet profond sur la vie future de chaque femme".

Ainsi, concernant le cas français actuel, et bien que la forte tendance à la baisse de la natalité des moins de 30 ans soit compensée par la hausse de la fécondité des femmes de plus de 30 ans, la bonne tenue de la démographie pourrait ne pas être durable. La génération actuelle, arrivant sur un marché de l’emploi en crise depuis 2008, pourrait durablement faire moins d’enfants que la génération précédente. Si la natalité française apparaît encore bien vigoureuse, il est probable que la crise économique ne délivrera ses effets que sur le long terme.

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