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Dans la tête des Français : ce que semble penser la majorité silencieuse sur les grèves et les réformes
©Flickr/Abode of Chaos

A froid

Si les différents sondages de popularité montrent que les Français se défient majoritairement de l'exécutif, il ne faut pas forcément y voir un refus en bloc de toute la politique menée par le gouvernement.

Jean-Philippe Dubrulle

Jean-Philippe Dubrulle

Chargé d'études - Département opinion et stratégies d'entreprise à l'Ifop.

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Atlantico : Derrière les parties prenantes au conflit social qui débutera ce 22 mars, des manifestants au gouvernement, quelle est la position de la majorité silencieuse du pays sur la question du mouvement en cours ? 

Jean-Philippe Dubrulle : Difficile de parler pour la majorité silencieuse, mais en ce qui concerne les Français dans leur ensemble, 44%* estiment aujourd’hui que le mouvement de grève du 22 mars (principalement articulé autour des protestations des cheminots) est « justifié », soit une part importante de la population, mais pas la majorité. Or, il convient de comparer ces résultats au jugement qu’ont porté les Français à l’égard d’autres mouvements sociaux. On observe ainsi que la mobilisation des cheminots bénéficie de beaucoup moins de crédit que celles d’autres corps sociaux : derniers exemples en date, les mouvements des surveillants de prison en janvier et des policiers de l’automne 2016 étaient considérés comme justifiés par respectivement 95% et 91% des Français ; même la mobilisation contre la loi travail était considérée comme telle par environ 60% des personnes interrogées. Il faut remonter jusqu’à la réforme des régimes spéciaux de 2007 pour trouver des jugements aussi négatifs que ceux portés à l’endroit de la mobilisation des cheminots en ce mois de mars.

* D’après le sondage Ifop-Fiducial pour CNews et Sud Radio« Balises d’opinion » #22.

Comment expliquer l'ambivalence de la position des Français, qui apporte un soutien minoritaire aux cheminots tout en apportant une vision de défiance majoritaire à la politique menée par le gouvernement ?

D’une part, si les différents sondages de popularité montrent bien que les Français se défient majoritairement des deux têtes de l’exécutif, il ne faut toutefois pas forcément y voir un refus en bloc de toute la politique menée par le gouvernement. L’embellie des popularités du président de la République et du Premier ministre cet automne ont montré une forme d’expectative ou de bénéfice du doute de la part de l’opinion, qui les a laissés agir dans l’attente de résultats. Or, lesdits résultats tardant à se manifester, la défiance augmente.

Pour autant, cette défiance ne vient pas en soutien du mouvement des cheminots, souvent dépeints et perçus comme une corporation jouissant de privilèges exorbitants. Que ces allégations correspondent ou pas à la réalité de leur statut, force est de constater qu’ils ne peuvent servir de réceptacle à la contestation sociale à eux seuls. La principale difficulté de ce mouvement vient donc du fait qu’elle passe, aux yeux de l’opinion, pour la défense d’une rente de situation ou de privilèges (avec force médiatisation de la gratuité des billets pour les familles de cheminots, etc.) d’une fraction de la population.

Comment anticiper la suite du point de vue de l'opinion ? Quels sont les éléments qui seraient susceptibles de faire basculer l'opinion de cette majorité silencieuse dans un camp ou dans un autre ?  

A travers différentes enquêtes, on constate que les Français sont globalement en faveur d’une réforme du statut des cheminots, qu’il s’agisse de la supprimer totalement ou de cesser de l’appliquer aux nouvelles embauches. Mais ce constat s’opère « à froid », c’est-à-dire avant prise d’effet des grèves annoncées ou exemples réels de convergence des luttes sociales. Le seul blocage des transports ne semble pas de nature à faire basculer l’opinion, pour les raisons qu’on a vues plus haut sur l’image des cheminots. C’est le pari actuel de l’exécutif que de balayer la possibilité d’une coalition des victimes proclamées de la politique du gouvernement, sous prétexte que les intérêts de chaque public (personnes âgées, bénéficiaires des APL, cheminots) sont trop divergents pour leur permettre de faire front commun.

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