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Daech sur le déclin ? La relève est prête
©Reuters

Nouvelle garde

La « cause » de Daech n’est plus porteuse d’espoir. Mais l’idéologie salafiste-djihadiste, elle, est toujours vivante et en pleine expansion dans les esprits.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Il n’a échappé à aucun observateur que Daech est globalement sur le déclin. Cela est indubitablement la conséquence des revers militaires rencontrés sur différents fronts. A savoir que la reprise de Mossoul, les reculs enregistrés au nord et à l’ouest de Raqqa, la perte d’influence en Libye et même au Nigeria, sont durement ressentis par les sympathisants car l’« odeur de victoire » qui avait suivi la fondation du « califat » en 2014 s’est progressivement estompée. Les volontaires pour rejoindre le califat se font de plus en plus rares et la tension sécuritaire qui régnait ailleurs, particulièrement au Maghreb, est en train de retomber (très) progressivement.

Certes, la bête est toujours vivante et capable de succès militaires comme actuellement aux Philippines dans la ville de Marawi que les autorités ne parviennent pas à reprendre après des semaines de combats acharnés ou dans le Sinaï qui connaît toujours une insécurité due à la guérilla menée par la wilayat locale de Daech. Même sur le front syro-irakien, la victoire militaire totale est loin d’être acquise. Il reste à reprendre la région de Tal Afar (à l’ouest de Mossoul), la province d’Al-Anbar située à l’ouest de l’Irak ainsi que la région de Deir ez-Zor en Syrie (sans compter que la ville de Raqqa n’est pas encore tombée).

Comme un fauve blessé qui reste redoutable, Daech peut surprendre comme cela a été le cas récemment dans les opérations kamikazes menées en Iran où lors de différentes tentatives d’attentats qui ont heureusement échoué en France et en Belgique. A la mi-juillet, Interpol a diffusé l’identité de 173 terroristes qui étaient susceptibles de mener des opérations de représailles de par le monde pour venger les reculs militaires de l’« Etat » islamique. Pour mémoire, 20 000 étrangers dont 4 000 Européens ont servi sous sa bannière. Mais l’enthousiasme belliqueux des volontaires parait avoir considérablement diminué même s’il est trop tôt pour affirmer qu’il a disparu.

Le coeur de l'Émirat semble touché même si son émir, Abou Bakr al Baghdadi est, selon les Américains, toujours bien vivant (un coup il est annoncé « probablement » tué par les Russes, un coup il est vivant ; d'ailleurs, peu importe qu’il soit mort ou vivant. Il y a longtemps qu’il ne dirige plus rien sur le plan tactique, chaque katibat étant autonome. Mais il a parfaitement su faire prospérer ses idées sur l’Islam conquérant). A savoir que la propagande que Daech savait mener avec brio et professionnalisme a considérablement baissé en qualité. Sa revue Rumiyah (le numéro 11 vient de paraître) qui a succédé à Dabiq radote des discours maintes fois diffusés précédemment. Elle évite désormais de publier des images trop « gore » (encore que…) car les lecteurs, même convaincus, semblent s’être lassés de l’horreur médiatisée à profusion. A terme, cette manière de procéder s’est montrée contre-productive. Al-Qaida « canal historique » s’en était bien rendu compte il y a des années et évitait d’aller trop loin dans ce sens. Par ailleurs dans le passé, Daech ne mentait pas dans les multiples revendications qu’il émettait ; il ne faisait qu’exagérer les pertes chez l’ennemi comme dans toute bonne propagande qui se respecte. Aujourd’hui, il n’hésite plus à reprendre des actions qui ne sont pas de son fait par pur opportunisme tactique. Enfin, l’EI qui avait parfaitement défini le rôle des femmes vivant sous sa bannière qui excluait toute participation directe aux combats (en dehors de Boko Haram mais son émir Abubakar Shekau n’en faisait qu’à sa tête et c’est pour cette raison qu’il a été « excommunié » par la direction du mouvement) a laissé des femmes se sacrifier lors de la bataille de Mossoul. Certes, il est possible que faute de djihadistes mâles tous « neutralisés », elles aient décidé de se sacrifier plutôt que de se soumettre aux assaillants, ce qui est prévu dans les textes sacrés qui sont la base de la vison de l’islam adoptée par les idéologues de Daech.

Mais en un mot, la « cause » de Daech n’est plus porteuse d’espoir. Le grand bémol vient du fait que l’idéologie salafiste-djihadiste, elle, est toujours vivante et en pleine expansion dans les esprits. Elle grignote peu à peu des « territoires » en Europe et sur le continent africain en rejetant les imams classiques (Le débat est lancé sur le salafisme « quiétiste » qui serait pacifique. Il n’empêche que la limite avec le salafisme « djihadiste » est plus que floue. Ce qui est certain, c’est que le salafisme « tout court » est prosélyte). Tout est de savoir par qui cette idéologie est en train d’être récupérée. La réponse est simple : Al Qaida « canal historique » qui voit revenir au bercail les brebis un temps égarées du côté de Daech, et les Frères musulmans qui sont loin d’avoir disparu. Ces deux organisations ont fait profil bas pendant des années car elles ont reçu de nombreux coups. Il convient d’être convaincu qu’ils sont loin d’avoir été fatals. Si Daech disparaît peu à peu en tant qu’« Etat structuré », son objectif de constitution d’un califat mondial basé sur la charia reste toujours d’actualité. Il est tout simplement repris par d’autres organisations.

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