Pirates informatiques
Cyber guerre : que réussissent vraiment les « hacktivistes » qui ont décidé de s’en prendre à la Russie ?
Les Anonymous notamment ont communiqué sur certaines de leurs actions contre des médias russes par exemple. Ces attaques ont été fermement démenties par la Russie.
Loïc Guézo
Atlantico : Depuis la fin du mois de février, le monde a les yeux rivés sur le territoire ukrainien envahi par les forces armées russes. Mais sans surprise, le monde numérique n’échappe pas au combat et les « hacktivistes » ont décidé de combattre la Russie avec leurs claviers. Que savons-nous aujourd’hui sur la réalité des attaques numériques sur la Russie ? La cyber-apocalypse de la Russie est-elle venue ?
Loïc Guezo : On a aujourd’hui des indices très clairs sur la manière dont les sites web russes ont été attaqués. Il s'agit de deux types d’actions : une attaque par déni de service (le site est rendu inaccessible ) et la page d’accueil d'un site est effacée pour qu'elle arbore une page critique sur la Russie ou favorable aux Ukrainiens.
Non la cyber-apocalypse n’est pas venue en Russie ou venant de Russie. Mais il y a quelques faits que l’on peut qualifier de très concrets car il y a quelques jours tous les sites gouv.ua ont été inaccessibles, soit plus de 600 sites. Ces attaques marchent très bien quand il s’agit de propagande.
On a aussi attribué à des hacktivistes biélorusses, des attaques sur les chemins de fer de leur pays qui étaient utilisés pour l’acheminement de troupes russes vers l’Ukraine. Il ne s’agissait pas de faire dérailler les trains mais de complexifier la commande des trains en obligeant les opérateurs à repasser en mode manuel et en ralentissant les vitesses de transfert.
Qui sont aujourd’hui les groupes qui attaquent les Russes ? Sont-ils efficaces ? Les Anonymous sont-ils présents ?
Aujourd’hui, des activistes biélorusses ont atteint leurs objectifs et les ont revendiqués. Un mouvement spécifique a été créé dans le cadre de l’attaque contre l’Ukraine faisant suite à un appel lancé par le gouvernement ukrainien. Il a créé son « IT army », soit un appel à volontaires pour toute personne se sentant susceptible d’avoir des compétences en cyberattaque. Cette organisation est structurée et elle est un peu plus forte que celle des Anonymous. En même temps que cet appel, le gouvernement a aussi dressé une liste de 58 cibles russes institutionnelles comme le Ministère de la défense. On ne sait pas qui va rejoindre ce groupe, beaucoup de personnes vont faire des choses légalement répréhensibles. Sur le terrain cela risque de faire beaucoup d’acteurs qui vont se marcher sur les pieds et compliquer le travail des services spécialisés en train d’intervenir.
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Dans le cadre des Anonymous, c’est toujours compliqué. Ce n’est pas une organisation structurée avec des portes paroles identifiés, sourcés. Les attaques ont été démenties par les victimes. Il faut attendre un peu si ces attaques ont été faites ou pas par eux.
Les détournements de chaînes d’information pourraient être intéressants car ce sont des médias qui touchent un grand nombre de personnes. Le fait d’amener le conflit sur ces chaînes de grande diffusion serait un moyen de réinformation de la population russe qui s'abreuve d’une information contrôlée, calculée au millimètre par la propagande gouvernementale. Une attaque ferait écho à l'opération ayant eu lieu en France en avril 2015 qui avait mis un écran noir sur TV5 Monde et qui avait été in fine attribuée aux services spéciaux russes.
Les Anonymous ont-ils déjà réussi des actions d’ampleur par le passé ?
Il y a eu beaucoup d’actions avec des ampleurs médiatiques importantes comme des actions pendant les attentats de 2015. En France il y a eu des opérations beaucoup plus activistes contre des industriels pétroliers. Avec les Anonymous, il y a beaucoup plus d’effet de communication que de véritables percées. Il s'agit plutôt de leaks, il s’agit d’exfiltrations d’informations censées rester confidentielles plutôt que des vraies actions que l’on pourrait qualifier de cyber guerre.
Connue pour leur présence et leur activisme sur le web, la force de frappe numérique russe pourrait-elle faire preuve de représailles envers l'OTAN ?
Cela ne serait pas forcément ou uniquement des représailles cyber en tant que telles. Aujourd’hui, si une cyberattaque attribuée à la Russie touchait gravement l’un des membres de l’OTAN, l'organisation pourrait au titre de l’article 5 générer une réponse qui n’est évidemment pas obligatoirement cyber : si un pays de l'OTAN est victime d'une attaque armée, chaque membre de l'Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendra les mesures qu'il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.
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