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Miles Kane au Festival Rock en Seine à Saint-Cloud...
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©Reuters

Post-Bourdieu

La rentrée culturelle l'a montré : difficile de distinguer aujourd'hui culture populaire et culture des classes supérieures. Et si l'on oubliait les écrits du sociologue Pierre Bourdieu, pour penser la culture autrement ?

Hervé Glevarec

Hervé Glevarec

Hervé Glevarec est sociologue et directeur de recherche au C.N.R.S, au sein du Laboratoire Communication et Politique.

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Où en est-on un peu plus de 30 ans après la parution de La distinction du sociologue Pierre Bourdieu, ouvrage-clé de l'appréhension de la culture à la française ? Au regard de la théorisation du goût et des pratiques culturelles que ce livre soutenait, qu'en est-il dans la société française contemporaine ?

Le moins que l'on puisse dire c'est que le modèle est persistant au sein de la communauté des sociologues français. Il semble pourtant évident que la situation contemporaine n'est plus celle des années 1960 et 1970 telle que Pierre Bourdieu pouvait la décrire ou l'interpréter alors en termes aussi bien de détermination que de signification des pratiques et des goûts culturels.

En effet, les genres culturels anciennement populaires, comme les musiques jazz, rock, électroniques, la littérature noire, la bande dessinée, les jeux vidéo, les séries télévisées, etc. ont dorénavant une place prégnante, souvent dominante, dans les pratiques des individus, notamment des catégories diplômées, tandis que certaines pratiques comme la fréquentation de l'opéra, de la musique classique, des émissions culturelles ou encore de la littérature accusent une baisse ou représentent des taux de pratiques faibles.

Or, face au développement et à la diversification du champ des biens culturels depuis l'après-guerre une grande partie des sociologues maintiennent une lecture bourdieusienne, distinctive, légitimiste et structuraliste des goûts et des pratiques culturelles. Ils se contentent de changer les contenus en conservant la même structure unilinéaire haut-bas, la même figure du dominant culturel absolu et, enfin, le même jugement de goût par rejet.

A nos yeux, le modèle d'interprétation de Bourdieu ne permet plus de rendre raison des pratiques et des goûts contemporains. Pour cela il faudrait faire place à un modèle de la diversité culturelle. Il se caractériserait par ceci que les genres culturels anciennement populaires sont dorénavant pratiquées par les catégories diplômées. Les pratiques classiques, comme le concert de musique classique, l'opéra ou le théâtre ne fonctionnent plus comme emblèmes de la culture dominante, minoritaires qu'elles sont aussi parmi les membres des catégories supérieures, notamment parmi les jeunes générations.

Le jugement social de dégoût, central chez Bourdieu, a laissé place à des jugements de tolérance et d'indifférence aux autres goûts, sous le coup de la diversification du champ culturel depuis les années 1960 et de la place prise par la reconnaissance culturelle des genres populaires. Last but not least, on assiste à une évolution du sens ascétique des pratiques culturelles au sein des catégories diplômées, au profit de la valorisation d'une pratique culturelle du plaisir ici et maintenant.

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