Crise : la Chine, vrai pyromane et vrai pompier <!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine a la capacité de manipuler les principaux marchés et ne s’en prive pas...
La Chine a la capacité de manipuler les principaux marchés et ne s’en prive pas...
©Reuters

Protectionnisme choisi

Depuis que les USA ont perdu leur AAA, la Chine tente de les culpabiliser en leur donnant publiquement la leçon. Puisque la Chine refuse de modifier son cours de change, il faut que les pays occidentaux organisent, en dépit de l’OMC, une riposte douanière contre la Chine et seulement contre la Chine et les pays qui joueront son jeu, estime Antoine Brunet.

Antoine Brunet

Antoine Brunet

Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés.

Il est l'auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).

 

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Vendredi 5 août 2011 se concrétisait une décision à laquelle s’attendaient les économistes les plus lucides : un abaissement par Standard & Poors de la notation des Etats-Unis, de AAA à AA-. Une décision historique : depuis que ces notations existent, c’est la première fois que les Etats-Unis perdent la note maximum, la note AAA. Un signe majeur de déclin des Etats-Unis. La réunion impromptue du G7 les 6 et 7 août témoigne de la gravité de l’évolution que subissent les démocraties de part et d’autre de l’Atlantique.

Ce qui est éprouvant et inquiétant, c’est l’immense satisfaction que manifestent les dirigeants du Parti unique qui dirige la Chine depuis 1949. La Chine entreprend de culpabiliser les Etats-Unis aujourd’hui (et demain les pays européens) en leur donnant publiquement la leçon : "C’est parce que, année après année, vous dépensez plus que vous ne produisez que vos économies prennent l’eau de toutes parts et que votre signature souveraine est aujourd’hui attaquée par les marchés".

La Chine investit

Première remarque : si on soulève le voile des marchés, on découvre un énorme investisseur qui désormais domine de très loin tous les autres. Cet investisseur, c’est l’Etat chinois. Il disposait fin juin 2011 d’un montant de réserves de change supérieur à 4 600 milliards de dollars ! (si l’on ajoute aux réserves de la Banque populaire de Chine, celles détenues par ses épigones, l’Autorité monétaire de Hong-Kong et les Fonds souverains de la Chine et de Hong-Kong). Cet acteur a maintenant la capacité de manipuler les principaux marchés : le marché des commodities, le marché de l’or, le marché des changes et aussi le marché des obligations d’Etat. Et il ne s’en prive pas.

Deuxième remarque : l’Etat chinois se comporte comme un pompier pyromane et plus précisément comme un vrai pyromane qui allume et active l’incendie et comme un faux pompier qui fait semblant de le combattre et en réalité l’attise. Ce n’est pas un hasard si c’est depuis 2001 que les finances publiques occidentales se sont délabrées toujours plus jusqu’à atteindre un niveau d’endettement alarmant.

C’est précisément à compter de 2001 que la Chine a enfermé ses rivaux, occidentaux et émergents, dans un redoutable piège : en rentrant en 2001 à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), la Chine abolissait, tous les dispositifs de protection douanière à l’encontre des produits made in China alors que par ailleurs depuis 1993, elle avait positionné son Yuan à un cours tellement avantageux qu’il rendait la main d’œuvre chinoise de très loin beaucoup moins chère que dans tous les autres pays (y compris de l'Inde, du Brésil, du Mexique, de la Turquie….). La Chine accaparait ainsi une part considérable et croissante du marché mondial des produits manufacturés au détriment des pays occidentaux et des pays émergents. Par ailleurs, les investissements industriels des multinationales occidentales désertaient les pays occidentaux pour venir se concentrer en Chine (voir le récent rapport Mac Kinsey à ce sujet). Par son énorme manipulation de change, la Chine enrayait donc durablement deux moteurs essentiels des économies occidentales : leur commerce extérieur et l’investissement des entreprises.

La Chine, par une concurrence déloyale, nous empêche de produire

En réalité, c’est donc la politique de change de la Chine qui a contraint les pays occidentaux à produire moins qu’ils ne dépensaient et les a fait par ailleurs basculer dans un endettement extérieur colossal et croissant à l’égard de la Chine. Quand la Chine reproche aujourd’hui aux Etats-Unis et demain à l’Europe de dépenser plus qu’ils ne produisent, on est donc en pleine hypocrisie.

La Chine, par une concurrence déloyale, nous empêche de produire et nous oblige à importer ses produits made in China et se permet ensuite de nous blâmer publiquement pour notre impécuniosité. Quant aux dirigeants occidentaux, pour s’être montrés trop pacifistes face à l’agression économique frontale dont ils étaient l’objet, ils ont réagi par une politique keynésienne (ciblée d’abord sur l’immobilier puis sur la relance budgétaire). Cette politique s’avéra un fiasco total. Pourquoi ? Parce que la politique keynésienne est efficace quand il s’agit de surmonter des difficultés conjoncturelles cycliques mais elle est impuissante quand il s’agit de conjurer une déstabilisation structurelle comme celle que la Chine inflige aux pays occidentaux depuis 2001.

Cette politique keynésienne s’avéra même nuisible : la séquence « bulle + krach » dans le secteur immobilier entre 2002 et 2006 a affaibli les banques et les Etats souverains ; le recours à une relance budgétaire massive après 2008 a affaibli davantage encore les Etats souverains pour aboutir à la crise ouverte des finances publiques occidentales qui a éclaté en octobre 2009L’arrogance de la Chine face aux graves adversités que nous subissons est inacceptable et insupportable. Elle ne fait que renforcer la nécessité d’une contre-offensive immédiate des pays occidentaux. Puisque la Chine refuse de modifier son cours de change, il faut que les pays occidentaux organisent, en dépit de l’OMC, une riposte douanière contre la Chine et seulement contre la Chine et les pays qui joueront son jeu.

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