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Crise du Covid : petit bulletin de notes des mesures gouvernementales
©GUILLAUME SOUVANT / POOL / AFP

100 jours

C'est la fin du trimestre pour le gouvernement et l'heure du conseil de classe est arrivée. Le gouvernement a-t-il travaillé sur ces lacunes par rapport à la première vague ?

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : C'est la fin du trimestre pour le gouvernement et l'heure du conseil de classe est arrivée. Par rapport au trimestre précédent (la première vague), le gouvernement Castex a-t-il travaillé sur ses lacunes ?

Philippe Crevel : Après une mise en cape de l’économie entre les mois de mars et de mai, le Gouvernement a tenté de la faire redémarrer  et de mobiliser l’ensemble des acteurs. La croissance française a été la plus forte des pays de l’OCDE pour le troisième trimestre prouvant la capacité de rebond du pays. Avec quelques ratés à l’allumage, Jean Castex s’est amélioré au fil du temps en associant les forces vives de la nation. Il a essayé de réduire la tentation technocratique sans toujours y parvenir. Les autorités peinent à être des stratèges de la crise. Que fait monsieur François Bayrou, le Commissaire général au plan ? Avec la deuxième vague qui par nature est plus diffuse que la première, les hôpitaux semblent mieux préparer. Il n’y a pas de pénuries de matériels à noter. La montée en puissance des tests a été impressionnante, environ deux millions ce qui est sans précédent.

Sébastien Laye : Il a surtout continué sur la meme lancée, de médiocre à correcte selon les sujets. le chomage partiel qui devait etre déphasé continue, les prets garantis par l'Etat et les reports de charges reprennent....seule nouveauté patente, la mesure sur les baux commerciaux: les bailleurs pourront obtenir un credit d'impot de 30% de leurs loyers échange au renoncement à au moins un mois de loyer sur la période octobre-décembre; cette question des loyers impayés était un des "trous dans la raquette" du dispositif du premier confinement. A l'inverse, les aides directes du fonds de garantie sont toujours aussi difficiles à obtenir...

Michel Ruimy : Cela fait plus de 100 jours que Jean Castex est aux commandes et presque autant de difficultés à gérer. Il n’en demeure pas moins que certaines actions auraient pu être anticipées à la suite de la première vague pour préparer la seconde, qui était annoncée par une grande part de la communauté scientifique, d’autant que le Premier ministre avait en charge le plan de sortie du confinement du printemps.

« Prévenir plutôt que subir » est devenu le maître mot du gouvernement pour légitimer le bilan de la gestion catastrophique de la crise sanitaire de son prédécesseur ainsi que le tournant qu’il est en train d’opérer. La seule « vraie » stratégie serait le freinage de l’épidémie par le respect strict des « gestes barrière » et la réduction des contacts et interactions sociales. Une riposte graduée et territorialisée. Un tournant qui incarne la logique du gouvernement voulant responsabiliser individuellement la population de la diffusion de l’épidémie.

Même s’il est conscient d’être arrivé à un moment où la France est éreintée par les épreuves, il lui faut des résultats. Comme son prédécesseur, il appuie sa démarche sur les avis du Conseil scientifique. Mais les médecins, qui ont maintenant une bonne expérience de la gestion du virus, ne savent pas tout, ce qui donne à la démarche du gouvernement cette allure empirique inévitable qui déconcerte l’opinion. : une gestion « à vue, sans boussole ».

À la lumière des décisions prises pour affronter ce trimestre, quelles mesures du gouvernement méritent un 20/20 et celles qui lui valent le bonnet d'âne ?  Qu'en est il en particulier du plan de relance ? du chômage partiel ? des mesures de soutien (fond de solidarité, exonération de cotisations sociales) ? Quelles autres mesures méritent d'être soulignées ?

Philippe Crevel : Comme la très grande majorité des gouvernements, il doit faire face à une situation inédite, historique et faire preuve de résilience, de capacités d’adaptation et de réactivité. Balloté entre les avis contradictoires des spécialistes en épidémiologie et devant arbitré en fonction d’un nombre exponentiel de sollicitations, de dérogations, le gouvernement a essayé autant que possible de maintenir un cap, celui de la protection des personnes tout en réduisant les effets des mesures restrictives sur l’économie. Il fait preuve de pragmatisme dans l’application du deuxième confinement ce qui est à mettre à son crédit. En revanche, le Gouvernement est comme ses homologues européens toujours en difficulté dans l’anticipation. Il est un peu tétanisé face aux défis auxquels il est confronté.

Sébastien Laye : Exonérations et reports de charges: 20/20
Chomage partiel: 20/20
Fonds de solidarité: 10/20 toujours aussi ubuesque dans sa gestion
Plan de relance: 0 toujours pas de plan d'investissement, surtout un plan de dépenses publiques de fonctionnement, dont on verra aucun effet avant au moins dix mois
Baux commerciaux: 20/20

Michel Ruimy : La prise de conscience des failles de l’« Etat centralisateur » et la nécessité de faire confiance à la France des territoires est indubitablement une bonne mesure. Une nouvelle étape de la décentralisation avec vraisemblablement des créations d’emploi dévolues aux départements. Le gouvernement parie sur le tandem maire-préfet pour restaurer la confiance entre l’Etat et les territoires. Encore faut-il le prouver. Des couacs ont eu lieu mais on est sur la bonne voie.

On constate qu’aucun gouvernement au monde ne sait comment réagir à la lassitude du public face au Covid, qui est de retour en cet automne. Comme la plupart du temps, la France est en milieu de peloton : ni bien, ni mal. Trop de décès et trop de personnes qui aujourd’hui ont refusé de porter le masque, une contrainte pourtant minime. Que le port du masque soit devenu un sujet politique et conduise à un débat sur les libertés est ahurissant. Aucun Premier ministre n’est armé pour faire face à la bêtise qui règne même chez certains de nos intellectuels.

Pour mieux appréhender le prochain trimestre, ya-t-il des matières sur lesquelles il doit faire des progrès ? 

Philippe Crevel : Dans les prochains mois, le Gouvernement devra réussir le déconfinement phase II et organiser, il faut l’espérer, le plan de vaccination de la population. Sur le premier sujet, il faut éviter le stop and go et essayer autant que possible de vivre avec le virus avant d’avoir la capacité de l’éliminer.

Le Gouvernement devrait anticiper que ce soit en matière de santé et sur le plan économique. Il devrait également associer l’opinion publique en communiquant régulièrement sur les recherches concernant le virus et le vaccin. Une remise du pays au travail avec des mesures courageuses devrait être envisagée en osant s’attaquer à certains facteurs de blocages comme les 35 heures. Le Président avait annoncé un grand vent de réforme que nous attendons. Une refonte plus fédérale, moins bureaucratique du pays serait une option à développer.

Sébastien Laye : Lancer un vrai plan d'investissement, par exemple sur la réindustrialisation et la construction de logements ; Remettre à plat la fiscalité des entreprises ; Rénover le droit des faillites pour faciliter les restructurations et transformer les PGE en fonds propres

Michel Ruimy : Tout d’abord, il convient de dire qu’il n’est pas l’heure de chercher des boucs émissaires. Le Premier ministre, comme il se doit, a perdu des plumes en gouvernant un pays clivé par tant de divisions. On tirera les bilans plus tard car l’heure est à la mobilisation collective contre le virus. Ensuite, un élément nouveau est à souligner : la propagation du virus concerne désormais la quasi-totalité du territoire national.

En pratique, le gouvernement n’a pas de baguette magique tant que les évolutions erratiques des questions de santé publique orientent les décisions économiques. Face à l’urgence sanitaire, l’exécutif veut préserver les enjeux économiques. Mais, en choisissant la posture d’un gouvernement protecteur, il doit régler des questions d’une complexité inouïe à propos desquelles le temps fera mieux son œuvre que l’action politique : Quel est le prix d’une vie humaine ? Jusqu’où peut-il aller en dépit « quoi qu’il en coûte » ? Car l’économie également peut tuer… C’est un choix entre deux impossibles : la mort biologique ou la mort économique.

En une phrase, quelle est l'appréciation générale du travail du gouvernement ?

Philippe Crevel : En ces temps très difficiles, il faut toujours se remettre à la tâche. Seul le travail paiera. 

Sébastien Laye : Castex a tiré les lecons des dispositifs manquants lors du premier confinement (exonération totale de charges, dispositifs sur les baux commerciaux) mais celà reste de la technique d'orfèvrerie sans véritable relance ou refonte de la fiscalité, que la situation actuelle exige.

Michel Ruimy : Travail sérieux à poursuivre en faisant attention de ne pas devenir, en deux ans, le « gouvernement du passif ».

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