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Covid-19 : pour se protéger du risque de faillite en septembre, les entreprises doivent réapprendre très vite à utiliser les assureurs crédit
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Atlantico Business

A Bercy, on espère que l’assurance crédit va permettre d'amortir le choc de la crise en apportant une garantie contre le risque de non-paiement de la part du débiteur. Mais les risques liés à une conjoncture spécifique, comme celle induite par la Covid-19, sont-ils alors couverts ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Denis Le Bossé

Denis Le Bossé

Denis Le Bossé est président fondateur du cabinet Arc, un des plus importants en France spécialisé dans la gestion des délais de paiements, le recouvrement de créances et l’optimisation financière.

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Un entretien et les explications de Denis Le Bossé, président fondateur du cabinet Arc, un des plus importants en France spécialisé dans la gestion des délais de paiements, le recouvrement de créances et l’optimisation financière.

Jean-Marc Sylvestre : Bercy veille à ce que les « assureurs crédit fassent leur métier contrairement à ce qui s’était passé en 2008 ou beaucoup s’était mis aux abonnés absents. Le risque premier que court les entreprises en periode de crise comme celle que nous traversons actuellement avec le Covid-19 est évidemment un risque de défaillance au moment du paiement. De nombreuses entreprises font appel à un assureur-crédit pour sécuriser leur poste clients. Mais beaucoup se plaignent que l’assurance-crédit reste coûteuse, mais face à la problématique des retards de paiement, son utilisation s’est développée ces dernières années. Payer pour se faire payer est devenu une des solutions pour se couvrir du risque d’impayés. C’est quand même paradoxal et curieux ?

Denis Le Bossé : Pas du tout. A condition que les assureurs crédit fassent le travail. Les créances à échéance, dues par les clients du fait des délais de paiement, représentent en France entre 30 et 40% de l’actif des entreprises et la somme des créances en attente de paiement entre entreprises représente environ 770 milliards d’euros. Ce crédit inter-entreprises est évidemment préoccupant car il est supérieur aux crédits accordés par les banques et il comporte un risque important de défaut de paiement, au regard du nombre élevé des défaillances d’entreprises. Les créances couvertes par l’assurance-crédit s’élèvent quant à elles à environ 300 milliards d’euros pour 20 000 entreprises souscriptrices.

Quand la conjoncture économique est favorable, l’assurance-crédit est portée par la bonne santé conjoncturelle des entreprises. Elle peut alors faire preuve de politique tarifaire agressive, ou de souplesse dans ses appréciations sur la situation structurelle de certaines entreprises. En revanche, lorsque la situation économique se dégrade, la position de l’assureur-crédit se contracte naturellement. Une conjoncture globale dégradée, telle que nous la connaissons aujourd’hui, ne laisse ainsi que très peu de chance aux entreprises pénalisées par des situations structurelles affaiblies ou exerçant dans des secteurs économiques sinistrés. Les assureurs-crédit ont ainsi tendance à réduire leurs niveaux de couverture et à refuser certains risques.

JMS : En 2008, au moment des subprimes,  les assureurs-crédit s’étaient brutalement désengagés de secteurs économiques entiers à risque et avaient suspendu instantanément leur couverture sur les entreprises qui présentaient des fragilités. La Médiation du crédit avait alors été créée afin d’installer un contrepoids dans la négociation entreprises/banquiers mais aussi entreprises/assureurs-crédit. Qu’en est il aujourd hui avec la crise du Covid-19 qui a mis l'économie et les entreprises en coma forcé.

Denis Le Bossé : Pour éviter une situation proche de celle rencontrée en 2009, Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, s’est emparé du sujet dès la mi-mars, en réunissant à Bercy les assureurs-crédit afin qu’ils ne paralysent pas les échanges commerciaux et le flux de trésorerie entre les entreprises, en rappelant les accords souscrits entre l’Etat, les assureurs-crédit et la Médiation du crédit en 2013. Les mécanismes du CAP, CAP+, CAP France export et CAP France export plus (compléments d’assurance-crédit garantis par l’Etat, créés en 2008) ont été réactivés et commercialisés dès le 15 avril.

Et tout récemment, l’Etat, via CAP Relais, s’est engagé à assumer jusqu’à 75% des risques actuels en échange de 75% des primes perçues. Une décision prise pour faire face au désengagement amorcé du secteur et pour éviter d’anéantir les effets positifs des PGE obtenus par les entreprises. Une enveloppe de garantie publique de l’Etat relevée à 15 milliards a par ailleurs été décidée mais la situation n’est pas stabilisée et de nombreuses entreprises ont d’ores et déjà vu leur cotation diminuer.

Dans ce contexte, il est légitime de se questionner sur les risques que l’entreprise pourrait réapprendre à gérer en s’appuyant sur les forces de l’assurance-crédit (qualité de l’information, exhaustivité, professionnalisme des arbitres, couverture d’une partie des risques…) utilisée dans ce scénario, comme un des outils d’aide à la décision, sans en être le seul.

JMS : Vous invitez donc les entreprises à apprendre à utiliser l’assurance credit ?

Denis Le Bossé : Ce scénario est peut-être celui à privilégier. D’autant que les entreprises qui auront rencontré trop de désillusions quant à la couverture de leurs risques durant cette période de crise, pourraient dans quelques semaines faire le bilan et juger que l’assurance-crédit ne couvre pas les bons risques ou les risques tout court au final.

JMS : Pourra-t-on dire à la sortie de la crise que l’assurance crédit a joué son rôle ? comme le préconisait le ministre de l'Economie ?  

Denis Le Bossé : Rappelons qu’une cotation en baisse implique qu’une entreprise doive payer comptant ses fournisseurs, au moment d’une reprise fragile, cela risque fort d’asphyxier toute dynamique économique. Il est sans doute trop tôt pour se prononcer, mais il est à prévoir que si les assureurs-crédit se désengagent une nouvelle fois comme cela semble le cas, c’est à l’Etat que reviendra la tâche de donner les moyens de la reprise aux entreprises. Alors que toutes les mesures et aides ont été prises très rapidement, il restera très certainement à financer des « PGE version reprise » pour assurer le cash nécessaire aux entreprises durant les prochains mois de redémarrage d’activité.

Propos recueillis par Jean-Marc Sylvestre.

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