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Covid-19 : de la catastrophe à la crise
©ERIC PIERMONT / AFP

L’étrange virus

S'il est toujours difficile de prévoir l'avenir en temps de crise, le risque d'erreur étant élevé, tâchons de définir les scénarios de l'après-crise : reprise de l'activité dès le mois de mai ou effondrement généralisé de l'Union européenne ?

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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S’il est une chose à ne jamais faire sous la pression, ce sont les prévisions à court et moyen termes. Le risque d’erreur est très élevé. Bien sûr, il y a quelques contre-exemples fameux. Tel De Gaulle le 18 juin 1940 prophétisant les quatre années qui allaient suivre au beau milieu d’une étrange défaite dont on ne voyait pas l’issue. Churchill avait eu les mêmes pensées quelques jours avant lui. Mais prenons garde à la réécriture de l’Histoire : des témoins ont affirmé que, sur le tarmac où l’attendait l’avion qui devait le mener à Londres, le Général hésitait encore à embarquer. Dans un monde où tout s’effondre comment savoir où poser les pieds ?

Dans cet intéressant moment, tentons malgré tout d’y voir clair. Et prenons le risque de nous tromper.

Le coronavirus, qui a pour le moment tué moins qu’une grippe annuelle, est espérons-le comme la plupart des pandémies : à vague unique. Dans ces conditions, il est possible qu’il suive une courbe en cloche. Le pic des victimes en France pourrait intervenir avant la mi-avril. Et ce d’autant plus que, soyons lucides face aux discours officiels, les dégâts économiques seront tels que le pouvoir sera tenté de remettre les Français au travail quitte à tordre un peu le cou aux réalités. Jusqu’à présent, de nombreux Etats se sont livrés à une sorte de compétition pour savoir lequel protègerait le mieux sa population ; concrètement lequel durcirait le plus les confinements. Ils sont du reste d’autant plus intraitables qu’ils ont failli, comme en France, à fournir les masques et tests aptes à endiguer l’épidémie. Mais, face au désastre économique, cette attitude va changer.

Rien de plus simple en effet que d’enregistrer une mort par arrêt cardio-respiratoire sans faire le lien avec une défaillance pulmonaire liée au coronavirus. On pourra ainsi défalquer un nombre suffisant de décès pour prétendre que le fléau est en recul même si ce n’est que timidement le cas.

Considérant que l’épidémie et le confinement subséquent réduisent, selon les instituts ayant fait paraître des études sur le sujet, le PIB de 2 à 3 % chaque mois et augmentent les déficits budgétaires et sociaux en conséquence, au-delà de la fin mai la situation économique et financière de la France serait intenable.

Car ces instituts ne disent qu’une part de la réalité. La contraction de la base fiscale va en effet être nettement plus prononcée que celle du PIB. Celui-ci comprend les salaires des fonctionnaires et une imputation de loyers de propriétaires occupants qui ne sont pas réduits du chiffre officiel. Donc 3% de contraction de PIB feront plutôt 5 à 6% de contraction du PIB marchand (hors administrations publiques) chaque mois. Et les dépenses sociales exploseront concomitamment, on le voit déjà avec l’envol presque vertical des indemnités de chômage partiel. On peut donc tabler sur environ 6 à 8 points de dette publique en plus par rapport au PIB et par mois de confinement, et davantage encore si la machine économique ne repart pas immédiatement après le confinement. Bref, un vrai désastre.

Ainsi, l’intérêt supérieur de l’Etat comme l’histoire des pandémies virales font penser que la fin au moins partielle du confinement sera proclamée fin avril au plus tard. Et ce d’autant plus que, le ramadan commençant cette année le 23 avril, un pouvoir pleutre vis-à-vis des musulmans n’a certainement pas envie de les affronter en leur interdisant une pratique cultuelle à laquelle ils sont viscéralement attachés.

Reste l’hypothèse où un rebond épidémique incontrôlable -de nouvelles vagues virales-, ne pourrait être dissimulé. Il entraînerait une progressive paralysie des circuits de distribution alimentaire, un couvre-feu et la militarisation du pouvoir pour lutter contre les pillages. Par effet cumulatif, le PIB marchand pourrait alors reculer de 30 à 40 % d’ici fin septembre et l’Union européenne se disloquerait avant la fin de 2020 ainsi que sa monnaie unique. Ce scénario n’est que pour mémoire, prieront les europhiles.

Mais le pire problème est dissimulé. Il tient au fait qu’il n’y a pas d’étanchéité parfaite entre les scenarii 1 et 2.

Car la France n’est pas isolée « épidémiquement » ou financièrement du reste du monde. Un situation hors de contrôle aux Etats-Unis, en Afrique ou en Asie aura pour effet de rendre vain le soutien par l’émission de monnaie par les banquiers centraux. La réduction drastique des échanges internationaux provoquera à échéance de quelques mois l’interruption de nombreuses chaînes de production. N’oublions pas qu’il ne s’agit pas d’une banale crise financière mais d’une catastrophe. Nous sommes plus proches de l’hypothèse d’une chute d’une météorite que d’une habituelle panique à Wall street.

De plus, le soutien à l’économie tel que le conçoivent la technostructure de la Banque centrale européenne et le pouvoir macroniste en France est une aide prioritaire aux plus puissants et à leurs plus proches compagnons : les milieux financiers et les grandes entreprises, au prétexte que leur effondrement entraînerait immédiatement celui de tous les autres.

Ainsi, les mesures de soutien aux PME décidées par le gouvernement français sont quasiment injurieuses. Les 1 500 euros aux entreprises ayant perdu 70 % de leur chiffre d’affaires sont une aumône et le soi-disant moratoire sur les loyers n’est pour l’heure qu’un appel à la bonne volonté des propriétaires pour leurs locataires.

Le chômage va donc frapper ce tissu vivant et fragile et les faillites risquent d’être nombreuses dans la quasi indifférence de Bercy. Outre un effet récessif sur la demande globale, cela ajoutera certainement un facteur de mécontentement profond dans la population. Il en sera de même dans les exploitations agricoles privées de main d’oeuvre pour les récoltes. Il est à parier qu’Emmanuel Macron va compter plus que jamais sur les LBD et les matraques des CRS pour se maintenir au pouvoir dès l’été prochain.

En bref, le facteur politique risque, même dans le scénario optimiste, de prendre dans les mois qui viennent le relais de la dépression économique pour défier le pouvoir et sa capacité à réagir à une catastrophe alors transformée en crise endémique.

Enfin, il nous faut insister sur les besoins de financement des Etats du Sud de l'Europe qui vont augmenter considérablement. A nouveau, seule la Banque centrale européenne pourra acheter leurs titres. Mais cela impliquerait un transfert de ressources substantiel de l’Allemagne/Pays-bas vers la France/Espagne/Italie.

Comme l'inflation pourrait s'accélérer dès la fin du confinement, ces deux facteurs pourraient inciter l'Allemagne à quitter l'Euro sans crier gare, engendrant un effondrement du change et une hyperinflation dans les pays du Sud. Ceux-ci, contraints alors d'équilibrer brutalement leurs comptes publics, se trouveraient dans une situation de chômage massif prolongé comme en Grèce.

N'oublions pas que tout est en place depuis longtemps, en Allemagne, pour réintroduire le Deutsch Mark à la première véritable menace. Tout reposera alors sur le rapport de force politique entre les épargnants et retraités allemands soucieux de préserver leur épargne et les lobbies industriels germaniques désireux de maintenir leurs exportations en Europe. Si l'épidémie était jugulée en Allemagne et en Pologne bien avant la France, ce scénario prendrait corps.

En définitive, cet étrange virus, dont les caractères étonnent encore les épidémiologistes et les chimistes, est venu percuter de plein fouet une étrange économie : celle fondée sur un endettement insupportable et que pourtant le système financier supporte depuis des années. Le caractère malsain et presque artificiel de la croissance depuis dix ans, les mensonges de gouvernements et d’autorité monétaires se livrant aux délices dangereuses de la planche à billet ont sans doute contribué à rendre anxieux et fragiles les pouvoirs publics face à cette menace imprévue.

La rencontre d’une bulle et d’un virus ne pouvait que mal tourner.

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