Consultation sur les SUV à Paris : comment abîmer la démocratie, mode d’emploi<!-- --> | Atlantico.fr
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La maire de Paris, Anne Hidalgo.
La maire de Paris, Anne Hidalgo.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Consultation ni démocratique ni représentative

Le prix du stationnement des SUV va bel et bien tripler à Paris. « Cette tarification sera appliquée au 1er septembre prochain », a annoncé dimanche soir Anne Hidalgo (PS), maire de Paris, sur son fil WhatsApp.

Gilles Mentré

Gilles Mentré est président d’Electis, et conseiller métropolitain (Paris XVIème) du Grand Paris. Il est l’auteur de Les deux pouvoirs : la démocratie directe au secours de la démocratie représentative (Gallimard, 2024) et de Démocratie – Rendons le vote aux citoyens (Ed. Odile Jacob, 2021).

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Atlantico : Les Parisiens se sont prononcés en faveur de la hausse des tarifs pour le stationnement des "voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes" de type SUV. 54,55% des votants ont voté pour la hausse. Or, le taux de participation est très faible (5,68%). En quoi ce vote et cette décision ne sont pas représentatifs de la démocratie participative réelle ?

Gilles Mentré : Avec moins de 6% de participation, cette consultation n’est ni démocratique ni représentative ! D’ailleurs le terme « votation citoyenne » est trompeur, car en Suisse une votation est décidée par les citoyens et fait l’objet d’une collecte préalable de signatures pour vérifier que le sujet est porté par suffisamment de personnes. Si Anne Hidalgo avait organisé un vrai référendum, au sens de la loi de 2003, alors il aurait fallu 50% de participation pour valider son projet. Quand on fait voter les citoyens, il faut être sûr qu’il s’agit d’un sujet mobilisateur pour tous, sinon on risque de donner le sentiment d’un gadget. De ce point de vue, l’initiative de la mairie accentue la « fatigue démocratique » au lieu de la combattre.

Cette votation citoyenne a suscité de vives critiques, notamment de la part de l'opposition. Le taux de participation n’aurait-il pas dû conduire à invalider le scrutin ? En quoi cette votation citoyenne sur les SUV est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire ?

Avec 54% de vote positif pour une participation inférieure à 6%, cela veut dire que moins de 3% des Parisiens se sont prononcés pour les nouvelles mesures. On est en plein dans le théorème de Taleb, cet économiste américain qui a montré que, si on n’y prend pas garde, il suffit de 3,5% d’intolérants pour imposer une décision à tous les autres. L’intitulé de la question (qui vise les voitures « lourdes, encombrantes, polluantes ») est déjà le signe d’une consultation orientée, et par ailleurs tout à fait vague sur les conséquences pratiques du vote. Un référendum moderne doit être tout l’inverse : neutre dans sa formulation, clair sur ses conséquences et validé par un nombre suffisant de citoyens.

Le recours au vote par Internet aurait-il été bénéfique pour le coût du scrutin et pour la participation ?

Au XXIème siècle, le vote par internet pour des consultations à faible enjeu devrait être une évidence. Il permet à la fois d’augmenter la participation et de réduire le coût (un scrutin électronique aurait été 50 fois moins cher !). D’ailleurs la mairie de Paris l’utilise pour son propre budget participatif – ne pas y recourir pour la votation citoyenne sur les SUV comme sur celle sur les trottinettes est le signe que la maire a cherché avant tout à mobiliser la « minorité intolérante » plutôt que le plus grand nombre. Le vote électronique suppose une validation préalable de l’identité numérique des votants, mais à nouveau un tel dispositif existe à Paris avec les cartes citoyennes. On dispose aujourd’hui de systèmes de vote électronique open-source et vérifiables de bout en bout qui permettent d’être sûr qu’il n’y a pas eu de manipulations, à condition que suffisamment de citoyens ou d’organismes indépendants surveillent le scrutin. Il est temps de moderniser nos démocraties - quitte à proposer dans un premier temps un système hybride où chacun a le choix de voter par internet ou par papier. 

Quelles mesures pourraient-être prises par la mairie de Paris pour encourager la démocratie participative réelle pour des sujets majeurs comme le budget de la ville, le logement, les grands projets d'avenir ou d'aménagements et la politique de la ville ?

Les sujets que vous mentionnez pourraient tous faire l’objet d’un vote direct des Parisiens. A condition, à nouveau, qu’on interroge les citoyens sur l’essentiel et non sur l’accessoire. Le budget participatif de la ville de Paris porte sur moins de 1% du budget total de la ville, saupoudré sur plus de 100 projets. Pas étonnant que la participation soit inférieure à 10% - ce sont surtout les porteurs de projets et leurs soutiens qui se mobilisent. Il serait beaucoup plus pertinent de faire voter les citoyens sur de grands projets : par exemple le choix d’accueillir ou non les Jeux olympiques, pour lequel Anne Hidalgo s’était engagée à consulter les Parisiens et ne l’a jamais fait. Sur un tel vote, la participation aurait été au rendez-vous.

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