Conférence de presse présidentielle : existe-t-il encore un scénario dans lequel François Hollande pourrait sauver son quinquennat (et sa potentielle candidature à un suivant) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande lors de sa sixième conférence de presse lundi 7 septembre.
François Hollande lors de sa sixième conférence de presse lundi 7 septembre.
©Reuters

Beaucoup de "si"...

François Hollande a tenu sa sixième conférence de presse lundi 7 septembre. Ce rendez-vous bisannuel, promesse de campagne en 2012, a été l'occasion pour le Président de fixer les perspectives de travail de l'exécutif pour les mois à venir.

Xavier  Chinaud

Xavier Chinaud

Xavier Chinaud est ancien Délégué Général de démocratie Libérale et ex-conseiller pour les études politiques à Matignon de Jean-Pierre Raffarin.

Aujourd’hui, il est associé du cabinet de stratégie ESL & Network.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Alors que les prochaines élections auront lieu dans moins de deux ans, et si la situation actuellement semble sans espoir (selon un sondage pour Itélé, 20% des sondés sont satisfaits de l'action du gouvernement en septembre voir ici), quels scénarios peut-on imaginer pour que François Hollande puisse sauver son quinquennat, et ouvrir ainsi la voie à une prochaine candidature ?

Xavier Chinaud : C’est en agissant comme un Président qui n’a plus rien à perdre que François Hollande peut espérer retrouver une chance de gagner. 

La côte du Président est très basse, son image est dégradée comme sa fonction et son bilan visible est faible. Il a 18 mois pour faire preuve d’audace et de courage, pour réformer, y compris contre sa majorité, y compris par referendum. Cela fait des années que les blocages et maux de notre société sont identifiés : notre fiscalité, nos règlementations, nos institutions. La politique des "petits pas" conduite jusque maintenant n’a pas suffi, sauver le quinquennat, lui donner un sens c’est agir, dans l’intérêt du pays et non pour favoriser une candidature unique de la gauche dispersée en 2017.

Conduire le pays en Président et non en candidat, est le seul scénario qui puisse éventuellement lui permettre de l’être à nouveau.

>>> Lire aussi - Conférence de presse présidentielle : François Hollande ou le "discours circulaire"

Jérôme Fourquet : La situation est quand même extrêmement dégradée. Et ce, que l'on regarde en termes de popularité, d'image personnelle, ou même de potentiel électoral puisque la qualification à ce deuxième tour n'est pas assuré loin s'en faut.

La gauche en général est fracturée, ces derniers jours nous ont montrés combien les écologistes étaient en voie d'implosion, Placé et De Rugy ayant démissionné du parti. Pour le PS, c'est le premier secrétaire du parti qui a récemment qualifié sa formation de "fragmentée", avec un fossé qui devient de plus en plus béant au fur et à mesure que la ligne social-libérale du gouvernement est affirmée. Le fait d'avoir été sévèrement étrillé aux dernières élections intermédiaires, et la perspective de perdre plusieurs régions au mois de décembre ne font qu'aggraver les craintes en interne.

Si la situation économique est un peu meilleure que ce qu'elle a été, au regard des turbulences boursières et du ralentissement de la croissance chinoise, le contexte ne laisse guère augurer de lendemains qui chantent… Tous ces ingrédients-là, auxquels il faut ajouter les crises sur le plan intérieur de cet été (agriculteurs, migrants) montrent que le gouvernement n'a pas été suffisamment efficace. Une image donc particulièrement détériorée, et le Président n'a pas beaucoup de marges de manœuvre. Je ne vois pas en l'état de scénario optimiste pour le pouvoir en place...

Politique internationale, réaction après les attentats du 11 janvier... Y-a-t-il des éléments sur lesquels il peut s’appuyer pour dire qu’il peut sauver son quinquennat lors de sa conférence de presse lundi 7 septembre ?

Xavier Chinaud : Dans les fonctions régaliennes, affaires étrangères, défense et sécurité, le Président, qui a dans ces trois domaines ministériels les seuls vrais poids lourds de son gouvernement, n’a pas échoué. Mais est-ce suffisant ? Ce sont les domaines où la décision politique conserve une efficience que l’on ne retrouve pas dans l’économie. Après 3 ans d’un quinquennat, le temps n’est pas encore celui du bilan et la maigreur ressentie de ce dernier ne peut lui tenir lieu de discours ; parler de son action c’est annoncer ce qu’il va faire et tenter de retrouver en termes d’image l’autorité et la compétence qui lui font tant défaut aujourd’hui.

Jérôme Fourquet : Si les événements que vous évoquez ont été bénéfiques au président, cette portée à été limitée dans le temps. L'opinion a effectivement pensé que le gouvernement avait agi correctement au lendemain des attentats, mais même si le sujet est dense et important pour les Français, cela ne suffit pas à booster la popularité de François Hollande. A 23-24%, certes 10 points de mieux qu'il y a un an jour pour jour, n'oublions pas que le président était au "fond de la piscine"… A la même période de son mandat, Nicolas Sarkozy était 10 points au-dessus.

Le Président de la République compte en revanche beaucoup sur le COP21, qui réunira 200 pays en fin d'année à Paris. Nous ne sommes pas dans le secret des négociations, mais un accord contraignant, significatif pour la lutte contre le réchauffement climatique paraît compliqué à arracher, la perspective d'un "compromis", creux politiquement parlant, est davantage envisageable. Les Français pourraient bien sûr y être sensibles, mais de là à voir les intentions de vote augmenter, cela paraît compliqué.

Il pourra en revanche probablement évoquer la participation de son équipe à la résolution de la crise grecque, obtenue peu avant son intervention du 14 juillet. Mais au regard de ce qui s'est passé ensuite en Grèce, avec la démission d'Alexis Tsipras et les multiples preuves de l'instabilité politique dans le pays, dont l'implosion de Syriza, les bénéfices politiques escomptés pour le pouvoir en place en France sont minces. Et au vu de l'accord négocié, plus sévère encore pour le peuple grec que celui pour lequel Alexis Tsipras avait convoqué un référendum, l'électorat de gauche a pu se demander s'il n'y avait pas eu un problème quelque part…

François Hollande a toujours déclaré que sa candidature aux prochaines élections (primaires ou présidentielles) était conditionnée aux résultats sur le front du chômage. Couple franco-allemand, relance de la zone euro, politique intérieure... En termes de conjoncture, à quoi pourrait ressembler un alignement des planètes optimal pour la candidature de François Hollande ?

Xavier Chinaud : La réaffirmation par François Hollande d’une non candidature en cas d’échec sur le front du chômage s’imposera, mais cela ne suffira pas. La France et l’Europe vont devoir affronter de grandes difficultés; je ne pense pas simplement aux "migrants" dont l’effroyable réalité clive pourtant nos sociétés, mais aux réalités économiques : si nous ne savons pas exactement quand le système va "bugger" nous avons la certitude que dans un avenir proche, la France et l’Europe risquent de percuter un mur et de connaitre une crise largement sous-estimée aujourd’hui.

L’alignement des planètes optimal que vous évoquez pour le Président sortant sera : 

Sur le plan économique que cette crise nouvelle évoquée ci-dessus ne se déclenche pas dans les 18 mois et qu’enfin le chômage baisse; sur le plan politique intérieure de s’imposer comme le seul candidat crédible de la gauche et d’avoir à affronter Nicolas Sarkozy et non Alain Juppé ; sur le plan européen d’éviter un éclatement de l’Europe et de réussir avec l'Allemagne à avancer, y compris contre l’opinion majoritaire, dans la construction de l’union et la gestion de ses défis comme celui de l’accueil des réfugiés ; sur le plan international de maintenir le rôle de la France dans le règlement des conflits et la lutte contre le terrorisme.

Jérôme Fourquet : Une première étape, en tout cas le point de départ d'une dynamique vertueuse, pourrait être une réussite au COP21. Mais là encore il y a des conditions, car il faudra rendre visible l'implication et le poids de la France dans son aboutissement. Une partie de la mouvance écologiste pourrait alors calmer ses ardeurs anti-gouvernementales, voire à nouveau se rallier au PS.

François Hollande ne pourra pas se défaire de son bilan en matière de gestion de la crise des migrants. Et sa position en faveur des quotas semble ne gérer que le présent : le flux de migrants et de réfugiés étant régulier, inscrit dans la durée. Son action doit être là-encore tangible, tout comme ses résultats sur le plan économique. Si les soubresauts chinois étaient sous contrôle et que la zone euro, sous l'effet d'une monnaie faible, voyait l'activité repartirm cela lui serait bien sûr favorable. Vous conviendrez que cela fait beaucoup de "si"…

D'autant qu'il ne faut pas oublier qu'il y a toujours un effet de latence dans l'opinion, entre le succès chiffré d'une politique économique et l'intégration de ces résultats dans les consciences. S'il y a vraiment une inversion de la courbe, il faudra que les gens la "vivent" au moins autant qu'ils l'entendront.

Le diagnostic de l'échec de Lionel Jospin en 2002 montre combien une gauche divisée peut porter préjudice au candidat socialiste. Quelles sont les personnalités politiques dont la candidature aux présidentielles apparaissent comme les plus menaçantes ? Quid du reste de l'échiquier politique ?

Xavier Chinaud : A gauche ce sont les Balkans, ceux dont Churchill disait qu’il n’y avait que 2 personnes au monde qui en comprenait le sens, lui et un berger de la région… dont il ne savait pas si il était encore vivant ! 

L'unique trait commun entre Winston Churchill et François Hollande est peut-être qu’il est le seul à comprendre les méandres de cette gauche éparpillée, déstructurée et suicidaire.

Au sein du PS, le parti des frères ennemis, si la raison domine dans la tête de Manuel Valls en est-il de même dans celle d’Arnaud Montebourg ?

Au Front de Gauche Jean Luc Mélenchon, à défaut de rassembler des suffrages cherche un agrégat rouge et vert pour légitimer une candidature

Au PC on sait que si l’on ne soutient pas la politique actuelle on a quand même besoin d’un accord législatif post présidentielles. Chez les écologistes on se divise entre candidature d’astre mort et ambition personnelle… Dans ce grand n’importe quoi, François Hollande peut parvenir à s’imposer.

A droite et au centre, la primaire présidentielle recèle le poison de la division, chez Les Républicains-UMP, deux candidats jouent en 1ère catégorie : Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, deux en seconde, les autres candidatures sont surtout celles de l’ambition ministérielle en cas d’alternance quand ce n’est pas seulement de la mauvaise série B... L’issue est encore incertaine, tant l’organisation même des primaires semble ne pas avancer et tant les 12 mois qui nous en séparent vont être longs en calculs. Alain Juppé avec François Bayrou ou François Bayrou sans Alain Juppé joueront un rôle majeur dans leur camp, les sondages aussi.

A l’extrême droite, la saga familiale animera encore les mauvaises rubriques des journaux, mais le risque d’un FN au 2eme tour reste encore très probable.

François Hollande rêve du match annoncé face à Nicolas Sarkozy et Marine le Pen, match pourtant si rejeté par l'opinion, parce que Nicolas Sarkozy fait l’objet du même rejet qu’en 2012 et ne pourra rassembler comme en 2007 l’espace qui va du centre à la droite dure et parce qu’il pense que les Français ne sont pas prêts à confier le pouvoir présidentiel à Marine Le Pen… C’est un calcul, mais comme les autres il est encore sans ambition pour redonner l’envie de voter à la part grandissante de citoyens qui s’excluent du champ démocratique.

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