Comment la droite a évolué sur la question de l'immigration... Sans jamais atteindre la dureté des gouvernements issus du Front populaire<!-- --> | Atlantico.fr
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L'immigration est à nouveau un thème majeur brandi par l'UMP.
L'immigration est à nouveau un thème majeur brandi par l'UMP.
©Reuters

Immigration

L'immigration est un thème majeur à l'UMP, dans le cadre de la campagne pour la présidence du parti.

Atlantico : L'opposition UMP met l'accent sur l'immigration. Quelles principales idées en retirez-vous, et celles-ci vous semblent-elles pertinentes au regard des enjeux actuels ?

Maxime Tandonnet : On retrouve toujours les mêmes thèmes. J'ai l'impression que les personnalités politiques agitent en permanence des chiffons rouges pour éluder les vrais problèmes. Par exemple, la  remise en cause de "l'acquisition automatique de la nationalité pour les enfants nés en France", c'est-à-dire "du droit du sol", en exigeant un acte de volonté, ne réglerait strictement rien. Cela ne toucherait que 3000 personnes qui obtiennent la nationalité de manière automatique à la majorité. De même, créer des conditions supplémentaires pour l'accès à certaines prestations des migrants en situation régulière est impossible au regard des jurisprudences européennes et constitutionnelles. Le vrai sujet c'est de définir des règles claires sur le droit de l'entrée et du séjour en France, les conditions de l'installation sur le territoire français, notamment au regard du travail et du logement, et de les faire respecter. Il est également regrettable que le discours politique ait renoncé à la belle idée de co-développement qui certes ne règle pas tout mais à permis d'obtenir de vrais résultats tangibles.

Lors de son passage sur le plateau de Des Paroles et des Actes, Alain Juppé s'était vu rappeler les propositions du RPR et de l'UDF émises en 1990 lors de leurs états généraux sur l'immigration à Villepinte : "fermeture des frontières", "suspension de l'immigration", " réserver certaines prestations sociales au nationaux", incompatibilité entre l'islam et nos lois"… Dans quel contexte ces propositions s'inscrivaient-elles ? Dans quelle mesure peut-on les comparer avec les proposition du Front national de Marine Le Pen ?

C'était un contexte général de durcissement de l'opinion et de la classe politique sur l'immigration, même à gauche. Le 10 décembre 1989, le président Mitterrand déclarait "en matière d'immigration, un seuil de tolérance a été atteint". Le 22 mai 1990, devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Rocard affirmait: "La France n'est plus une terre d'immigration." Nous étions alors dans une période de grandes transformations planétaires avec la fin de la guerre froide et l'effondrement du communisme à l'Est. L'opinion et les politiques se montraient très préoccupés par la perspective d'une forte augmentation du flux migratoire. Les propositions du RPR et de l'UDF de 1990 s'expliquent par ce contexte.

Il me semble que la vision des partis de droite sur l'immigration est fondamenalement différente de celle du FN. Dans le premier cas, il faut maîtriser l'immigration, l'organiser, la réguler, pour faciliter l'intégration des migrants présents sur le territoire. Dans le second, il faut l'arrêter totalement, voire inverser les flux migratoires, et pratiquer une préférence nationale c'est-à-dire donner la priorité aux nationaux français pour l'accès au travail ou au logement sur les étrangers y compris en situation régulière - auxquels l'Etat a reconnu le droit au séjour -  ce qui est contraire à toutes les principes de la République et du droit international.

Si l'on remonte le temps, quelles évolutions constate-t-on à droite durant la seconde moitié du vingtième siècle en matière de politique migratoire ?

Les conceptions ont beaucoup évolué. Dans les années 1960 jusqu'au milieu des années 1970, l'immigration n'était pas un sujet de débat politique. Le patronat français, avec le soutien des gouvernements de l'époque, faisait venir des milliers de travailleurs du Maghreb, en particulier d'Algérie, dont l'industrie automobile avait besoin pour son développement. La cassure est intervenue en 1974 et le début d'une crise économique qui a entraîné une augmentation massive du chômage. Le gouvernement de Jacques Chirac a suspendu l'immigration de travail. Il a tenté de limiter le regroupemement familial mais les juridictions, s'appuyant sur le préambule de 1946 qui protège le droit à la vie familiale, s'y sont opposées. Une seconde inflexion s'est produite au début des années 1990, avec la fin de l'URSS et du communisme en Europe, qui marque l'abaissement des frontières et l'accélaration de la mondialisation. Dès lors, la volonté de maîtriser l'immigration devient une constante des partis de droite.

Comment qualifier  l'évolution depuis les années 1990 de la politique prônée par la droite en matière d'immigration ?

La droite au pouvoir depuis 1990 a tenté de développer une politique de l'immigration fondée sur la maîtrise des flux. Les années 1993 à 1997 marquent une période de nette fermeté sur l'immigration, avec les lois Pasqua (1993) et Debré (1997) qui sont restrictives. De 2002 à 2007, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, le pouvoir s'efforce de développer une politique équilibrée: lutte contre l'immigration illégale, limitation de l'immigration familiale et encouragement de l'immigration de travail. L'intégration devient une priorité avec la création en 2003 du contrat d'accueil et d'intégration. Pendant les années 2007 à 2012, sous l'impact des événements notamment l'explosion du chômage liée à la crise des subprime, l'accent est mis davantage sur le contrôle de l'immigration. L'objectif de relance de l'immigration de travail est abandonné. Au total de 2002 à 2012, 5 lois ont été votées.

L'immigration a-t-elle toujours été l'objet de clivages entre la gauche et la droite ?

Non, absolument pas. Historiquement, c'est la gauche qui fut la première à vouloir restreindre l'immigration pour protéger le marché du travail français. Elle a souvent été dans l’histoire à l’origine des politiques les plus rigoureuses en matière d’immigration. Ainsi, la loi Herriot, président du Conseil radical-socialiste, du 10 août 1932, institue pour la première fois des quotas de travailleurs étrangers dans les services publics et les entités privées, tout en sanctionnant les employeurs illégaux de migrants. Le décret-loi Daladier, lui aussi radical-socialiste, du 2 mai 1938, institue la carte d’identité étrangère et punit d’un an de prison puis d’expulsion la personne qui demeure en France à l’expiration de son droit de séjour. Le décret-loi Daladier du 12 novembre 1938, dans son article 22 prévoit enfin la déchéance de la nationalité des Français naturalisés ayant été condamnés à au moins un an de prison.

Dans l’histoire de la France républicaine, peu de gouvernements ont été aussi stricts en matière d’immigration que les gouvernements  issus de la chambre des députés du Front populaire.

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