Comment compte-t-on les manifestants ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le nombre officiel de participants à la Manif pour tous dimanche varie du simple au double.
Le nombre officiel de participants à la Manif pour tous dimanche varie du simple au double.
©Reuters

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45 000 selon la police, 270 000 d’après les organisateurs, le nombre de manifestants de la Manif pour tous varie du simple au double. La guerre des chiffres revient à chaque manifestation, mais comment compte-t-on vraiment les participants ?

Mohamed Douhane

Mohamed Douhane

Mohamed Douhane est commandant de police, Secrétaire national du syndicat Synergie officiers et enseignant-conférencier en management de la sécurité et de la gestion de crise.


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Atlantico : Ce dimanche encore, les chiffres des participants à la Manif pour tous diffèrent : 45 000 personnes selon la police, et 270 000 pour les organisateurs. Quelle sont les techniques de comptage utilisées ?

Mohamed Douhane : Il est systématique que les chiffres diffèrent. La différence est souvent conséquente, en général du simple ou double voir au triple. La comptabilité des manifestants n’est pas une science exacte. La méthode traditionnelle utilisée par les services de la préfecture de Police, et par les agents de la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), est appliquée depuis longtemps. Elle consiste à évaluer un nombre de moyen de manifestants présents dans chaque rang. Pour cela, les policiers sont positionnés sur des points hauts stratégiques préalablement ciblés (balcons, ponts, terrasses). Ils comptabilisent les manifestants par groupe de dix en prenant en compte la longueur du défilé, la largeur des rues, le nombre de personnes par rangée et la vitesse à laquelle le cortège avance. Ils sont positionnés par groupe de deux compteurs sur les points hauts, les yeux rivés sur une ligne imaginaire, ils «cliquent» toutes les 10 personnes à l’aide d’un compteur à main. La moyenne est d’un manifestant par mètre carrée.

Cependant, la police estime qu’il y a une marge d’erreur de 10 à 15 % en faveur des manifestants. Cette dernière est rajoutée systématiquement à la fin du comptage. Pour être au plus près de la réalité, il y a également un travail de prévision en amont. Les services de renseignements ont des liens permanents avec les organisateurs pour prendre en compte les réservations de groupes, les trains spéciaux, les bus... Cela permet d’affiner le diagnostic.

Comment expliquer un tel écart entre les chiffres des policiers et des organisateurs ? Quel est l'intérêt de gonfler ou de minimiser les chiffres ?

La divergence de comptabilité peut s’expliquer car les organisateurs comptabilisent les personnes présentent sur les trottoirs, tandis que la police considère que cet espace est réservé au service d’ordre qui encadre le cortège voir même à des personnes présentes mais qui ne manifestent pas forcément. Cette différence explique en partie la distorsion entre les chiffres donnés. La police a pris le parti de ne pas décompter les personnes sur les trottoirs, c’est pour cela que les organisateurs font circuler des consignes pour demander aux manifestants de rester sur la chaussée.

Il y a toujours une tentation forte de la part de l’opposition politique, quel quelle soit, de vouloir interpréter les chiffres à la hausse. Les controverses sur les manifestations ont toujours existées. Il y a un danger de manipulation politique des chiffres réels ou rendus public qui échappent à la police. Ces interprétations ne relèvent pas de la responsabilité des  fonctionnaires ou des hauts fonctionnaires qui servent à la préfecture de police, mais des hommes politiques. Compte tenu du contexte politique et social en France les risques de polémiques politiciennes sont grands - quelque soit la majorité au pouvoir. Dans ce cas là, on n’est plus dans la technique mais dans l’interprétation politique. Il peut y avoir un «tripotage» des chiffres au dessus des autorités préfectorales, dans les sphères politiques, qu'importe le gouvernement en place. 

Existe-t-il une façon impartiale de comptabiliser les manifestants ? 

Pour la manifestation du 13 janvier, on a eu recours aux caméras, ainsi qu’à un hélicoptère. La vidéo permet une cartographie beaucoup plus précise pour affiner les chiffres. Il existe une méthode plus scientifique : le compteur laser par hélicoptère. L’appareil survole la zone avec un appareil laser qui comptabilise au chiffre près. Ce dispositif laisse peu de place aux polémiques, mais il est très couteux, donc peu utilisé. A l’avenir la méthode du «clic» pourrait être supplantée par la technologie de laser qui est plus précise.

Qui a concrètement accès à ces données les plus objectives ? 

Evidemment les autorités de police et la préfecture. Cependant lors de la manifestation de janvier, fait pour le moins inhabituel, le préfet a proposé à la presse de venir recompter les manifestants à partir des vidéos. De plus en plus, il y a une nécessité de transparence pour mettre fin aux polémiques des chiffres.

Propos recueillis par Manon Hombourger 

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