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Combien de temps pourra durer 
le règne de Vladimir Poutine ?
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2024 en ligne de (Vladi)mire

Ce dimanche ont lieu les élections présidentielles en Russie. Un boulevard semble ouvert à Vladimir Poutine, dû à l'absence d'une opposition conséquente, mais aussi à son bilan économique plus que flatteur. De quoi briguer deux mandats successifs jusqu'en 2024 ?

Philippe Migault

Philippe Migault

Philippe Migault est auditeur de l'Institut des Hautes Etudes de la Defense Nationale (IHEDN) et du Centre des Hautes Etudes de l'Armement (CHEAr). Il dirige le Centre Européen d'Analyses Stratégiques (CEAS).

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Atlantico : En ce jour d’élections présidentielles russes, une éventualité devient de plus en plus plausible : Vladimir Poutine pourrait rester à la tête de la Russie jusqu’en 2024. Comment serait-ce possible ?

Philippe Migault : Tout d’abord c’est possible constitutionnellement. La Constitution russe a été changée depuis quelques années déjà. Le mandat présidentiel en Russie est de six ans, et on peut en effectuer deux consécutifs. Vladimir Poutine peut donc être élu aujourd’hui et postuler pour un nouveau mandat en 2018.

Politiquement c’est une possibilité. Il est évident qu’il peut y avoir un jour une forme de lassitude. Lui-même peut d’ailleurs se lasser : en 2024 il aura 72 ans. Il aura suffisamment donné à son pays pour renoncer en 2018 à exercer des fonctions présidentielles jusqu’à cet âge-là. Encore que lorsqu’on a pris goût au pouvoir on peut vouloir le conserver le plus longtemps possible. C’est faisable.

Regardez la situation économique de la Russie. Actuellement elle a un taux de croissance de 4 à 5% par an. Ce taux est calculé sur la base d’un baril de pétrole à 93 / 97 dollars. Le cours du Brent ces derniers temps est à 123 dollars, c’est-à-dire 30 dollars de plus. Par rapport au budget sur lequel l’Etat russe estime pouvoir tabler pour une croissance à 4,5%, il peut compter largement au-dessus. La Russie va donc avoir les moyens de mener une politique de transition de son économie. Politiquement, la réélection de Poutine est donc tout à fait possible, parce que si Vladimir Poutine parvient à réussir ce processus de transition et à amener la Russie réellement dans le monde moderne, comme ont essayé avant lui Pierre-le-Grand, Catherine-la-Grande, Stolypine ou Alexandre II, l’opinion publique peut facilement décider de le soutenir jusqu’en 2024.

Malgré les controverses, les manifestations, l’agacement qu’il suscite au sein des classes moyennes, son bilan économique est irréprochable. La force de Vladimir Poutine réside-t-elle ici ?

En effet, économiquement la Russie est un pays qui tourne, tout simplement. 0,5% d’excédent budgétaire en 2011, on aimerait bien pouvoir en dire autant. La Russie n’est pratiquement pas endettée : elle a un taux d’endettement à 5,5%. A titre de comparaison le nôtre est de 87,5% ! Non seulement ce pays a une rente gazière et pétrolière exceptionnelle, mais en outre si elle décidait demain d’emprunter sur les marchés internationaux et de s’endetter, tout le monde lui prêterait. Certes, elle n’a peut-être pas un Triple A, mais la solvabilité de la Russie fait l’unanimité.

Dans l’hypothèse de deux mandats successifs de Vladimir Poutine, que peut-il se passer en 2024, après plus de 15 ans de gouvernement ? Dimitri Medvedev reprendra-t-il « naturellement » le flambeau ?

Dimitri Medvedev aura 59 ans en 2024, il aura sans doute envie de revenir. Le seul bémol est que Dimitri Medvedev n’a jamais eu la popularité de Vladimir Poutine. Rien ne dit qu’il sera alors nécessairement élu en 2024. Cela dépendra de l’état de la Russie à ce moment-là. Ce ne sera pas une question d’hommes. A la veille de la Première Guerre Mondiale, Stolypine avait engagé un certain nombre de réformes qui commençait vraiment à porter leurs fruits. La structure de la société russe était réellement en train de changer. Tout ça fut interrompu par la guerre puis par 70 ans de communisme. Je pense que Vladimir Poutine aimerait se poser dans l’Histoire comme étant celui qui réussira là où les autres ont échoué. Celui qui amènera véritablement l’économie et la politique russes dans le monde de la modernité, équivalent au monde occidental, avec des industries de pointe, une économie qui tourne bien, une corruption limitée… C’est la trace qu’il veut laisser.

Il est souvent reproché à Vladimir Poutine son côté dictatorial, inhibiteur pour l’opposition… Mais l’opposition n’a qu’à s’en prendre qu’à elle-même, à son manque d’organisation ?

Ce côté dictatorial évoqué par les médias ou certaines tranches d’opinion est loin de la réalité. Ce n’est pas Poutine qui décide derrière le portrait de Staline à Moscou. Ceux qui le considèrent comme un dictateur et parlent de Staline à tout bout de champ, ou se rangent derrière un Jirinovski qui est d’ultra-droite, sont mal placés pour parler de dictature concernant Poutine.

Quant à l’opposition, en Russie elle comprend 100 000 personnes ! Pour un pays qui compte 140 millions d’habitants. C’est dérisoire. Tout est exagéré, surmédiatisé, surgonflé. Très honnêtement on ne peut vraiment parler d’une quelconque opposition.

La meilleure chance de Poutine de l’emporter, est donc qu’il est simplement l’homme de la situation ?

Exactement. Et les Russes lui sont reconnaissants de la croissance économique et de l’ordre qu’il a remis dans le pays depuis les années 2000. Mais de plus il joue sur du velours, en ce qu’il n’a personne en face de lui. La question est simple : qui pour remplacer Vladimir Poutine ? Pour l’instant personne ne se détache, il n’existe aucun candidat sérieux. 

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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