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Clonage de Dolly, 20 ans déjà : ce que la science a appris depuis
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Vers l'infini...et au-delà

20 ans après le premier clonage de l'histoire, celui de la brebis Dolly, la science a beaucoup évolué sur cette question complexe. Moralité, science, éthique, le clonage nous pose des questions aux confins de la génétique.

Alexandra Henrion-Caude

Alexandra Henrion-Caude

Dr Alexandra Caude est directrice de recherche à l’Inserm à l’Hôpital Necker. Généticienne, elle explore les nouveaux mécanismes de  maladie, en y intégrant l’environnement. Elle enseigne, donne des conférences, est membre de conseils scientifiques.

Créatrice du site internet science-en-conscience.fr, elle est aussi l'auteur de plus de 50 publications scientifiques internationales. Elle préside l’Association des Eisenhower Fellowships en France, et est secrétaire générale adjointe de Familles de France.

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Atlantico : Il y a 20 ans une équipe de chercheur a réussi à cloner le premier mammifère de l’histoire : une brebis nommé Dolly. Quels ont été les progrès accomplis depuis ? La science a-t-elle vraiment évolué ?

Alexandra Henrion-CaudeBeaucoup de chemin a été parcouru au cours de ces 20 dernières années, parfois à grand bruit, surtout lorsqu’il s’agit d’animaux, et parfois dans un silence totalement anormal, quand il s’agit de l’homme… De deux parents, on est passé à trois parents (http://www.atlantico.fr/decryptage/approbation-projet-premier-bebe-trois-parents-genetiques-autorites-britanniques-gouffre-medical-et-ethique-alexandra-henrion-2909621.html), avec la tentation de revenir à « un » parent au travers du clonage (https://www.project-syndicate.org/commentary/stem-cell-parthenogenesis-patent-by-jasper-a--bovenberg-et-al-2016-03).

27 Février 1997 : Tremblement de terre dans le monde scientifique : un dogme vient de tomber ! Une cellule adulte différenciée, c’est-à-dire déjà spécialisée, est capable de re-programmer tout un individu !

Vous avez l’air surpris ? Mais oui, comme le titre de la publication scientifique l’indique, ce n’est pas la technique du clonage à la base de la naissance de Dolly que la communauté scientifique salue il y a 20 ans, mais bien le fait que Keith Campbell soit parvenu à utiliser des cellules d’adulte et de foetus pour fabriquer ces brebis. Ian Wilmut, souvent présenté comme le père de Dolly, était à l’origine du financement de ce projet via la société PPL Therapeutics qui a depuis fait faillite. L’auteur de la technique du transfert nucléaire, référée abusivement comme celle du « clonage », c’est John Gurdon qui l’a mise au point dans un ovocyte de crapaud Xénope : en 1958 !

Au rythme d’une espèce par an, pendant 10 ans, et avec des difficultés inégales qui restent mystérieuses, ces expériences vont aboutir au clonage dans l’ordre de : vaches, souris, chèvres, cochons, lapins, chats, rats, chevaux - mules et daims (en 2003), buffle, chien, ferret, chameau.  Les plus grandes difficultés sont rencontrées chez les primates et plus encore chez l’homme.

26 décembre 2002 : Annonce de la naissance du premier clone humain par Brigitte Boisselier via la société Clonaid (et société sœur Stemaid) fondée par la secte Raël. Cette annonce provoque un tollé de réactions adverses dans un consensus remarqué. Une annonce qui sera finalement dénoncée comme étant frauduleuse en 2004.

14 février 2003 : Euthanasie de Dolly, après un certain nombre d’informations contradictoires sur son éventuel vieillissement accéléré (petite taille des télomères de ses chromosomes inexpliquée), une épidémie de maladie pulmonaire dans l’élevage et une incompréhension sur l’origine de l’ostéoarthrose dont souffrait Dolly.

2007 : Premières expériences de clonage chez les primates. Ian Wilmut annonce alors tourner le dos au clonage. Il souhaite privilégier la voie qu’il pense plus prometteuse du Prix Nobel japonais Yamanaka qui depuis 2006 est capable d’induire la reprogrammation de cellules adultes, sans avoir recours à des ovocytes. Il sait que se fournir des ovocytes est lourd et peu éthique puisqu’il requiert une stimulation hormonale de la femelle, à la limite de l’hyperstimulation ovarienne, sur un stock limité et prédéfini d’ovocytes pour chaque espèce.

2013: Publication scientifique des expériences de clonage chez l’homme.

Des publications qui passent dans un silence assourdissant, au regard de ce que cela représente pour l’homme.

Comment expliquer qu’aucun média français, ni aucune obédience religieuse n’ait réagi à ces premières expériences de clonage chez l’homme, pourtant validées entre 2013 et 2014 par trois équipes différentes ? Cette absence de réactions n’est-elle pas troublante ?

Pour ma part, je fais mienne la remarque de Robert Edwards, à l’origine du premier bébé-éprouvette : «Je ne connais personne qui mérite d’être cloné. »

Le concept du clonage est toujours un fantasme pour les auteurs de science fiction, pourrons-nous bientôt cloner des Hommes ? Scientifiquement qu’est-ce qui nous empêche de le faire ?

Aïe. La deuxième partie de votre question montre bien ce silence anormal dont je parlais à l’instant et qui a entouré ces nouvelles maitrises techniques. Scientifiquement, comme je viens de vous le dire, la technique du transfert nucléaire, donc du clonage, est pratiquée chez l’homme depuis 2013. Légalement, et là aussi, contrairement à la pensée commune, il n’est pas interdit par la loi… autrement dit il est permis.

En utilisant des mots techniques, qui compliquent la notion même du clonage, il n’est pas toujours compris que tout clonage humain passe par le clonage d’embryons humains. Ainsi, qu’on les appelle clonage reproductif, thérapeutique ou technique de remplacement d’organes, comme dans le film The Island, tous reviennent à la création d’embryons sans reproduction sexuée. C’est-à-dire une néantisation de l’altérité et la création de vies au profit de soigner certains d’entre nous. C’est encore et toujours la question de la fin qui justifie les moyens qui se pose, mais dans le contexte particulier que, pour soigner, un arsenal d’autres moyens existent dont l’étude n’est pas éthiquement problématique.

Sur le plan historique, il n’y a pas que la science fiction qui se soit emparé du thème du clonage. C’est un thème présent et craint par toutes les époques et dans toutes les cultures, exprimé notamment au travers de la mythologie via Zeuxis, Typhon, le Cerbère et les Hécatonchires. Mais il est aussi présenté dans le Talmud comme dans la Bible avec le Golem, possiblement source d’inspiration du Doppelgänger et de Frankenstein, mais aussi des hantises manifestées par Dostoïevski (Le Double) et Stevenson (avec son Dr Jekyll et Mr Hyde).

La technique du clonage n’est certainement pas une science comme les autres. Devrions-nous concrètement cloner des êtres ? Quelles sont les objections morales à la propagation de cette science ? Quelles en sont les limites ? 

En science, les dogmes sont des idées couramment admises qui formatent notre connaissance. Un dogme n’est étayé d’aucune certitude, et reflète généralement notre incapacité à imaginer ce que l’on ne voit pas. « La terre est plate ». Mais, comment, à l’époque, imaginer autre chose ? Ainsi, le clonage de Dolly aura permis un saut fantastique de notre compréhension de la plasticité de nos cellules, permettant d’envisager de nouvelles façons de soigner de façon autologue, c’est-à-dire sans rejet.

Faut-il cloner ou non les êtres ? Si on reprend les exemples littéraires de clones, on y lit la violence des réactions que le double causait : répulsion, peur, effroi… Plus proche de nous, il est intéressant de relire les nombreuses réactions de tous bords à l’été 2001, faisant suite aux fausses annonces de clonage humain par la secte raëlienne.  Axel Khan, avec qui je débattrai samedi 4 mars prochain à Paris, au Collège  des Bernardins, écrit par exemple : "peut-être avons-nous été créés à l’image de Dieu, mais pas à celle d’un autre homme" ; ou encore : "la reproduction par clonage, ce serait fabriquer un enfant qu’on aurait pré-dessiné, depuis son enveloppe extérieure jusqu’aux caractéristiques de son patrimoine génétique… Une personne qui serait telle qu’une autre volonté l’aurait voulue, semblable à un corps ayant déjà vécu" ou celle d’Henri Atlan, médecin et ancien membre du Comité Consultatif National d’Ethique qui dénonçait dans le clonage une forme : « d’expérimentation humaine inadmissible suivant tous les standards admis de la pratique médicale.

Aucun scientifique ne peut prétendre savoir réellement à quelles dérives le clonage nous conduit, ignorant que nous sommes du véritable support des forces vitales et de leur connections les unes aux autres, mais nombreux sont ceux qui anticipent les grands désordres auxquels il peut nous conduire, sans oser le dire. Alors, pourquoi ne pas simplement envisager de confronter nos orientations scientifiques à l’existence d’une possible Cour Pénale Internationale dédiée ? Si nos recherches sont éthiques, que craindre d’une telle confrontation à cette Cour, même dans le futur ? Et comment cette Cour Pénale jugerait-elle dans l’avenir nos expérimentations sur les vies humaines et le recours au clonage d’embryons humains comme moyen de production d’organes ? Une telle confrontation, même mentale, ne permettrait-elle pas de dégager sans attendre un consensus international de sagesse sur le besoin de stopper toute pratique du clonage humain ?

Pour conclure, permettez-moi une digression par la construction d’un dialogue artificiel fait de 2 citations entre François Jacob et Jean-Nicolas Tournier.« Le travail sur l’ADN recombinant fait donc renaître de vieux cauchemars. Il y a un parfum de savoir défendu ».

« Partis à la recherche de la logique de la vie (raison des origines), les biologistes modernes se sont arrêtés en chemin ; flattés, jouissant d’un plaisir narcissique, attirés irrésistiblement pour la technologie dérivée du vivant, miroir qui les renvoie à leur puissance et à un discours stérile :

«- Miroir, dis-moi que je suis le plus puissant…, jamais homme auparavant n’a pu autant que moi.

- Oui, Biotechnologiste, jamais homme avant toi n’avait autant violé mes lois et mes secrets. »

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