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La chute des bourses européennes 
préfigure-t-elle l’explosion 
de la zone euro ?
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Apocalypse now ?

Depuis la récente dégradation des banques espagnoles et italiennes, ainsi que de la dette grecque, les bourses sud-européennes dévissent. Une disparition pure et simple de l'euro n'est donc pas qu'un fantasme. Une européanisation des dettes pourrait être un premier élément de réponse.

Frédéric  Farah

Frédéric Farah

Frédéric Farah est économiste et enseignant à Paris I Panthéon Sorbonne.

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Lors d’une conférence récente tenue à la fondation pour l’innovation politique, Jean Louis Bourlanges avec le sens de la formule qui le caractérise affirmait que "depuis 2 ans, la succession des Conseils européens et le couple Merkozy ont transformé l’écorchure (la crise grecque) en septicémie (la crise de l’euro)". 

Si l’on doit filer la métaphore médicale , faut-il avancer que le pronostic vital est engagé, autrement dit la sortie de la Grèce de l’Euro et partant l’éclatement de la zone. Deux scénarios se proposeraient à nous.

Tout d'abord, une disparition pure et simple de l’Union économique et monétaire, les unions monétaires elles aussi vivent et meurent. On peut penser à un exemple désormais oublié : l’Union Latine née en 1865 et morte en droit en 1927. Il ne s’agissait pas de monnaie unique, mais les monnaies des États membres, la France, la Belgique, la Suisse, l'Italie et la Grèce, avaient cours légal dès 1868 dans les autres pays. C’est le principe de l’intercirculation. Mais en 1908, la monnaie Grecque ne pouvait plus circuler. Cette étape s’inscrivait dans la fin progressive de l’intercirculation.

Le second scénario est celui d’une séparation de la zone en un euro nord et un euro sud.On peut aussi imaginer un scénario inquiétant qui serait le maintien de l’Euro au prix d’une régression sociale et économique sans précédent dans l’ensemble de l’Union.

Mais avant de se livrer à d’hypothétiques conjectures, quelle situation se présente à l’heure où nous écrivons ces lignes ? Une situation pour le moins contrastée : d’une part une inquiétude quant à la situation politique en Grèce, et qui laisse augurer des anticipations négatives de la part des marchés. Les anticipations des agents, ne l’oublions pas, représentent l’un des déterminants clefs en matière économique. Nous pourrions imaginer une situation pour le moins tendue sur le marché obligataire c'est-à-dire celui de la dette. Mais une observation du marché obligataire au 22 mai 2012 montre une légère détente puisque les taux longs ont connu une baisse pour les pays du sud comme l’Italie et l’Espagne. Les taux à 10 ans de l'Italie reculaient à 5,582% contre 5,758% lundi soir. Même apaisement significatif sur les taux longs espagnols qui s'inscrivaient à 6,080% contre 6,251% la veille. Une détente toute provisoire  probablement, et qui est à relier à la tenue du sommet européen. Mais une détente partielle aussi puisque l'Espagne a emprunté mardi 2,526 milliards d'euros en bons à 3 et 6 mois mais a dû une nouvelle fois concéder des taux d'intérêt en hausse. Comme le souligne Frédéric Rollin, gérant chez Pictet : "On attend des déclarations encourageantes sur lacroissance et la démonstration que la  France et l’Allemagne ont vraiment la volonté de travailler ensemble" .

Les investisseurs le comprennent bien, la solution ne passe plus par l’austérité, autrement dit la croissance par la souffrance. La Grèce a supporté sept plans d’austérité sans pour autant voir sa situation améliorée. La dernière contraction budgétaire demandée à la Grèce est de l’ordre de 12% de son PIB d’ici à 2015. Le salaire des fonctionnaires est réduit de 35%, les indemnités de licenciement sont divisées par deux, la TVA est augmentée de 4 points soit 23%. Le seuil d’imposition sur le revenu tombe de 12 000 à 5 000 euros.  La situation grecque ne trouve pas d’amélioration, le chômage dépasse plus de 20% de la population active. Même l’accord du 24 février 2012  qui prévoit la réduction d’au moins 100 milliards d’euros de la dette grecque n’a donné qu’un souffle provisoire. 

Fin 2011, l’économie grecque a connu un recul de plus de 1,5 % de son PIB en l’espace d’un trimestre, celle du Portugal de 1,3% et celle de l’Italie de 0,7%. L’ISTAT, l’équivalent de l’INSEE révélait dans la présentation de son dernier rapport par la bouche de son président .E Giovannini que l’année 2012 serait difficile tant sur le plan économique que sociale. Pour l’heure seule l’action de la Banque centrale empêche le risque d’une crise systémique en mettant en œuvre deux opérations exceptionnelles de refinancement  illimité des banques de second rang à échéance de trois mois en décembre 2011 et février 2012.Un autre sentier de croissance doit être trouvé et la solution ne peut être qu’européenne, car n'oublions pas que la crise que vit l’Union n’est pas une crise d’importation. Elle est une crise européenne liée aux défauts structurels de l’Union et la réponse ne peut être qu’européenne. Isoler le cas grec est imprudent, c’est l’ensemble de la zone qui est en panne de gouvernance. Nouriel Roubini  dans un article récent  publié sur le site Project syndicate considère même qu’une sortie ordonnée de la Grèce est préférable "une sortie disciplinée par la Grèce de la zone euro sera forcément douloureuse sur le plan économique. Mais le spectacle d’une lente implosion erratique de l’économie et de la société grecque pourrait être encore plus pénible à observer".

Cette position se discute, mais elle a le mérite de rappeler qu’une sortie ordonnée peut se penser avec la Grèce, qui sera cette fois considérée comme un partenaire au lieu d’un pays sous tutelle. Mais plus profondément, l’européanisation des dettes pourrait être un chemin intéressant à emprunter car là se trouve l’un des nœuds de la crise. Le financement des dettes publiques a été dénationalisé sous l’effet de la création de l’Euro, mais l’européanisation de cette dernière n’a pas eu lieu. Et c’est dans ce vide que s’engouffre une certaine spéculation. La monnaie européenne est une monnaie sans souverain et comme le rappelle avec force André Orléan "une crise monétaire est toujours une crise de l’unité". Il serait mal venu de dire vive la crise, mais cette dernière pourrait être plus une étape qu’un terrible accident si les européens acceptent de voir dans l’Union une solution plus qu’un problème.

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